Alger 30 septembre 1956 bombe du milk bar posée par Djamilah Bouhired
La bataille d’Alger est avant tout un combat contre le terrorisme.
Elle fait ses premières victimes le 30 septembre 1956 avec les attentats contre les cafés
le Milk Bar et la Cafétaria. Elle prend fin le 8 octobre 1957 avec la mort du chef terroriste Ali la Pointe.
Le premier jour de l’année 1957, l’hôtel Saint-Georges est pris pour cible, sans faire de victimes. Déstabilisé par l’élimination de son chef Larbi Ben M’hidi, le Comité de coordination et d’exécution se retire d’Alger.
 
 
Après avoir remis sur pied une structure réduite, Yacef Saadi relance la campagne de terreur en faisant exploser trois bombes le 3 juin 1957. En quatorze mois, 751 attentats sont perpétrés dans Alger et sa banlieue qui font 314 morts et plus de 900 blessés. Les terroristes touchent les lieux fréquentés : terminal d’Air France, Grande Poste, stades d’El-Biar et de Belcourt. Le Casino de la Corniche, visé le 9 juin 1957.
 

+

=
Écoute du témoignage de Nicole Guiraud victime du
Milk Bar
Zohra Driff
 
Djamilah Bouhired
 
Nicole Guiraud
Djamilah Bouhired est couturière lorsqu’elle est recrutée par Yacef Saadi pour l’assister. Dans les attentas de « La Bataille d’Alger », elle est celle qui pose la bombe au « Milk Bar », le dimanche 30 septembre 1956. Onze morts et cent cinq blessés en sont les victimes.
 
