Proposition de loi pour criminaliser la France en Algérie de 1830 à 1962  
   

Le dépôt d’une proposition de loi criminalisant la France a été annoncé début février par un député FLN, Moussa Abdi, professeur d’histoire à Chlef auprès de l'APN.
Ce texte aurait été remanié à plusieurs reprises ces dernières semaines et on ne sait toujours pas si le gouvernement algérien a décidé de l’inscrire au programme de l’Assemblée.
C’est le deuxième du genre, après celui rejeté en 2005.
Ses articles portent, essentiellement, sur la repentance de la France et la responsabilité de l’Etat algérien quant à la garantie des droits historiques, politiques et financiers des victimes algériens.
Dans ce contexte, le député du FLN a affirmé que les principaux 20 articles qui constituent l’avant projet se résument à la repentance de la France, l’indemnisation des victimes du colonialisme et les bombes nucléaires du sud algérien, des excuses officielles pour l’Algérie de la part de l’Etat français, pour les crimes perpétrés par son armée, ainsi qu’un autre article relatif aux relations algéro-françaises. Il est mis l’accent sur la création des tribunaux destinés aux criminels de guerre pendant la colonisation.

 
   
       

Proposition de loi pour la criminalisation de la colonisation française de 1830 à 1962

ARTICLE PREMIER : Le but de cette loi est de condamner la colonisation française, ainsi que tous les actes criminels commis en Algérie de 1830 à 1962, et toutes les conséquences négatives qui en découlent.

ARTICLE 2 : Sont considérés comme actes criminels les crimes de guerre, les crimes collectifs et les crimes contre l’humanité, contraires aux droits de l’homme, aux Conventions de Genève et aux articles 5, 6, 7 et 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

ARTICLE 3 : La prescription n’est pas applicable aux actes criminels cités dans l’article 2, et aux conséquences négatives qui en résultent.

ARTICLE 4 : Un tribunal criminel algérien sera spécialement créé dans le but de juger tous les criminels de guerre et les crimes contre l’humanité.

ARTICLE 5 : Sera jugée devant le tribunal criminel algérien toute personne ayant commis ou participé à tout acte contre le peuple algérien cité dans l’article 2 de cette loi.

ARTICLE 6 : Le gouvernement algérien garantit les droits de la défense aux accusés devant le tribunal criminel algérien.

ARTICLE 7 : L’accusé sera convoqué selon les normes en vigueur, et s’il ne se présente pas, sera recherché par Interpol s’il n’est pas sur le territoire algérien.

ARTICLE 8 : Les audiences du tribunal criminel algérien seront publiques.

ARTICLE 9 : Le tribunal criminel algérien rend des jugements définitifs.

ARTICLE 10 : Le tribunal criminel algérien ne prend en considération ni le poste occupé par l’accusé ni sa nationalité durant toutes les étapes du procès.

ARTICLE 11 : Toute victime de guerre ou de crime contre l’humanité a le droit de porter plainte devant le tribunal criminel algérien, et de demander réparation et dommages pour les préjudices causés par lesdits crimes.

ARTICLE 12 : Les organismes et associations algériens peuvent représenter les victimes décédées et celles n’ayant personne pour les défendre devant le tribunal criminel algérien, et peuvent se constituer partie civile durant toutes les étapes du procès.

ARTICLE 13 : En cas de décès de l’accusé, le gouvernement français assume toutes les poursuites judiciaires.

ARTICLE 14 : Le gouvernement français assume tous les crimes commis contre le peuple algérien pendant la colonisation, et leurs effets retardateurs sur la marche civilisationnelle de développement de l’Algérie de 1830 à 1962, ainsi que toutes les conséquences, jusqu’à ce jour, des mines et des radiations résultant des essais nucléaires.

ARTICLE 15 : La France doit remettre à l’Algérie toutes les archives nationales de toute nature (écrite, sonore ou visuelle), ainsi que tout monument historique pillé.

ARTICLE 16 : La France doit remettre à l’Algérie les listes des Algériens recherchés, morts ou vivants, en mentionnant leur localisation, ainsi que les listes des exilés.

ARTICLE 17 : La France doit remettre à l’Algérie les plans des lieux où se trouvent des mines, ainsi que des lieux où se trouvent des substances potentiellement dangereuses pour la population et le territoire.

ARTICLE 18 : L’avenir des relations bilatérales entre les deux pays restera lié à la reconnaissance de ces crimes par la France, dont le peuple algérien tient à recevoir des excuses, et à la réparation des préjudices moraux et matériels causés durant colonisation.

ARTICLE 19 : Cette loi entre en vigueur et sera applicable dès son adoption par le Parlement.

