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(Il suffit de lire
en effet le livre de Fathi Al Dib, délégué
par Nasser aux affaires d’Afrique du Nord, pour s’en
convaincre : Abdel Nasser et la Révolution Algérienne,
Paris, L’Harmattan, 1985).
Pour arriver à justifier une telle mise
en accusation, mensongère, de la France pour ce qui se déroule
là-bas depuis 1962, ce monsieur Bouteflika exige, comble
de la manipulation, que la France s’excuse, -(par exemple
en abrogeant déjà la loi du 5 février 2005
reconnaissant les aspects positifs de la présence française).
Pourquoi ? A cause de la guerre ? Même pas. Ou, plutôt,
l’essentiel n’est pas là. D’autant que
le FLN a exécuté 50.000 dissidents selon Gilbert Meynier,
(Histoire intérieure du FLN, 2002,p.704), par exemple en
menant une "véritable guerre d’extermination"
(p.689) contre certains groupes pourtant proches idéologiquement
de lui comme le MNA de Messali Hadj (qui au fond voulait appliquer
la vision islamiste sans passer par la case pseudo-moderniste du
nationalisme nasséro-baathiste, voir par exemple le livre
de Benjamin Stora, Messali Hadj, Paris, Hachette, 2004, p. 167).
Le FLN en a tué en réalité
bien plus que la France (200.000, idem, Meynier, p.704), dans les
années 90 tandis que les exactions françaises relevaient,
en majorité, plutôt de la contre-violence comme ce
fut le cas à Sétif où une provocation (le meurtre
d’un scout) entraîna l’assassinat d’une
centaine d’Européens dont des communistes (représentant
plutôt la laïcité que le colonialisme) comme l’a
relaté Benjamin Stora :
« On sait qu’un des responsables du
PC à Sétif a eu les bras sectionnés lors des
affrontements », précédé par le propos
suivant : « Certains militants européens ont d’ailleurs
participé à la répression de Sétif,
dans les milices. Peut-être par simples représailles
» (Interview dans Libération, samedi 07 mai 2005, par
Hervé NATHAN).
L’idée consistait à créer
un bain de sang pour empêcher toute velléité
de rapprochement entre natifs et colons qui s’était
amorcé depuis 1865 comme le relate Pierre Goinard, dans son
ouvrage Algérie, l’œuvre française, (Éditions
Jacques Gandini, 2001, p.110). Cette tactique du bain de sang fut
également appliquée après l’insurrection
Kabyle de 1871 comme le relate Farida Aït Ferroukh, dans Cheikh
Mohand, Le souffle fécond, Bruxelles, éditions Volubilis,
p. 30).
Or, selon ce sieur, le dénommé Bouteflika,
c’est plutôt la France qui devrait être mise au
banc des Nations pour destruction civilisationnelle, crime contre
l’humanité, puisque ceux-ci auraient ainsi parcouru,
et uniquement, la présence française, de bout en bout.
Il suffira alors de faire croire que le pays était
doté, avant 1830, d’un Etat indépendant (alors
qu’il était sous domination turque depuis plusieurs
siècles) et avait un niveau de développement tel qu’il
pouvait être comparé à l’époque
aux plus grands Etats du monde. Sans rire. C’est ce que textuellement
a osé raconter M. Bouteflika tout récemment. Tout
en expliquant que ce pays parlait l’arabe littéraire
avant 1830, ce qui est tout aussi risible.
Cette méthode de propagande n’est
pas nouvelle. Et on peut la repérer également en Algérie
dès les années 50. Ainsi Gilbert Meynier peut-il écrire
(Idem, p. 223) :
"Tout ce qui peut démontrer la supériorité
des Arabes et des musulmans y est convoqué. Et comme les
Arabes et les musulmans ont été puissants il y a plusieurs
siècles, le passé est naturellement exalté.
D’où les incitations à venger la bataille de
Poitiers, d’où aussi l’affirmation obsessionnelle
de la supériorité militaire du jundiyy (combattant)
algérien (...) ( ;) au sommet de l’appareil, (...),
un moderniste comme Mouloud Kacem Naït Belkacem, cadre germanophone
de la délégation F.L.N. à Bonn, ne craint pas
d’assener dans ses conférences l’assertion qui
lui est chère selon laquelle l’Algérie était,
en 1830, une "superpuissance"."
