Il tique d’emblée sur la bouteille du Dr Trigo Mirallès.
Celle-ci est petite, ronde et granuleuse comme une orange. Une minuscule fiole contenant de l’huile essentielle de l’agrume fait office de bouchon.
Pour déguster une Naranjina, il faut ouvrir la bouteille, mélanger un peu de son concentré d’orange à de l’eau sucrée et y ajouter quelques gouttes de la précieuse huile contenue dans le bouchon.
Pour Léon Beton, la révélation est immédiate.
Rapidement, le docteur valencian et le commerçant français nouent des liens solides. Des caisses de Naranjina sont envoyées à Boufarik, où se rend le Dr Trigo Mirallès. L’idée de commercialiser la boisson, en utilisant les orangeraies de l’exploitant français, est lancée.
Mais la production est rapidement perturbée par la guerre d’Espagne puis la Seconde guerre mondiale.
Le lancement du futur Orangina débute réellement à partir de 1947, après la signature d’un pacte commercial entre Jean-Louis Beton, fils de Léon Beton, et Agustin Trigo Mirallès.
En 1951, la société Naranjina Nord-Afrique, qui commercialise la boisson Orangina produite en Algérie, est fondée. Les cafetiers sont d’abord gênés par cette bouteille ronde qui prend de la place dans les réfrigérateurs. Mais grâce à une habile campagne de publicité signée Bernard Villemot qui, dès 1953, joue sur la forme inédite d’Orangina, le nouveau soda est secoué en France jusqu’aux tables de bistrots des Champs-Élysées.
Une nouvelle fois, un conflit armé perturbe le développement de la marque.
En 1954, la guerre d’indépendance algérienne éclate. La production d’Orangina se poursuit à Boufarik tant bien que mal, jusqu’à son départ définitif d’Algérie et sa délocalisation à Marseille en 1961.
Près de 50 ans plus tard, la célèbre boisson gazeuse est un succès commercial indéniable... sauf en Algérie.
Très prisée des Algériens jusqu'au milieu des années 1980, Orangina a aujourd'hui quasiment disparu de la circulation dans le pays. Au début des années 1990, la marque a subi de plein fouet l'ouverture du marché aux Américains
Coca-Cola et Pepsi, qui font désormais figure de boissons favorites des Algériens avec les fleurons nationaux Hamoud et Selecto.
La renommée d'Orangina s’est largement construite sur des campagnes publicitaires remarquées au cours des dernières décennies, dont voici un petit aperçu.
Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, a fait part de son « émotion », saluant un « inventeur de génie ».
« A l'avant-garde de la communication et du marketing, Jean-Claude Beton et son soda aux célèbres courbes ont participé à l'essor économique de la ville et marqué de nombreuses générations du monde entier », souligne l'élu.
« C'est la perte d'un entrepreneur qui a fait rayonner le territoire Marseille-Provence dans le monde entier », a réagi de son côté Jacques Pfister, président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) et ancien PDG d'Orangina-Schweppes, rendant hommage à « un surdoué de la communication ».
GESTION D'ENTREPRISE À L'ANCIENNE.
Après avoir séduit le Maghreb, Orangina part à la conquête de la métropole où le groupe prend ses quartiers en 1961 à Marseille, à l'approche de l'indépendance de l'Algérie. L'ascension est fulgurante et la structure familiale de plus en plus convoitée, pour finir par être croquée en 1984 par le groupe Pernod-Ricard.
Son fondateur, qui gérait l'entreprise à l'ancienne, maternant ses employés (instauration des 39 heures avant 1982, intéressement et participation), reste à la présidence un temps.
Mais il commence rapidement une seconde vie, investissant dans les oliviers et surtout le vin avec l'acquisition du château Grand Ormeau, dans la prestigieuse appellation bordelaise Lalande-de-Pomerol, tandis qu'Orangina change de mains à plusieurs reprises jusqu'à son rachat par le japonais Suntory fin 2009.