ARTICLE 20 : Cette loi sera publiée dans le Journal Officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

 
       
2 mars 2010 - La session parlementaire de printemps qui s’ouvre s’annonce houleuse avec, notamment, la présentation de la proposition de loi relative à la criminalisation du colonialisme français en réponse à la loi du 23 février glorifiant ce dernier adopté par le Parlement français.
Hier, c’était le branle-bas de combat au siège du parti du FLN. Les membres du secrétariat exécutif élargi aux cadres parlementaires ont tenu une réunion à huis clos. Il faut rappeler que la proposition de loi a été introduite par le député Moussa Abdi qui est d’obédience FLN, soutenu par 120 députés. Selon toute vraisemblance, la proposition sera tranchée lors de cette session. Au mois de janvier dernier, juste avant la clôture de la session d’automne, le Bureau de l’APN avait exigé des députés concernés de reformuler le texte. Ce sera donc une nouvelle mouture qui sera présentée. Tout est parti de cette annonce officielle livrée début février par le député FLN, Moussa Abdi : «Une proposition de loi criminalisant le colonialisme français de 1830 à 1962 a été déposée le 13 janvier au bureau de l’Assemblée populaire nationale (APN) ».
 
 

4 mars 2010 - Revu et corrigé, le projet contenant 13 articles a officiellement été transmis au gouvernement par le bureau de l’APN.
Le gouvernement examinera le projet de loi criminalisant le colonialisme français en Algérie durant les quelques semaines à venir.
Après avoir révisé, corrigé et assoupli le document proposé par un groupe de députés algériens, le bureau de l’APN a, officiellement, transmis au gouvernement le projet. Selon le nouveau texte de 12 pages, l’Assemblée populaire nationale a supprimé 7 articles du projet initial.
A cela s’ajoutent les nombreuses modifications et les assouplissements apportés au document. Ainsi, les articles 7, 13,15, 16, 17, 18 et 19 du projet initial ont été supprimés.

D’emblée, on remarque que les articles forts ayant trait aux dossiers «qui fâchent» et minant les relations algéro-françaises ont été retirés. Le bureau de l’APN a, donc, apporté des corrections dans le fond et dans la forme à certains articles. Cependant, l’article 18 souligne que « l’avenir des relations entre les deux pays restera tributaire de la soumission de la France aux exigences du peuple algérien qui consistent en la repentance, la demande de pardon et l’indemnisation des dommages matériaux et moraux causés aux Algériens durant la période coloniale 1830-1962 ».
Pour le bureau de l’APN, cet article a été supprimé pour des raisons juridiques. Selon une source parlementaire, cet article interfère dans les prérogatives de la politique extérieure de l’Etat algérien.
Car, explique-t-elle, les relations internationales restent une mission des Affaires étrangères et qui ne peuvent être régies par un texte de loi. Le nouveau texte ne prévoit aucun autre article se substituant à l’article supprimé. L’amendement touche également l’article 7. Le projet initial prévoit l’intervention d’Interpol pour procéder à l’arrestation de l’accusé. «L’accusé sera convoqué par les procédures judiciaires en vigueur. A défaut de sa comparution, sa présentation se fera par le biais de l’Interpol s’il se trouve en dehors de son territoire.» Pour la même source, cet amendement s’impose dans le but d’éviter de tomber dans une contradiction flagrante avec le droit international et surtout pour ne pas violer les textes internationaux en vigueur. L’autre article retiré est celui relatif aux archives. L’article 15 souligne qu’il appartient «à l’Etat français de restituer les différentes archives nationales qu’elles soient écrites, audio ou visuelles». L’article 16 obligeant l’Etat français à dévoiler la liste des disparus, morts ou vivants, ainsi que les lieux de leurs résidences, a été également retiré. Idem pour l’article 17 relatif aux plans des champs de mines.
Dans sa globalité, même s’il a été «déminé» à la suite de la suppression de quelques articles «épineux», le projet contient de véritables bombes qui vont certainement faire exploser les relations algéro-françaises, déjà dans un champ de mines. Au préambule, les initiateurs ont expliqué les raisons d’une telle démarche.
Ils sont revenus sur l’ensemble de la période coloniale 1830/1962. Parmi les concepts utilisés par les initiateurs, on note que le colonialisme français a été qualifié «de guerre contre l’humanité» et de «crimes de guerre».
Pour étayer leurs propos, les initiateurs donnent plus de détails dans les articles 3, 4 et 5. L’article 3 stipule que «la repentance de la France de ses crimes commis en Algérie entre 1830 et 1962 constitue un droit légitime pour le peuple algérien». L’article 4 considère comme «actes criminels»: «les crimes de guerre», «l’extermination», «le crime contre l’humanité» qui sont en contradiction avec les conventions internationales.
Le texte détaille dans son article 5 «les crimes de guerre». Il s’agit donc d’«homicide volontaire», «la torture», «le traitement inhumain», «les déplacements et les expropriations forcées des populations».
Le même document est appuyé par des données chiffrées qui montrent «la barbarie du colonialisme français en Algérie». «Plus de 25.000 enrôlés de force pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), 45.000 Algériens massacrés en Mai 1945, 1,5 million de martyrs tombés sur le champ de bataille, des Algériens utilisés comme boucliers humains lors du premier essai nucléaire dans le Sahara, 1260 victimes ont été brûlées, étranglées et exécutées entre le 19 et le 20 juin 1845, les massacres horribles commis par le général Randon et ses 30.000 soldats en 1852 et dont étaient victimes les enfants, les femmes et les vieux en Kabylie», souligne, notamment, le texte qui propose la création d’un tribunal criminel spécial pour juger les auteurs de ces crimes de guerre et contre l’humanité commis en Algérie.