Quel est l’intérêt d’une
telle affirmation que Bouteflika bégaye aujourd’hui
? Elle résume en peu de mots le projet des "révolutionnaires"
du FLN : il s’agit moins de constituer une indépendance
respectant la diversité culturelle et ethnique et aussi l’acquis
civilisationnel de la colonisation (comme ce fut le cas en Inde,
malgré ses errements tiersmondistes et bien sûr aux
USA après 1763) qu’un ralliement à la cause
du nationalisme arabe dans sa version nassériste et baathiste
dont la dégénérescence en gangstérisme
alimenta la rupture de l’islamisme des années 1990
qui fut pourtant cajolé par le régime afin d’arabiser
par l’islamisation à outrance. (Voir Ahmed Ameziane
Zoungari dans Regards n° 33- Mars 1998, Algérie, résistance
sur le front culturel).
Plusieurs aspects confirment cette subordination
identitaire et idéologique du FLN à l’arabo-islamisme
version nasséro-baathiste.
Gilbert Meynier montre bien que derrière
la vitrine occidentalisée bien mise en avant pour rassurer
les soutiens de la gauche française (l’auteur le souligne
p. 505), existait des tendances non seulement anti-françaises
mais violemment anti-occidentales au sens anti-moderne du terme,
c’est-à-dire refusant le mode de vie urbain, l’évolution
des moeurs, bref, la liberté ; le tout étant remis
en cause, en soi ; la lutte contre la colonisation n’étant
qu’un vecteur, un effet pervers, une étape avant l’extraction
finale du mal : la modernité et son visage historique celui
de la démocratie réelle, celle qui ne s’arrête
pas au bourrage des urnes lors des plébicistes divers.
Meynier écrit par exemple la chose suivante
(pp. 220.221) :
" (...) la référence à
l’islam fut une constante du discours F.L.N. Peu avant son
assassinat, Chihani/Si Messaoud -(cadre influent, il fut accusé
d’homosexualité et tué pour ce "prétexte"
par ses frères d’armes selon Meynier p. 392)- présida
une réunion à Oum khaled devant 250 personnes. Il
y aurait déclaré d’un ton sans réplique
: " Les Français nous ont toujours menti, ils nous ont
toujours foulé aux pieds. Ils vous empêchent d’appliquer
strictement les préceptes de notre religion musulmane. Ils
vous apprennent à fumer et à vous saouler. Vous devez
lutter avec nous pour les chasser, mais j’ai appris qu’il
y avait des faux frères qui nous vendent. Je tiens à
vous prévenir que toute défaillance dans ce domaine
sera sanctionnée par l’égorgement."
Plus loin, et à propos de ce même
Chihani, Meynier note que celui-ci (p.233) "dut, comme tant
d’autres, instrumentaliser l’islam comme moyen de mobilisation.
Et instrumentaliser la religion, c’est déjà
avoir un rapport moderne à la religion."
Mais cette "modernité" est plutôt
réduite à l’état d’une technique,
elle n’a rien à voir avec une vision réellement,
authentiquement, moderne, c’est-à-dire laïque.
Meynier observe qu’en règle générale
(p.221) :
"L’identité globale est signifiée
spontanément par la religion. Fréquentes sont les
injonctions à retrouver, par le combat émancipateur,
"notre dignité et notre personnalité arabo-musulmane
bafouée et menacée de disparition depuis 1830."
(note 287 : Bulletin intérieur de la Zone autonome d’Alger,
septembre 1957 (...)". "
Meynier fait ainsi part, et à maintes reprises,
de références incessantes à la religion, par
exemple l’obligation de la prière et du ramadan pour
un "front" prétendant oeuvrer pour un "Etat
moderne" (p. 232), certains, tel "Hadj lakhdar" (p.396),
aurait, selon "certaines sources, de sa main tué des
gens surpris à fumer" (idem, note 43).
Plus haut dans son texte (p. 220), Meynier observe
que
" Krim, Ouamrane et leurs compagnons jurèrent
sur le Koran, à la veille du 1er novembre".
Ce qui indique que l’insurrection n’était
pas principalement perçue comme une lutte de libération
nationale pour certains, mais bel et bien comme l’amorce d’un
"jihâd" (p.220), susceptible de rompre avec les
racines occidentales, juives, chrétiennes, qui, en Afrique
du Nord, remontent bien avant l’arrivée de la France.
