Mais son terreau s'est principalement constitué d'indésirables, de pauvres et de réfugiés de tous bords. Pour la métropole, cette population était donc à la fois source de fierté et de honte, revendiquée sans vouloir la voir de trop près.
Par manque de vision politique, puis pour des questions de stratégie politicienne, la décision de la décolonisation a été repoussée, militarisée, puis acceptée brutalement après avoir atteint des sommets de terreur dans les deux camps. Multiculturelle et œcuménique par nature, la population Pied Noir, lentement implantée en Algérie, a été la première victime de ces atermoiements. Elle fût ensuite considérée, par les familles métropolitaines qui avaient perdu un fils au front algérien, comme la « mauvaise raison » de leur mort.
Les Pieds Noirs n'en demandaient pas tant. On a dit qu'ils étaient riches, en les assimilant aux colons, ces quelques agriculteurs qui firent effectivement fortune. On les a confondus avec l'OAS, les qualifiant globalement de racistes et de fascistes... fausses vérités avouant une certaine mauvaise conscience. La France est encore loin d'avoir digéré son passé colonial.
La communauté Pied Noir s'est longtemps tue, accusée de tous les maux, culpabilisée, honteuse d'avoir dû fuir, meurtrie d'avoir tout perdu, revivant le même exil douloureux que ses ancêtres émigrés en Algérie. Son seul but était de s'intégrer à nouveau, de redonner à ses enfants une nouvelle chance. Aujourd'hui, la passion s'est estompée. L'envie de parler des familles Pieds Noirs se fait urgente pour transmettre à leurs descendants l'éclat de leur histoire, contrebalançant ainsi la douleur et la honte.
L'histoire de la communauté Pied Noir raconte une partie de l'histoire de France, celle de la décolonisation, mais aussi de l'Europe, celle des grandes migrations qui ont marqué le 19e et le début du 20e siècle. |