De terrifiantes scènes d'horreur
La première explosion se produisit à l '« Otomatic », près des Facultés. Il était exactement 17 h. 25.
Beaucoup d'étudiants et de promeneurs avaient pris place à la terrasse et autour du comptoir.
L'engin éclata au sous-sol. La détonation provenait des toilettes « dames » où la bombe avait été déposée dans une chasse d'eau... Une épaisse fumée blanche se dégageait du local. Courageusement, un employé de rétablissement, puis un consommateur s'y précipitèrent.
Une ravissante jeune fille en fut remontée : Mlle Michelle Hervé, âgée de 23 ans. Elle était couverte de sang." Il fallait la transporter d'urgence à l'hôpital " .
Soudain, une autre explosion : en face, au milk-bar de la « Cafétéria », des cris de douleur se firent entendre, tandis que montait un nuage de fumée. Il était 17 h. 26.
Dans la salle du fond de l'établissement là même où le 1er octobre, une bombe à retardement fut déposée par « la mystérieuse femme blonde », l'engin meurtrier avait été placé sous une banquette. Il y eut une dizaine de victimes. Une dame d'un certain âge se trouvait assise sur le siège fatal. Elle fut très grièvement blessée et devait succomber dans la soirée à l'hôpital civil de Mustapha où l'avaient transportée des particuliers. Le lieu de l'attentat offrait un spectacle affreux: les cris de souffrance des victimes tombées parmi les décombres et perdant leur sang ajoutait à l'effroi de la foule qui se ruait vers la rue.
Des gardiens de la paix accourus, des militaires et tous les gens de bonne volonté, organisèrent rapidement les secours dans cet épouvantable et indescriptible chaos. Des voitures, mises à la disposition des blessés, filèrent à grand renfort de klaxon, vers les hôpitaux et les cliniques. Les ambulances des pompiers, puis celles de l'armée arrivèrent ensuite, se frayant difficilement un passage parmi les voitures stoppées.
Dans la verrière du "Coq Hardi"
17h28 : troisième explosion, 100 mètres plus loin. La plus meurtrière. A quelques pas de la grande poste au café "Coq hardi" à l'angle de la rue Charles Péguy et de la rue Monge. Une autre bombe venait d'être déposée sous un guéridon au milieu de la terrasse verrière.
Des femmes et des enfants furent encore les victimes les plus nombreuses.
Tous les consommateurs se trouvaient debout au moment de l'explosion : ils regardaient le va et vient des motards et des ambulances se rendant vers "l'Otomatic" et la "cafétéria"
Là encore après quelques secondes de panique, les secours s'organisèrent rapidement. Venant de la " Cafétéria ", des ambulances chargèrent d'abord les blessés les plus gravement atteints. Des voitures particulières en emportèrent aussi. D'autres encore, soutenus par des parents des amis ou simplement des passants, gagnèrent la clinique Laverhne toute proche.
Une foule énorme de curieux indignés se porta sur les lieux des attentats. Les services de Police, les patrouilles de " bérets verts " et de CRS s'efforcèrent de contenir ces masses.
La colère monta et un incident déplorable se produisit rue Monge, quelques minutes après l'affreux massacre du " Coq Hardi ". Un Français musulman, M Ahmed Bengana, mécanicien fut molesté .
Solidarité
Avenue Pasteur autour de la clinique Laverhne, le mouvement d'entraide né spontanément fur émouvant. Rarement, en dépit de la consternation de l’horreur, de l'indignation qui se lisait sur tous les visages, on vit une telle somme de dévouement, dans la rue.
A l'hôpital de Mustapha, où la majorité des victimes furent transportées, tout le service hospitalier des infirmières aux chirurgiens, immédiatement alertés, se mit à la disposition du directeur M. Bonnet et des chefs de services.
Au bureau des entrées, le service administratif s'efforça d'établir une liste exacte des victimes. A chaque instant, un appel téléphonique venait de la ville. Des familles à l'écoute de la radio s'interrogeaient sur le retard d'un des leurs.
A maintes reprises, la voix d'une employée bouleversée rassura un parent en larmes au bout du fil.....
Des témoins ont vu
La Sûreté urbaine et la police judiciaire, immédiatement désignées par le juge d'instruction, furent aussitôt sur les lieux. Les spécialistes du laboratoire de police scientifique procédèrent aux premières constatations.
La nature des engins n'a pu être encore définitivement établie. Il semble qu'il s'agisse d'engins plus petits " portatifs ", mais non moins meurtriers que ceux employés depuis le 1er octobre par les "combattants" du Parti communiste clandestin. Ils étaient munis d'un dispositif à retardement autre qu'un système d'horlogerie ; un crayon ressort, probablement.
Les conclusions des experts apporteront des éclaircissements sur l'origine de ces bombes. Mais les communistes, une fois encore, semblent bien avoir une lourde part de responsabilité dans ces nouvelles atrocités.
Les déclarations de plusieurs témoins sont, en tout été révélatrices.
Une femme d'une cinquantaine d'années a été vue par plusieurs personnes à l' " Otomatic ", au moment ou elle remontait des toilettes.
Cheveux châtains, édentée de la mâchoire supérieure, vêtue d'un manteau gris, elle allait d'une allure déhanchée.
Une autre déclaration est formelle à la brasserie du " Coq Hardi " : celle d'un garçon : " J'ai servi un thé citron à une jeune fille européenne qui devait être âgée de 20 à 25 ans. Elle m'a payée avec un billet de 1000 FR. sans me laiseer seulement un pourboire .... "
La jeune fille, en tailleur sombre à rayures avait une chevelure blond fillasse. Elle disparut peu avant la première explosion. |