Meynier observe également ceci sur l’atmosphère
de ces années de braise (p.220) :
"On chercherait en vain dans la thawra (insurrection)
algérienne ce qui put se produire lors de la révolution
irakienne de juillet 1958 : des révolutionnaires brûlant
en pleine rue le Koran, dans un contexte, il est vrai, radicalement
différent. Il y a des situations dans lesquelles le geste
du révolutionnaire s’en prend violemment aux symboles
dirigeants et aux principes directeurs de la société
(statues, textes sacrés, églises, châteaux...),
à l’inverse de l’Algérie où la
lutte était menée prioritairement contre l’étranger.
(...). Ali Zamoum relate que, dans une lettre, l’expression
codée pour dire que quelqu’un avait rejoint le F.L.N.
put être : " il fait à présent ses prières".
Meynier cite à ce propos le livre souvenir
de ce même Zamoum, disant (in Le Pays des hommes libres, p.
106) :
"A l’heure de la prière, tous
debout, en rangs, avec à la tête un imam, nous formions
l’image d’une communauté unie, différente
et opposée à celle des chrétiens représentée
par les gardiens qui nous observaient derrière la grille
de la salle sans rien dire."
Meynier observe néanmoins une différence
entre les textes de 1954-1955 mobilisant sur la religion et ceux
de la période 1960-1962 plus tournés vers l’action
politique (p. 233). Ainsi, il note que selon la région, par
exemple le "Nord Constantinois", la "Kabylie",
les problèmes "sont abordés sous un angle purement
politique", pour la première région, et il n’existe
"aucune référence religieuse" pour la seconde.
Mais plus loin (p. 505) Meynier avance ceci quant
à la période 1954-1958 :
"Un texte fondamental -Les Mémoire
d’Amokrane- permet au lecteur européen de constater
que le F.L.N. ne se réduisit pas à la frange occidentalisée
qui était présentée à dessein à
l’opinion internationale, et à laquelle, narcissiquement,
les Français sympathisants voulurent réduire le F.L.N.,
à commencer, souvent, par certains porteurs de valises. Car,
chez Amokrane, le 1er novembre 1954 est présenté comme
l’aboutissement d’une promesse de Dieu. Pour lui, doivent
régir la "révolution" des hommes se plaçant
fî sabîl illâh (dans le chemin de Dieu). Il ressentait
qu’un homme comme lui en était digne parce qu’il
était hâfiz (mémorisateur de Koran). Et il professe
dans ses Mémoires que les Algériens qui ne suivaient
pas ces préceptes devaient être châtiés
comme ils le méritaient ; cela quelle que soit la réalité
de la foi personnelle de l’auteur.
De fait, en Algérie, outre l’Aurès-Nememcha
et le Sud, où l’observance religieuse était
spontanée, ce fut en particulier en Kabylie que, jusqu’à
la mort d’Amirouche, les colonels Mohammedi et Amirouche firent
régner un ordre islamique rigide. Une directive de février
ou mars 1957 donna pour consignes aux responsables de villages de
faire respecter l’obligation de la prière pour les
personnes des deux sexes au-delà de 15 ans, et de la prière
collective du vendredi. Dans le prolongement de l’action des
’ulamâ, (savants de la cléricature musulmane
citadine), en kabylie toujours, le F.L.N. mena campagne contre les
marabouts, voire détruisit des qubba(s) (tombeau) de mausolées
de saints. Dans le Constantinois, aussi, les grands dignitaires
des confréries furent menacés en raison de leurs doubles
jeux et de leurs appels au calme. Certains finirent égorgés.
Dans la (wilâya, région militaire) 4, aussi, les manifestations
du culte maraboutique furent interdites."
Cette destruction de mausolées de saints
fut d’ailleurs poursuivie dans les années 1990 par
les islamistes non FLN, - le FIS étant après tout
le fils du FLN pour reprendre un adage populaire de l’époque-,
parce qu’il s’agissait (et il s’agit toujours)
de centraliser le rapport au religieux afin d’imposer une
seule interprétation susceptible de servir les intérêts
politiques du clan au pouvoir à ce moment là.
Observons maintenant la façon dont l’islamisation
devint un vecteur non seulement d’arabisation mais d’enfermement.
