Relations France-Algérie Douste Blazy chez Boutef pour préparer le traité d'amitié

   
 
 

 


Relations France-Algérie Douste Blazy chez Boutef


Conférence de presse conjointe entre le ministre des affaires étrangères Philippe Douste Blazy et son homologue le ministre des affaires étrangères d' Algérie Mohamed Bedjaoui.(10 avril 2006)
Je remercie le président Bouteflika de m'avoir reçu plus de deux heures et demie ; j'y vois là le témoignage d'un respect entre nos deux pays, de ce signe d'amitié qu'il donne vis-à-vis de la France. Je voudrais également remercier le chef du gouvernement, M. Ahmed Ouhayia et bien sûr mon ami, M. Mohamed Bedjaoui, ministre des Affaires étrangères, pour leur accueil très chaleureux. Cette visite était très importante à mes yeux et elle s'est déroulée dans des conditions idéales.
J'ai pu voir tout au long de la visite des témoignages concrets de la richesse, de la densité de notre relation qui est effectivement une relation d'exception.
Outre l'attachement personnel de nos deux chefs d'Etat, les visites ministérielles témoignent périodiquement de l'attachement réciproque de nos deux pays. Depuis un an, ce sont plus de dix ministres qui ont effectué une visite officielle en France et en Algérie.
 

Comme vous le savez, le président Bouteflika, le président Chirac, ont lancé les grandes perspectives de ce partenariat d'exception avec le traité d'amitié entre nos deux pays, c'était en 2003. Je peux vous dire l'attachement de nos deux chefs d'Etat au traité d'amitié.

L'Algérie et la France ont un grand besoin de se retrouver. Elles se sont affrontées sans jamais perdre, je crois, une forme d'attirance réciproque. Le temps est venu de se tourner vers l'avenir sans oublier le passé, comme les deux présidents l'ont proposé en 2003 lors de la visite d'Etat à Alger du président Chirac.

Cela supposait un changement d'attitude, un nouveau regard sur le passé commun ; des formes nouvelles de partenariat pour que, d'un côté comme de l'autre, je dis bien d'un côté comme de l'autre, on puisse se tourner vers un avenir partagé et lucidement construit.

Tel est l'objectif fixé il y a trois ans et auquel nous travaillons depuis lors. Le délai écoulé peut paraître long ; de mon côté je ne le pense pas car le travail est aujourd'hui bien avancé, il doit encore se poursuivre, je pense que nous approchons peu à peu du but.

Cette relation est exceptionnelle également par la grande vigueur de notre coopération, la visite de l'Ecole supérieure algérienne des affaires sera l'occasion de rappeler, dans l'enceinte de ce grand projet lancé par nos deux chefs d'Etat, en 2003, la volonté des Algériens et des Français de travailler ensemble sur des projets très ambitieux, et notamment dans le domaine de la coopération scientifique ou de l'éducation.

Les projets les plus avancés, et qui feront l'objet bientôt d'une signature, témoignent de cette ambition d'accomplir ensemble la réforme des structures de l'Algérie. Il en va ainsi d'une action d'appui à la réforme du système algérien de sécurité sociale menée par le groupement d'intérêt public Santé Solidarité, en coopération avec le ministère algérien du Travail et de la Sécurité sociale. Il s'agit pour moi d'une expérience pilote de coopération axée sur la fourniture d'expertises, de conseils et de formations de cadres de haut niveau afin d'aider à la modernisation du régime de sécurité sociale algérien.

Je voudrais également parler de la mise en œuvre d'un fonds d'études et de renforcement des capacités dans le domaine de l'éducation devant venir en appui du système éducatif algérien. Cette formation des maîtres, menée par l'Agence française de Développement en étroite collaboration avec le ministère de l'Education nationale, vient accompagner la modernisation de l'éducation qui est l'avenir de ce pays.

Chacun des axes de notre action, qui fait l'objet d'une étroite concertation pour les besoins identifiés par l'Algérie, est mis en œuvre sur la base d'un partenariat équilibré et coopératif. C'est d'ailleurs dans cet esprit que j'ai pu aborder avec mon homologue, Mohamed Bedjaoui, la rénovation de notre coopération culturelle, scientifique et technique dans le cadre de nouveaux instruments que nous souhaitons mettre en place avec l'Algérie. Nous avons souhaité que notre relation rénovée prenne en compte les domaines les plus importants qui sont ceux de l'éducation, de la santé, de la recherche scientifique, par le biais du développement de nouveaux pôles d'excellence.

