Monsieur le Sénateur,
Peu enclin aux procédures de lobbying, je me permets cependant d' attirer respectueusement votre attention avant l' étude et le vote sur un projet sénatorial à l' ordre du jour, à nouveau, de votre haute assemblée
Il s' agit d'un projet de Loi relatif à la reconnaissance de la journée du 19 mars comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d' Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
N' oublions pas de préciser que la République a opté, en 2002, pour le 5 décembre comme journée nationale de recueillement. Une autre Loi en date du 28 février 2012, votée par la très grande majorité des parlementaires, assure que la mémoire de TOUS les Morts pour la France est honorée le 11 novembre en même temps que la victoire et la paix. Ces dates en principe neutres cristalliseront moins les passions voire les rancoeurs toujours vivaces.
Natif d' Algérie j' ai été très sensibilisé par la détresse de ma famille et de mes compatriotes au douloureux et sanglant exode de l' année 1962. Ci fait que je me suis particulièrement intéressé, depuis plus de cinq ans, à une étude menée personnellement concernant les disparus civils et militaires de la guerre d' Algérie. Il est vrai que notre famille a eu l' indicible souffrance d' avoir un de ses membres enlevé sans aucune raison. Son seul tort être présent à un mauvais moment le 29 mai 1962 à Tlemcen. C' était un modeste plombier, père de 4 enfants et nous n' avons depuis ce triste jour aucune nouvelle le concernant.
Comme vous pourrez le constater à la
lecture de la liste des victimes , il a rejoint la triste cohorte de ceux qui innocents ont été enlevés à l' affection des leurs. Vous constaterez également que le nombre de disparus après le 19 mars 1962 (date du cessez le feu ou parait-il la paix était instaurée) est supérieur à celui de toute la durée de cette guerre asymétrique avec comme fer de lance un terrorisme aveugle :
- 2019 disparus recensés au 31 décembre 1962 inclus,
- 1336 disparus après le 19 mars 1962,
- 683 disparus entre 1954 et le 18 mars 1962.
Ce chiffre n' a pu prendre en compte l' immense majorité de nos compatriotes harkis et de leurs familles qui ont été massacrés après le cessez le feu. A ce jour nous ne connaissons pas le chiffre précis de ces horreurs.
Devant cette ampleur notre compassion devrait leur être acquise. Et pourtant... !
Comment peut on oublier également le sacrifice des militaires disparus qui ont été, eux aussi, abandonnés.
Il est précisé que 76 d' entre-eux ont été également enlevés et jamais retrouvés après le 19 mars 1962.
Leurs familles "apprécieront cette date symbolique", retenue éventuellement, alors qu' elle est en totale inadéquation avec le destin tragique de leurs êtres chers dont les corps n' ont jamais été restitués.
Je ne porte aucun jugement sur les intentions des uns ou des autres et j' adhère à la paix des mémoires sans aucune idéologie.
Mais cette date, non consensuelle parmi les anciens combattants, est également un risque de division de notre communauté nationale. Est-il utile et opportun de rallumer des feux mals éteins en négligeant à dessein certains alors que d' autres seraient à ressasser l'aspect victimaire Je sais aussi que de l' autre côté de la méditerranée il y a eu également beaucoup de victimes suite à cette guerre sans pour autant que la responsabilité globale soit imputée exclusivement à notre Pays.
Vous remerciant de l' attention portée JCR