Qu’en était-il des femmes dans le Maquis et pendant
"l’indépendance", bien avant donc l’instauration
du Code de la famille (1984) qui réifia leur infantilisation
d’Etat, Meynier observe ceci (p.224) :
"Si l’on en croit Frantz Fanon, au F.L.N.,
"la femme pour le mariage (aurait) fait place à la femme
pour l’action". En un sens ce ne fut point faux. Si ce
n’est que le rôle des femmes a été médiatisé
par le F.L.N. sur le mode héroïque à la face
d’un public occidental progressiste heureux de vérifier
que ces Algériens qui combattaient n’étaient
pas des passéistes. Or les Algériennes n’ont
jamais pris les armes au maquis, sinon sur des photos (...). En
réalité, les femmes ne sont pas venues au combat par
recrutement systématique du F.L.N. Leur "participation
s’est faite spontanément dans le feu de l’action"
(Amrane Djamila, Les Femmes algériennes dans la guerre, Paris,
Plon, 1991, p. 247). Parties au maquis pour apporter leur contribution
à la libération de leur patrie, elles pensent, ce
faisant, échapper à l’étouffoir patriarcal."
Meynier précise alors leur fonction (p.
225) :
" Sont dévolues aux femmes des tâches
de ravitaillement, d’hébergement et d’entretien
des combattants".
Il observe néanmoins des exceptions (p.226)
:
"De fait, dans l’exceptionnel contexte
citadin de guerre, il y eut à Alger une certaine égalité
dans la camaraderie de combat."
Meynier ajoute cependant (ibid) :
"Mais dans les quelques cas où des
Algériennes voulurent emboucher les trompettes de l’émancipation
promise par la France en 1958, la réaction ne se fit pas
attendre. Plusieurs furent molestées. Au moins l’une
d’entre elles fut assassinée à Medea. (...).Pour
le F.L.N, la France ne pouvait que vouloir entraîner les musulmanes
qui avaient tout ce qui leur fallait :" Notre religion, depuis
quatorze siècles, a accordé à l’homme
comme à la femme le droit à la liberté, à
l’instruction, au combat pour la défense de son pays"
(proclamation du service d’information de la Wilaya 2 (été
1958)."
Meynier fournit également des détails
piquants sur la propagande FLN en direction des femmes, par exemple
celle de la Wilaya 2 citée à l’instant, qui,
dit-il (p.227) :
"brode anxieusement sur les Françaises
sans voile, hantant les dancings et les spectacles, comme Mlles
Sid Cara et Kebtani "et autres traîtresses de la religion
et de la patrie (sic)" : de tels modèles pour les musulmanes
ne peuvent qu’inciter " son armée (de la France,
NDA) dépravée d’attaquer ton honneur, de te
détourner de la participation à la libération
de ton pays (...) afin d’empêcher d’assumer ta
responsabilité vitale : c’est-à-dire gérer
les affaires de ton foyer (...). Algériennes ! Vos soeurs
et vos frères vous conseillent de rejeter à sa face
ces libertés trompeuses et de fournir aux militantes et militants
du F.L.N. les noms des traîtresses qui espionnent et propagent
la politique de l’ennemi" (S.H.A.T, 1H1636-1). Pour parler
clair, la morale sexuelle qui s’impose aux femmes est particulièrement
sourcilleuse. Et sur ce chapitre, loin de contester radicalement
l’ordre familial comme cela put être allégué
par tels chercheurs étourdis, le F.L.N. fait pratiquement
de l’émancipation un synonyme de trahison. Il récupère
la culture patriarcale et la fait fonctionner en tant que substitut
du père patriarcal.
En Wilâya 3, tout au moins, et en tout cas
jusqu’en 1959, la vérification de la virginité
des recrues mujâhidât est un préalable. Plusieurs
femmes algériennes refusèrent ce contrôle humiliant
qui violait leur intimité et eurent des ennuis avec la direction
de la wilâya. Parmi elles des femmes encore en vie et qu’il
n’est pas décent de nommer. Une militante européenne,
venue du P.C.A. et de la "bataille d’Alger", refusa
elle aussi mordicus cette dégradante vérification."
Plus loin (pp. 227,228) Meynier observe :
"L’A.L.N (L’armée de libération
nationale, bras militaire du FLN) remplace donc le père dans
la gestion du bon sexe. Elle se réserve le droit d’autoriser,
ou non, le mariage aux junud (combattants) qui en font la demande.