Une relation d'exception enfin, et ce n'est pas un sujet mineur, qui se traduit par un dialogue confiant et ouvert sur les différents sujets régionaux et internationaux, compte tenu du rôle majeur que joue l'Algérie, Monsieur le Ministre d'Etat, sur la scène internationale, dans ses relations d'Etat à Etat, comme dans les enceintes multilatérales. Je pense en particulier au succès de la présidence algérienne de la Ligue arabe, que je tiens à saluer, mais aussi à l'Irak, où nous devons soutenir la voie du dialogue politique, qui seule conduira à un retour de la stabilité et à une marginalisation des groupes terroristes ; Je pense aussi à l'Iran, où l'intérêt légitime du pays, l'intérêt du peuple iranien tout entier réside dans le développement de relations de confiance et de coopération avec le reste du monde, ou encore au Proche-Orient où la communauté internationale attend du nouveau gouvernement palestinien qu'il endosse les processus fondamentaux du Processus de paix, rappelés par le Quartet.

Sur la lutte contre le terrorisme international aussi, qui est un fléau dont l'Algérie a particulièrement souffert et contre lequel nous devons plus que jamais nous mobiliser, notamment dans le cadre de la négociation en cours au sein des Nations unies sur un projet de convention générale de lutte contre le terrorisme ; car en effet je suis confiant que les réponses aux défis majeurs qui se posent aujourd'hui ne peuvent trouver d'issue que dans la concertation et dans le dialogue entre partenaires.

C'est cette confiance qui me fait penser que nous avons, nous Européens, un rôle à jouer avec nos partenaires du Maghreb pour aborder les questions de sécurité collective. La construction de grands ensembles régionaux est primordiale pour traiter des questions les plus sensibles comme les migrations ou le développement. C'est pourquoi la France plaide sans relâche l'urgence d'une intégration maghrébine qui profitera à toute la Méditerranée.

Voilà les mots d'introduction que je voulais dire, Cher Collègue, avant de vous laisser la parole, et en vous remerciant encore de l'accueil très chaleureux que vous m'avez réservé vous, le Premier ministre et tout particulièrement le président de la République, ce matin, soyez en remerciés.

Q - Bonjour Monsieur le Ministre. Il y a deux petites questions, une s'adresse à vous deux et l'autre est pour le ministre des Affaires étrangères français.

Donc la question pour les deux : A la lecture un peu et à vous entendre, on a l'impression que le traité ne sera pas signé avant les élections présidentielles françaises puisque le traité n'est pas un traité d'amitié entre deux chefs d'Etat, mais entre deux peuples.

La deuxième question est pour le ministre des Affaires étrangères français, vous appelez à une intégration maghrébine, or au Maghreb, il y a un problème, c'est le Sahara occidental, qui empoisonne un peu les relations dans la région.

Monsieur le Ministre, est-ce que le 21 avril, lors de la réunion du Conseil de sécurité, la France va soutenir le plan de paix onusien ou le plan de paix, si vous voulez, marocain ?

R - Sur le traité d'amitié d'abord, et ensuite sur le Sahara occidental. Sur le traité d'amitié d'abord, je me réjouis d'avoir entendu mon homologue dire, en effet il l'a même dit lui-même il y a quelques semaines, qu'il était toujours d'actualité, et que, c'est vrai, ce n'est pas la peine de se le cacher, l'année 2005 avait été une année ternie par les sujets qu'a abordés mon homologue et ami, M. Bedjaoui. Nous avons plusieurs questions à nous poser sur ce traité. Première question, a-t-il été retardé par le débat sur la loi du 23 février ? La réponse, évidemment, est que la date de fin 2005 qui était donnée était un objectif, c'est vrai, mais que fixer un objectif peut aider ; cela a permis de hâter le travail des deux côtés, mais il est évident que les délais importent moins que cet objectif, et nous traitons d'enjeux importants qui engagent l'avenir, M. le Ministre vient de le dire. Ce traité est très important. Donc, oui nous continuons à travailler et nous pensons qu'il faut dissiper les malentendus, le fait que le président ait abrogé l'alinéa 2 de l'article 4 de cette loi est un élément politique important.

Le traité d'amitié, c'est une ambition franco-algérienne qui doit venir consacrer un partenariat fondé sur des relations exceptionnelles entre deux pays, et c'est vrai, vous avez raison, entre deux peuples. Vous m'avez posé la question à plusieurs reprises, en disant : "et le peuple français, que pense-t-il de ce traité ?" Mais le peuple français souhaite évidemment ce traité parce que ce sont des relations qui sont intimement liées par l'histoire et la géographie.

Qu'y a t-il, deuxième question, dans le traité d'amitié ? Que doit-être, ce traité ? Je crois qu'il doit former un cadre institutionnel pour le développement de nos relations dans le cadre du partenariat d'exception que nous bâtissons avec l'Algérie. Mais ce n'est pas qu'un cadre institutionnel. Il s'agit également d'un engagement fort à poursuivre et à approfondir nos relations bilatérales, dans tous les domaines.

