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DISPARITION
DE ROGER DEGUELDRE LE 6 JUILLET 1962
C'est quelques heures seulement après
le génocide du 5 juillet 1962 à Oran qui, rappelons-le,
fit plus de trois mille victimes parmi la population civile européenne.
que de Gaulle prit sa décision de faire fusiller le lieutenant
Roger DEGUELDRE qui, fidèle à son engagement «la
mort plutôt que le déshonneur !», avait justifié
son action dans I'OAS par ces mots : « Mon serment, je l'ai
fait sur le cercueil du Colonel Jeanpierre. Plutôt mourir,
mon Colonel, que de laisser l'Algérie aux mains du FLN, je
vous le jure !»
Le lendemain 6 juillet, à l'aube, au Fort
d'Ivry, Degueldre se présenta devant le peloton en tenue
de parachutiste, le drapeau tricolore sur la poitrine, drapeau auquel
il avait tout sacrifié et qu'il avait choisi comme linceul.
Autour de son cou, il avait noué un foulard de la légion.
Dans la poche intérieure de sa vareuse, il y avait la photo
d'un bébé, son fils qu'il n'avait jamais vu. Il avait
conçu cet enfant dans la clandestinité. Le bébé
était venu au monde alors que le père se trouvait
dans sa cellule de condamné à mort.
« Dites que je suis mort pour la France !
» s'écria-t-il à l'adresse de sort défenseur.
Puis il refusa qu'on lui bande les yeux et, au poteau cria : «
Messieurs, vive la France ! » avant d'entonner la Marseillaise.
Les soldats qui devaient l'exécuter, émus par son
courage, hésitèrent à tirer. La première
salve le blessa seulement : une seule balle l'atteignit sur les
douze qui furent tirées : au ventre dirent certains... au
bras affirmèrent d'autres... Quoiqu'il en soit, le fait certain
c'est que Degueldre ne fut pas atteint de manière décisive.
L'adjudant chargé de donner le coup de grâce
se précipita l'arme à la main pour accomplir sa sinistre
besogne et se rendit compte que le condamné était
toujours en vie. Sa tâche ne consistait désormais plus
à achever un quasi mort censé avoir reçu flouze
bouts de métal... mais bel et bien à tuer un vivant.
Et ce sont là deux choses différentes. Il en eut si
terriblement conscience, que sa main, pourtant préparée
à cette macabre mission, trembla et que le revolver se déchargea
dans le vide.
Parmi l'assistance, c'était la stupéfaction.
Cette situation eu pour effet d'agacer le procureur qui, réveillé
un peu tard. n'avait pas eu le temps de prendre son petit déjeuner.
Et son estomac gargouillait. Mécontent, il fit signe à
l'adjudant de se dépêcher. Pendant ce temps, Degueldre,
à demi recroquevillé, souffrait. Les coups de feu
résonnaient encore à ses oreilles et il se demandait
quand son calvaire prendrait fin.
L'adjudant, toujours tremblant, pointa une nouvelle fois son arme
sur la tête de l'officier parachutiste, ferma les yeux et
appuya sur la détente. Rien ne se produisit. L'arme s'était
enrayée. Une rumeur monta de l'assistance. Degueldre tourna
la tête vers son exécuteur comme pour l'interroger.
Aucune haine dans son regard... Juste de l'incompréhension.
Exaspéré par cette situation unique
dans les annales de l'exécution le procureur ordonna qu'une
nouvelle arme soit apportée. Mais personne parmi les militaires
présents n'en possédait. Il fallut courir en chercher
une...
Et pendant ce temps, Degueldre était toujours vivant.
A partir de ce moment là, tous les juristes
s'accordent à dire que la sentence ayant été
exécutée, puisque le condamné était
encore en vie, il fallait le détacher du poteau et lui donner
les soins nécessaires. Autrement dit. on n'avait pus le droit
d'achever le blessé. Mais les ordres étaient formels
: il fallait que Degueldre soit tué ! Il incarnait à
lui seul, l'OAS, cette puissance qui avait fait trembler les Etats
Majors. le FLN et l'Elysée...
Il fallait exorciser jusqu'à son souvenir.
Et pendant que l'on s'affairait à se procurer une arme, celui
qui, à cet instant, aurait pu changer le cours des événements,
ne réagit point. Pétrifié par la scène,
glacé d'effroi, le défenseur du condamné demeurait
inerte. Pourtant, il lui appartenait de tenter quelque chose, de
courir jusqu'au supplicié, de le prendre dans ses bras et
de le couvrir de son corps en invoquant la justice. en appelant
à l'amour, en exigeant au nom de toutes les traditions humaines
et chrétiennes, qu'on fit grâce au condamné.
Celà s'était déjà produit
dans l'Histoire, quand la corde du pendu avait cassé et que
la grâce lui avait été accordée. Mais
non, l'avocat demeurait prostré, sans voix, mort... alors
que Degueldre lui, était vivant et qu'il le regardait.
Enfin on remit un pistolet à l'adjudant qui, blanc comme
un linge, écoeuré par cette boucherie, niais servile
aux injonctions, devait en finir puisque tels étaient les
ordres et que le défenseur du condamné, qui seul avait
qualité pour tenter quelque chose, se taisait.
Un nouveau coup de feu claqua. Celui-ci fut tiré, non pas
au-dessus de l'oreille comme l'exige le règlement, mais dans
l'omoplate... Une douleur atroce irradia le corps du supplicié. |
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