Dans une mintaqa (zone) de la W3, en juillet 1960, "le maquisard
marié sans autorisation de l’A.L.N. et à l’insu
des populations sera exécuté. Si le mariage n’a
pas été autorisé mais conclu conformément
au droit musulman, l’intéressé sera condamné
à un mois de prison puis déplacé. Les sous-officiers
et officiers encourront les mêmes peines, auxquelles s’ajoutera
la dégradation. (S.H.A.T., 1H1619-1). (...).
Même si, ici et là, quelques responsables
s’inquiètent des répudiations excessives, le
F.L.N. refuse que la France veuille, en 1959, réglementer
le divorce et interdire la répudiation. (...) Le Moudjahid
proteste avec indignation contre "cette nouvelle atteinte de
la France à l’islamisme (sic)" (El Moudjahid,
6 juillet 1959, cité par Gadant Monique, Le Nationalisme
algérien et les femmes, Paris, L’Harmattan, 1995, p.
254). " Ainsi des français, au surplus chrétiens
ou de confession israélite comme l’est, paraît-il,
M. Michel Debré, ont osé de propos délibéré
porter atteinte au Coran, de par son essence immuable (alors que)
la religion est un domaine qui relève exclusivement de la
communauté des croyants." (...)".
" (...) en wilâya 3, les Mémoires
de Mohamed Benyahia offrent une anthologie des recours au droit
de cuissage, conjugué dans un cas avec l’égorgement
des victimes, ce pour quoi il ne semble pas que l’officier
coupable ait jamais été puni. Toujours en W3, un capitaine
se réserva une jeunette échappée par patriotisme
de son milieu protégé de Bejaia, la cloîtra
et lui imposa le mariage alors qu’il était déjà
marié. Mais elle finit par s’échapper. Djamila
Amrane mentionne cinq cas de maquisardes qui auraient été
exécutées (Les femmes algériennes dans la guerre,
p. 254). En wilâya 4, si l’on en croit du moins le témoignage
d’un rallié, un officier supérieur aurait égorgé
sa compagne en public. Mais le fait n’a pu être recoupé
ni, donc, vérifié par l’historien."
Enfin, et toujours à propos des femmes,
et des moeurs, lorsque Alger fut occupé par la Wilâyya
4 en juillet 1962, alors que le FLN "implosait" observe
Meynier, (mais de cela nous n’en parlerons pas, du moins ici)
ce dernier remarque (p. 665) ceci :
"Les guerriers limitèrent les déplacements
et ils firent la chasse aux "filles du 13 mai" auxquelles
purent être arbitrairement assimilées les dames non
voilées. Ils inaugurèrent une pratique qui allait
devenir périodiquement courante dans l’Algérie
indépendante : le contrôle de la licéité
des couples circulant en ville par l’exigence de la production
du livret de famille."
La référence au "13 mai"
(1958) est intéressante parce qu’elle souligne, en
plus du début chronologique de la crise de régime
en France et l’arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle,
cette ultime tentative du "parti de la France", comme
le disait les idéologues islamistes du FLN, pour rattraper
le temps perdu en s’ouvrant enfin à la population autochtone
hors colons qui aspirait certes à l’autodétermination
mais au sens moderne, c’est-à-dire certainement pas
en direction de l’islamisation qui pointait déjà
son enfermement derrière les canons du FLN avide de s’emparer
d’Alger la blanche, si bien nommée tant elle se comportait
comme une oie du même nom.
Jacques Soustelle, le montre bien dans son livre
L’espérance trahie (Paris, éditions de l’Alma,
1962) où on le voit décrire cette période ouverte
par le 13 mai 1958 à Alger, et ce bien plus en ethnologue
et sociologue, -(malgré ses partis pris et l’emploi
d’un vocabulaire colonial, comme celui du terme "musulman"
pour désigner la population autochtone hors colons)-, qu’en
"fasciste", comme d’aucuns s’empressèrent
de le cataloguer du fait de ses prises de positions politiques ultérieures,
favorables (si maladroitement) aux putschistes de "l’Algérie
française" (comme le fait de conseiller l’envoi
des paras en France pour faire un coup d’Etat, ce qui était
absurde). Ainsi, écrit-il (pp. 37-38) :
"Le soir du 16 mai, la Casbah descendit en
masse sur le Forum pour ce qui devait être la première
manifestation de fraternisation. Je n’ai pas vécu celle-là,
mais j’en ai vu bien d’autres, et dans toute l’Algérie.