Alors troisième question, est-ce qu'il y a des divergences entre les Français et les Algériens, entre les Algériens et les Français sur le traité d'amitié ? L'année écoulée a montré, et M. le Ministre d'Etat vient de le rappeler, que des deux côtés de la Méditerranée, on n'appréciait pas forcément le passé commun de la même manière. Cette diversité d'appréciation n'était pas seulement le cas de la France et de l'Algérie, mais elle traversait aussi la conscience de chaque peuple.

Les choses, et je le dis ici, devant tous les journalistes ici rassemblés, les choses ont aujourd'hui, de ce point de vue, décanté et je m'en réjouis. Pour le reste, c'est à dire les multiples sujets qui tissent les relations bilatérales, je crois que nos gouvernements n'ont pas dévié de l'objectif initial, celui d'un partenariat profondément renouvelé, auquel ils continuent de travailler aussi activement qu'on le peut.

Et donc, je vous le dis ici, oui, après avoir entendu le président de la République Abdelaziz Bouteflika, oui, nous continuons à travailler, j'ai envie de dire plus que jamais, à ce traité d'amitié, et je suis vraiment très touché de voir à quel point les deux chefs d'Etat se sont engagés à le réaliser.

Alors vous me demandez quand ? Avant les présidentielles, après, je n'ai pas de calendrier spécial à vous donner. Sauf que si justement nous arrivons à nous parler et comme l'a dit M. Bedjaoui, à l'instant, c'est à dire à refonder, à restructurer, à refonder les relations, évidemment on peut aller vers un traité d'amitié de deux partenaires à égalité, c'est en tout cas ce que je souhaite vraiment pour mon pays, comme pour l'Algérie.

Vous posez également une question, Monsieur, sur le Sahara occidental. Le dossier du Sahara occidental a été évoqué de manière constructive. Le dialogue est étroit entre nos deux pays. Il peut y avoir parfois entre amis des divergences d'appréciation. Mais permettez-moi de vous dire, qu'après l'échec des différentes formules envisagées qui toutes ont été rejetées par l'une ou l'autre des parties, le Conseil de sécurité dont nous sommes membres a lui-même constaté l'impasse dans laquelle se trouvait le processus politique.

Nous regrettons profondément cette situation tout en ayant bien conscience qu'il n'existe pas de solution providentielle. Chacun sait, que pour être praticable et durable, tout règlement devra être mutuellement acceptable par les parties, c'est d'ailleurs la politique constante du Conseil de sécurité, qui a réitéré ce paramètre fondamental dans ses résolutions passées. C'est dans cet esprit que nous encourageons le nouvel envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. Peter Van Walsum, à poursuivre sa mission et ses contacts avec l'ensemble des parties concernées, avec la conviction que la persistance du conflit aujourd'hui est un handicap important pour la construction, que nous appelons de nos vœux, d'un espace de dialogue, d'échanges et de coopération entre les pays du Maghreb.

Q – (A propos de la question nucléaire en Iran)

R - Je voudrais apporter, si vous le permettez, une réponse pour dire que c'est un sujet évidemment majeur. La France considère que l'Iran a droit à l'énergie électro-nucléaire civile, à des fins pacifiques, c'est évidemment ce que nous avons toujours dit. Nous avons toujours pensé que la négociation était possible, mais nous pensons aussi, et cela me paraît important d'écouter ce que M. El Baradei, le directeur général de l'Agence internationale de l'Energie atomique, dit, il nous paraît essentiel qu'il y ait une suspension des activités nucléaires sensibles iraniennes, comme le demande l'ensemble de la communauté internationale de manière ferme, de manière unie.

Q - Monsieur le Ministre, est-il vrai que la signature du traité d'amitié et de paix est conditionnée par des excuses officielles venant de la France par rapport à la loi du 23 février ?

R - Concernant ce sujet, je vous remercie beaucoup de cette question, qui est importante parce que, vous le voyez bien, ce traité d'amitié nous le souhaitons, et en même temps, il faut régler entre nous ces sujets-là. La loi du 23 février a suscité, je l'ai dit à plusieurs reprises, des malentendus et des divisions qui n'étaient pas dans l'intention du législateur. L'objet de la loi du 23 février est de prendre d'importantes mesures pour les rapatriés et pour les harkis. Ces mesures n'ont aucune raison d'être un objet de discorde entre Français et Algériens. Concernant l'article 4 de cette loi dont vous parlez, M. le Ministre d'Etat, le président de la République a eu la sagesse d'abroger ses dispositions les plus controversées. C'est le fameux alinéa 2 dont vous parlez. A présent, la question est close et il revient aux historiens et aux chercheurs de s'exprimer en toute indépendance, avec toute la rigueur scientifique sur cette période de colonisation.

