ALGÉRIE
Lors commémorations massacres de Sétif Bouteflika compare colonisation française au nazisme

   
 
       
 

Lors des commémorations des massacres de Sétif, Abdelaziz Bouteflika n'a pas hésité à franchir la ligne jaune en comparant la colonisation française en Algérie à l'Allemagne hitlérienne. «Les massacres du 8 mai 45 étaient-ils la récompense des Algériens pour avoir défendu héroïquement la France, un héroïsme que l'histoire a retenu et que les historiens du colonisateur ont eux-mêmes reconnu ?, (...) Qui ne se souvient des fours de la honte installés par l'occupant dans la région de Guelma (...) ? Ces fours étaient identiques aux fours crématoires des nazis», a déclaré le président algérien dans un message lu lors d'un colloque organisé samedi à l'université de Sétif.


Le président algérien voulait sans doute marquer son exaspération face à la présentation de l'occupation française en Algérie comme une «oeuvre civilisatrice». La loi du 23 février 2005, adoptée par le Parlement français, et qui tend à «positiver» la colonisation, a été ressentie par nombre d'Algériens comme une provocation. Pour l'historien Mohamed Harbi, «dans la mesure où les officiels français invitent d'autres pays à réviser leur histoire, ils devraient donner l'exemple et se départir d'un rapport schizophrénique à la leur».


Au-delà de cette volonté de «décoloniser l'histoire», la déclaration d'Abdelaziz Bouteflika est d'abord destinée à rassurer ses compatriotes. A commencer par les islamo-conservateurs, qui rejettent la réconciliation en cours avec la France et dont les chefs de file sont d'autant plus prompts à partir en croisade contre l'ancien colonisateur qu'ils ont été tièdes durant la guerre d'indépendance. Alors que les deux pays s'apprêtent à signer un traité d'amitié avant la fin de l'année, les islamo-conservateurs mettent la pression, accusant le chef de l'Etat «d'attacher le wagon Algérie à la locomotive française». Il y a quelques semaines, le président algérien, qui a réhabilité l'usage de la langue française dans la vie publique et son enseignement dès la deuxième année primaire, était contraint de lâcher du lest, en menaçant de fermeture les écoles privées qui refusent d'arabiser leurs programmes.


Pour beaucoup d'Algériens, la France officielle lèverait le dernier obstacle vers la réconciliation en faisant acte de repentance. «Dans leur majorité, ils ne comprennent pas que la France qui a demandé pardon aux juifs, victimes du régime de Vichy, ne procède pas de la même façon avec eux», explique un analyste algérois. Pour Abdelaziz Bouteflika, ce serait là «un geste qui libérerait la conscience française des cauchemars de la longue nuit coloniale et des remords du monde, et effacerait ainsi cette tache noire dans le cours d'une histoire étincelante».


Malgré le ton martial de son message, le président algérien veut garder le cap sur l'avenir : «Grand est notre souhait de transcender ce passé dont nous avons été les victimes, a-t-il déclaré. Nous voulons le transcender, nous voulons que les autres le transcendent avec nous en affrontant la vérité avec courage et sens des responsabilités.»

IN LE FIGARO page internationale du 10 mai 2005