Prétendre n’y voir qu’une mise en scène,
une mystification, est faire preuve d’une ignorance abyssale
en même temps que d’un aveugle parti pris. Les masses
musulmanes, ce jour-là et les suivants, s’étaient
vraiment dégelées. Mais pour les défaitistes
métropolitains, l’Algérie plébiscite
le F.L.N. si quelques milliers de musulmans brandissent le drapeau
vert et blanc, tandis que s’il y en a dix fois plus pour crier
" Vive la France ! " cela ne signifie rien. Il est évident,
pour quiconque connaît l’Algérie, que les fraternisations
furent réelles et sincères. C’était là
un fait capital, d’une signification bouleversante, car le
F.L.N. déconcerté et coupé de sa base voyait
son emprise sur la population se relâcher, les Européens
acceptaient l’intégration avec toutes ses conséquences
et les Musulmans la réclamaient. C’est à partir
de là que tout pouvait être sauvé. "
Plus loin (pp. 39-40), Soustelle décrit
avec exaltation ce qu’il voit :
"A Alger et dans la Mitidja, à Oran,
à Constantine, à Bône, à Tizi-Ouzou,
porte parole d’une révolution qui prenait conscience
d’elle-même, je présidai des rassemblements émouvants
et grandioses. Européens et Musulmans accouraient ensemble
à ces fêtes de la fraternité, des femmes se
dévoilaient solennellement, des foules immenses brandissaient
pancartes et drapeaux. " Vive l’Algérie française
! Vive la République ! Vive de Gaulle ! " ponctuaient
rituellement les discours prononcés en français, en
arabe ou en berbère par des officiers, des militants, des
fellagha ralliés, des femmes, dans une explosion joyeuse
et confiante.
Ma hantise, pendant ces rassemblements, c’était
l’attentat, la grenade lancée d’une fenêtre,
le couffin de dynamite qui tue et mutile dans la foule, la rafale
de mitraillette. Alors il n’y aurait pas eu seulement des
morts et des blessés, mais c’est l’espérance
elle-même qui eut été atteinte, peut-être
mortellement. Une seule fois, à Tizi-Ouzou, une détonation
sourde retentit : un harki avait laissé tomber une grenade
mal accrochée à ses bretelles d’équipement.
Un trou se creusa dans la foule, presque aussitôt comblé
; avec un sang-froid extraordinaire, les Kabyles se tournèrent
de nouveau vers l’estrade. Combien il eût été
facile, pourtant, au F.L.N, de saboter le prodigieux élan
humain qui soulevait alors les masses algériennes ! Facile...si
le F.L.N. lui-même n’avait pas été atteint
dans ses oeuvres vives. S’il n’y eut pas d’attentats,
c’est parce que les chefs désorientés et les
exécutants, ébranlés ou conquis, ne purent
pas en organiser.
Je n’en tremblais pas moins quand, voyant
des dizaines de milliers d’hommes et de femmes remplir le
Forum et déborder sur le pourtour, des grappes humaines accrochées
aux balcons et aux toits, j’imaginais ce que pourrait faire
couler de sang la panique déclenchée par une bombe.
L’absence d’attentats pendant toutes ces manifestations
-où tout contrôle sérieux était évidemment
impossible- administre à mon avis la preuve irréfutable
que ce mouvement de fraternisation était une profonde réalité,
dont les rebelles eux-mêmes subissaient l’ascendant."
Pourquoi "L’Algérie" n’a-t-elle
pas pu alors avoir le destin de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui
alors que la propagande FLN le promettait ? (Sauf pour les Juifs
sommés de répudier leur nationalité française,
d’adhérer au FLN et donc réintégrer leur
condition de dhimmis). Pourquoi les descendants des exilés
de la Commune de Paris, les enfants de forçats, tous ces
gens nés sur ce sol d’Afrique dont les Juifs qui vivaient
là-bas bien avant l’arrivée des Romains, n’aient
pas eu, eux aussi, le "droit du sol" et n’aient
pas pu rester en Afrique du Nord, comme citoyens à part entière
? Pourquoi, encore une fois, ce qui est en passe de réussir
en Afrique du Sud a, là-bas, au Nord, lamentablement échoué
?