Q - La loi du 23 février ne relève pas de la génération spontanée. Je pense qu'elle a traduit un esprit d'une partie de la classe politique française. Ce n'est un secret pour personne qu'elle a profondément affecté la société algérienne et c'est ce qui explique à mon avis l'appréhension qui pèse aujourd'hui sur la conclusion de ce traité d'amitié. Vous avez dit tout à l'heure que le peuple français veut ce traité d'amitié. J'aimerais savoir sur quelles bases vous vous fondez pour affirmer cela ?

R - Vous savez, Monsieur, 20 à 25 % des Français ont un rapport direct ou indirect avec l'Algérie. Il y a des relations excessivement profondes. Permettez-moi une petite parenthèse : je suis président de la Communauté d'agglomération du Grand-Toulouse. Elle représente 600.000 habitants. J'ai été le maire de cette grande ville, maintenant je suis président de la Communauté d'agglomération des 25 communes qu'il y a autour de Toulouse. Je peux vous assurer, pour connaître ces personnes personnellement, qu'il y a une volonté profonde du peuple français d'être ami, lié, et c'est le cœur qui parle, avec l'Algérie.

C'est important pour nous évidemment sur le plan stratégique, évidemment aussi important sur le plan géo-politique, c'est important pour nous sur le plan du cœur, je suis sûr que c'est réciproque.

Simplement il y a eu cette loi c'est vrai, nous venons d'en parler, de manière très, je dirai, décontractée, même si cela est excessivement douloureux mais c'est en en parlant justement que l'on pourra avancer. Et quand le Ministre d'Etat parle de refondation, de restructuration, oui, j'y crois, à condition justement d'épurer ce problème là entre nous, sans rien oublier bien évidemment. Je suis très touché par les heures que j'ai passées avec le président de la République d'Algérie justement parce que c'était ça : après tout à un moment donné il faut se parler, il faut être positif et pour être positif et se parler il faut savoir aussi se dire ce que nous pensons les uns et les autres.

Je vous le dis, je suis un élu, je crois que tous les élus qui sont ici, il y a le maire de Marseille qui est quand même la première communauté algérienne en France, il le sait, il l'a dit hier, et son collègue sénateur également, M. Domeizel. Il y a une volonté du peuple français, je peux vous l'assurer, je peux vous le dire ici. D'ailleurs, je ferai une remarque : lorsqu'il y a eu l'abrogation de la part du président de la République de l'alinéa 2 de l'article 4, je n'ai pas vu d'évènement particulier se produire en France.

Q - Bonjour, je voudrais poser une question qui s'adresse aux deux ministres par rapport au devoir de mémoire et au traité d'amitié. Aujourd'hui, il y a des questions divergentes entre les deux nations notamment sur la question des harkis. Comment sera-t-elle traitée dans ce cadre-là, dans le cadre du traité d'amitié, et parallèlement en France on parle plus, dans le cadre de l'immigration, d'une immigration choisie et non pas imposée. Est-ce que ce n'est pas une forme de discrimination à l'égard des peuples du sud de la Méditerranée et est-ce qu'on ne veut pas appauvrir en quelque sorte ces peuples de leur élite ou de leurs cerveaux et aussi parallèlement aux coopérations, il y a la COFACE aujourd'hui qui a revu à la baisse le "risque Algérie", sans pour autant voir concrètement des investissements concrets se réaliser en Algérie, est-ce que maintenant cette notation a plus une connotation politique ou économique ?

R - Vous avez posé la question aux deux ministres. Je terminerai en répondant à votre question : Je ne vais pas revenir sur le traité d'amitié, on en a déjà beaucoup parlé, et sur le devoir de mémoire. Vous avez posé une question sur les harkis et vous avez posé une question sur l'immigration choisie. Sur les harkis d'abord, je voudrais dire qu'ils sont une partie intégrante de la communauté française. Il appartient donc à l'Etat français d'assumer ses responsabilités à leur égard. Les harkis gardent par ailleurs des liens indissolubles avec leur terre natale. Nous attachons une grande importance à ce que les citoyens français ayant des liens personnels avec l'Algérie puissent se rendre dignement dans ce pays. Et je vous remercie de m'avoir permis de le dire.

La deuxième chose concerne les migrations. Ne vous trompez pas. Lorsque le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur en France, lorsque le chef du gouvernement parle d'immigration et de loi sur l'immigration, de quoi s'agit-il ? Eh bien, il s'agit tout simplement de vouloir faire en sorte que dans notre pays, et comprenez le c'est le cas aujourd'hui de tous les pays, on puisse dans l'enseignement supérieur, on puisse dans l'université en général, dans les grandes écoles, accueillir, former des personnes qui puissent aussi revenir dans leur pays ensuite./.