La bataille d’Alger, c’est, pour les Français qui y vivaient en 1956 et 1957, le fracas des bombes explosant dans les cafés, les grands magasins, les stades, les arrêts d’autobus, et déchiquetant ou mutilant des dizaines de victimes innocentes. Images sanglantes, refoulées au fond des mémoires.
La bataille d’Alger, c’est, pour le général Massu et pour les autres chefs militaires français, un épisode victorieux Quarante cinq ans après la fin de cette bataille, les témoignages publiés sont nombreux, ainsi que les récits de journalistes.
Alger, capitale de l’Algérie, était, en 1954, une ville double. Non pas deux cités nettement séparées, mais une complexe mosaïque de quartiers européens et musulmans imbriqués. La Casbah, partie haute de la vieille ville arabe, conservait son aspect traditionnel de labyrinthe, au milieu de quartiers européens bâtis au XIXe et au XXe siècle (la Marine, Bab-el-Oued, Bab-Azoun, Mustapha, El Biar) qui étaient eux-mêmes encerclés de nouveaux quartiers musulmans près des bassins du port et sur les hauteurs (Belcourt, Clos Salembier, Climat de France). La population musulmane, à cause de sa forte fécondité et d’une importante immigration de l’intérieur du pays, augmentait de plus en plus rapidement ; elle s’entassait dans des logements trop étroits et insalubres, dans des bidonvilles, ou dans des HLM.
Depuis 1936, Alger était le principal foyer du nationalisme algérien musulman ; tous les partis y avaient leur siège. C’est là que l’insurrection du 1er novembre 1954, connue sous le nom de « Toussaint rouge », point de départ de la guerre d’Algérie, avait été organisée par les fondateurs du FLN-ALN (Front et Armée de libération nationale). Pourtant, les bombes artisanales posées ce jour-là n’avaient fait que des dégâts matériels peu spectaculaires, et leurs auteurs avaient été rapidement arrêtés. Le chef du FLN à Alger, Rabah Bitat, avait fini par tomber aux mains de la police, le 21 mars 1955. Le mouvement nationaliste avait alors semblé totalement éradiqué de la capitale.
Abane prit en outre le contrôle de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) : le 19 mai 1956, il appela ses membres à faire la grève des cours et des examens pour rejoindre le maquis. L’engagement des étudiants entraîna, bon gré mal gré, celui de leurs familles, lesquelles appartenaient le plus souvent aux classes privilégiées. Ainsi le FLN fut-il implanté dans tous les milieux socio-professionnels algérois. Même des Européens dits « libéraux », le plus souvent marxistes, chrétiens de gauche ou juifs, lui apportèrent leur aide, dans l’espoir d’éviter une guerre de races ou de religions, et d’assurer l’avenir de leur communauté dans l’Algérie indépendante.
Ces fonctions fondamentales exigeaient que le calme régnât dans la ville. Pourtant, Abane disposait également de groupes armés impatients d’agir : il les utilisa d’abord de manière limitée et sélective. Leurs principales cibles étaient les indicateurs de police (particulièrement dans la pègre de la Casbah), les policiers et gardiens de prison trop zélés, les « contre-terroristes », et tous ceux qui défiaient ouvertement l’autorité ou la discipline du FLN (particulièrement les messalistes du MNA) ; à partir du 15 octobre 1955, les commandos de Yacef reçurent l’ordre de « nettoyer » Alger des ennemis du Front. Mais il n’était pas encore question d’attentats aveugles contre la population européenne. Abane avait désapprouvé en privé les massacres de civils (hommes, femmes et enfants) commis le 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois — tout en les justifiant, devant le journaliste de France-Observateur, Robert Barrat, comme des actes de vengeance provoqués par les horreurs de la répression. Et en janvier 1956, certains de ses conseillers participèrent à l’organisation d’une conférence d’Albert Camus, venu présenter à Alger son appel à une « trêve pour les civils ».
A la fin de février 1956, Ramdane Abane proclama dans un tract sa « conviction profonde que tous les Français, à de rares exceptions près, sont peu ou prou colonialistes ». Il annonça également : « Si le gouvernement français fait guillotiner les condamnés à mort, des représailles terribles s’abattront sur la population civile européenne. »
Le 25 février, au col de Sakamody, à cinquante kilomètres au sud d’Alger, un convoi de véhicules civils fut mitraillé et huit de ses occupants massacrés par un groupe de l’ALN. Peu après, plusieurs familles de colons furent tuées dans leurs fermes au pied de l’Atlas blidéen ; une inscription laissée sur place proclamait : « La violence appelle la violence. »
Ces événements sanglants ne pouvaient que renforcer dans leur conviction ceux qui réclamaient l’exécution des condamnations à mort. Robert Lacoste hésitait, par crainte des représailles promises. Finalement, le 19 juin 1956, deux condamnés furent guillotinés dans la cour de la prison Barberousse, à Alger. Aussitôt, Ramdane Abane et Larbi Ben M’hidi (chef de la zone oranaise, récemment arrivé à Alger) rédigèrent un tract menaçant : « Pour chaque maquisard guillotiné, cent Français seront abattus sans distinction. » Les groupes armés reçurent l’ordre suivant : « Descendez n’importe quel Européen de dix-huit à cinquante-quatre ans. Pas de femmes, pas d’enfants, pas de vieux. » Du 20 au 22 juin, 72 attentats au pistolet ou à la grenade tuèrent ou blessèrent 49 personnes (2).
Ces trois jours de chasse à l’Européen dans les rues d’Alger attisèrent la colère des groupes « contre-terroristes » qui s’étaient formés depuis des mois, et dont le plus important comportait un bon nombre de policiers et d’anciens agents des services secrets. Ils multiplièrent les attentats à la bombe contre des lieux suspects d’abriter les activités du FLN ou de son nouvel allié le parti communiste algérien (clandestin depuis le 12 septembre 1955, il venait de mettre à la disposition de l’ALN ses « combattants de la libération »). La plus meurtrière de ces actions souffla plusieurs immeubles de la rue de Thèbes, au cœur de la Casbah, le 10 août, tuant cinquante personnes selon le FLN. Celui-ci jura de les venger, mais il ajourna sa décision jusqu’au retour de ses principaux chefs.
Du 30 septembre 1956 au 27 janvier 1957, Alger vécut dans une violence, une peur et une haine croissantes.
Les attentats devinrent presque quotidiens. Aux coups de pistolet, aux rafales de pistolet mitrailleur et aux grenades lancées par les groupes armés de fedayin (« volontaires de la mort »), l’ALN ajouta des bombes à retardement, posées dans les lieux publics des quartiers européens (cafés, grands magasins, transports en commun) par des jeunes filles que leur type physique ne distinguait pas des Françaises (ce qui incita les journaux algérois à dénoncer des communistes européenns) . L’arrestation des chefs de la délégation extérieure du FLN dans un avion marocain détourné vers Alger le 22 octobre 1956, puis l’intervention militaire française contre l’Égypte, sur le canal de Suez, déclenchée une semaine plus tard, ne firent que durcir la résolution des révolutionnaires algériens. Comme l’annonçait Abane dans l’éditorial du troisième numéro d’El Moudjahid : « Ainsi, avec la phase actuelle de lutte, nous entrons dans la période d’insécurité générale, prélude de l’insurrection générale qui nous débarrassera à jamais du colonialisme français. »
Dans les derniers jours de janvier 1957, les membres du CCE ordonnèrent une grève générale de huit jours, les instructions ordonnaient de « transformer les villes en cités mortes ; organiser des actions de commandos dans les quartiers européens ; monter des embuscades sur les routes et attaquer tout véhicule civil ou militaire qui passerait ». C’était la traduction des idées de Larbi Ben M’hidi, qui répétait : « Mettez la révolution dans la rue, et vous la verrez reprise et portée par des millions d’hommes. »
Pendant ce temps, les contre-terroristes continuaient leurs attentats. Pour agir plus efficacement, ils commencèrent à enlever, séquestrer des membres du FLN, avec la complicité de policiers et d’officiers. Le 28 décembre 1956, le président de la Fédération des maires d’Algérie, Amédée Froger, fut assassiné par un terroriste. Le lendemain, ses obsèques dégénérèrent , attisée par l’explosion de bombes placées dans ce but par des « contre-terroristes » au cimetière, en ville, et dans des églises. Il fallut néanmoins que le général Salan, nouveau commandant en chef, soit visé par un coup de bazooka, tiré par des Européens, qui tua son aide de camp le 16 janvier 1957, pour démontrer au gouvernement la nécessité de démanteler les groupes « contre-terroristes ».
Dans ce contexte, menacé et débordé des deux côtés, le ministre résidant Robert Lacoste se résolut, le 7 janvier 1957, à confier tous les pouvoirs de police, dans le département d’Alger, au général Massu, commandant de la 10e division parachutiste (DP).
 
Retrouver Nicole Guiraud dans un autre témoignage : Nicole Guiraud