N’est-ce pas parce qu’il existait,
également, et ce au-delà de la politique d’atermoiement
des gouvernements de la Métropole, une alliance machiavélique
avant l’heure entre nationaux arabistes et islamistes du FLN
pour éliminer les colons et prendre tout bonnement leur place
tout en maintenant la population "libérée"
sous la double férule islamiste et arabisante au sens non
pas "national" mais nasséro-baasiste du terme,
tout en important de l’étranger, une langue et une
façon de se soumettre au religieux qui n’existait plus
en Afrique depuis le XIV ème siècle, afin de continuer
à dominer sous le masque du libérateur cachant à
peine les dents longues (à rayer le parquet d’en dessous)
du profiteur ? (Nous reviendrons là-dessus ailleurs).
Quelles conséquences pour la France, au-delà
du fait que le "problème algérien" revient
par la fenêtre alors qu’il avait été sorti
par la porte des "accords d’Evian" ? Retenons, ici,
seulement ceci :
Si l’islam reste conçu comme un espace
devant être uniquement composé de musulmans, cette
position est évidemment incompatible avec l’esprit
laïc qui fonde la France depuis la fin des guerres de religion.
**
Ce rappel historique vient donc réfuter
la pseudo exigence de M. Bouteflika, ce haut parleur, prétentieux,
de la Junte national-arabo-affairiste dont la propagande bégaye
les propos alterislamistes, expliquant que la prospérité
européenne viendrait uniquement du pillage en externe ou
de l’exploitation en interne, cachant soigneusement que cet
aspect fut loin d’être un phénomène majeur.
La France se doit plutôt d’être
prudente, du moins si elle veut rétablir un climat de confiance
avec certains de jeunes générations nord-africaines
à qui l’on ment à longueur de journée
sur la vérité historique passée et présente.
Ne serait-ce par exemple sur la science dite "arabe" alors
que le Bordas Encyclopédie (50/51 mathématiques, les
nombres et l’espace par Roger Caratini) énonce ceci
(511.3, B, p.19) :
« Il ne faut pas exagérer l’importance
des mathématiciens arabes. Leur rôle s’est surtout
limité à conserver et à transmettre un savoir
dont ils n’étaient pas les auteurs. (...) ».
A savoir la géométrie et l’astronomie
des Grecs, le système de numérotation des Indiens,
les méthodes de Diophante concernant la résolution
des équations du premier et du second degré.
Les dits "Arabes" (alors qu’il
s’agit, en majorité, de Babyloniens, Mésopotamiens,
Perses, Syriens...) avaient certes un « système de
numérotation commode (décimal et propositionnel) »,
ajoute Roger Caratini, qui leur permirent de perfectionner les méthodes
de Diophante et l’art du calcul.
Néanmoins, poursuit-il, le traité
qui
« a donné son nom à l’algèbre
(al-djabr) ne marque aucun progrès sur les Arithmétiques
du mathématicien grec (Diophante), on ne constate aucun progrès,
ni dans le domaine de la symbolique, ni dans le domaine des méthodes
(il y a bien, ça et là, quelques différences,
mais elles sont minimes) ».
Dans son ouvrage, L’islam (10 ème
édition, Que sais-je ? 1977), Dominique Sourdel, donne cette
précision (p. 98) :
« Les sciences profanes, apparues dans le
monde arabe en même temps que la philosophie, furent introduites
par des voies presque identiques : traduction des œuvres grecques
en arabe par l’intermédiaire du syriaque à Bagdad
grâce au chrétien Honaïn et à Harrân
(Mésopotamie) grâce au Sabéen Thâbit b.
Qorra (m. 901). (...) la Perse et l’Inde ajoutèrent
leur apport à l’influence grecque ; les Arabes reçurent
en particulier l’héritage de la grande école
de Gondi-Châpour, qui dès le V ème siècle
était le point de rencontre des sciences grecque et orientale
et qui au VIII ème siècle fournit aux califes leurs
premiers médecins (...) ».
Pierre Miquel écrit de son côté
ceci dans Le temps des Barbares, (Paris, Fernand Nathan, 1987, p.
95) :
« La coupole du Rocher (Qubbat al-Sakhra)
fut donc édifiée. Adoré par chrétiens
et juifs, ce rocher passait pour avoir permis à Mahomet de
gagner le ciel. Ce premier sanctuaire omeyyade, de forme octogonale,
avec des colonnes de facture byzantine, avait été
construite par des architectes grecs ».
Marcel Peyrouton rappelle ceci dans son Histoire
générale du Maghreb (Albin Michel, 1966, p. 113) :
La civilisation arabe est une synthèse d’éléments
provenant des Hindous, des Perses, des Égyptiens, des Grecs.
(...) La part des Arabes, ce fut leur langue dont l’universalité
était telle qu’on a considéré comme Arabes,
tous les étrangers qui l’employaient. Le mode d’expression
était unique, mais les créateurs venaient, le plus
souvent, de toutes les régions de l’empire ».
De son côté André Miquel relate
dans L’islam et sa civilisation (Colin, 1990, p. 158) à
propos du Bagdad du Xe siècle (IVe) :
« Bagdad, c’est, on l’a dit,
le point de ralliement de vieilles cultures : l’Inde des mathématiciens,
astronomes et médecins, l’Iran et l’éthique
des rois, la Grèce enfin, avec Pythagore, Hyppocrate, Platon,
Galien, Ptolémée, Plotin, Porphyre, Proclus et bien
d’autres, tous finalement rangés sous la bannière
du maître incontesté, Aristote. (...). On notera du
reste que la tradition néo-platonicienne vivait en Orient
avant même l’apparition des Arabes. L’Iran sassanide
avait eu à Jundî-Châpûr, en Mésopotamie,
une école célèbre, de médecine notamment,
qui reposait en priorité sur l’œuvre des chrétiens
nestoriens de langue syriaque, grands transmetteurs de livres grecs.
».
Dans L’illusion identitaire, (Paris, Fayard,
1996, p. 111), Jean-François Bayart, écrit sur la
nature des apports et des influences qui concerne à la fois
l’islam d’hier et d’aujourd’hui :
« A partir du VIII ème siècle,
la traduction en arabe des manuels persans sur l’art de gouverner
et sur l’étiquette de cour, ainsi que des traités
philosophiques grecs, ont enrichi et infléchi la pensée
et le vocabulaire politiques musulmans. Les Empires romain, perse,
byzantin ont également transmis à l’islam maintes
pratiques étatiques avant que les invasions turques et mongoles
des XI ème- XIV ème siècles ne bouleversent
à nouveau de fond en comble sa culture politique.(...)."
Ignace Goldziher, Sur l’Islam, origines de
la théologie musulmane, (Desclée de Brouwer, Paris,
2003, p. 89) énonce ceci :
« Les théologiens mohamétans
reconnaissent eux-mêmes sans difficulté que l’Islam
a puisé des enseignements dans le christianisme et qu’il
n’a pas dédaigné de lui faire des emprunts sur
plusieurs points de doctrine théologique (note 2 : Quelques
autorités anciennes reconnaissent selon Ibn Hagar, Isâba,
I, p. 372, l’influence des communications du prosélyte
chrétien Tamîm-al-Dâri sur la formation de l’eschatologie
mohamétane) ».
Ainsi, si la France ne tente pas de rectifier un
tir puissamment perverti par une institution comme l’Institut
du monde arabe, voire par certains travaux d’universitaires
arabistes prétendant expliquer que l’état actuel
de ces pays est uniquement le résultat des Croisades et du
colonialisme, il est clair que de plus en plus de jeunes ainsi fragilisés
identitairement basculeront dans une vision manichéenne et
orientée, aidée en cela par certains membres du corps
enseignant et une gauche amnésique qui ne connaît de
la période liée à la guerre dite d’Algérie
que les poncifs d’un film comme RAS ou les témoignages
s’appuyant, uniquement, sur la contre-violence française
et les excès de certains de ses extrémistes fascisants.
La France doit donc reporter la signature du traité.
Et demander, au préalable, la mise en place d’une Commission
indépendante pour débattre, publiquement, devant les
caméras, de la période incriminée, sous peine
de poursuivre une posture insensée qui en réalité
ne fait qu’alimenter les mécompréhensions et
surtout les haines, comme on le voit de plus en plus dans la propagande
de certaines officines, comme celle du MRAP.
Par LSA Oulahbib
IN http://www.kabyles.com/article.php3?id_article=0239
3630 septembre 2005
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