Pierre Sergent - 30 juin 1926 - 15 septembre 1992.
 
 
 

Le capitaine Pierre Sergent fut un soldat français et un chef de l'Organisation armée secrète (OAS).

Il commençe sa carrière militaire dans le maquis à l'âge de 17 ans, puis suit une carrière d'officier dans la Légion Etrangère après un passage à Saint-Cyr-Coëtquidan. A sa sortie de l'ESM en 1949, il est affecté au 1er Regiment Etranger, à Saïda (Algérie). Lieutenant, il combat au 1er Bataillon Etranger de Parachutistes durant la guerre d'Indochine (1951-1953), où il est grièvement blessé, puis comme capitaine pendant la guerre d'Algérie au sein du 1er Régiment Etranger de Parachutistes (1958-1961), après avoir été affecté au 1er Régiment Etranger d'Infanterie en 1956. Après l'échec du putsch d'Alger en avril 1961, il passe à l'OAS dont il devint le chef pour la métropole (OAS-métro).
Pendant sept ans, il échappe aux recherches policières tandis qu'il est condamné à mort par contumace deux fois. Il est finalement amnistié après les évènements de mai 1968. Proche des milieux solidaristes, en particulier du Mouvement jeune révolution et de Jean-Pierre Stirbois, il fut élu en 1986 député des Pyrénées-Orientales sous l'étiquette du Front national, après un passage au Centre national des indépendants et paysans.

 
       
 
Pierre Sergent est l'auteur de nombreux livres sur la Légion étrangère et sur la guerre d'Algérie : Ma peau au bout de mes idées, La table ronde, 1967 La bataille, La table ronde, 1968 Je ne regrette rien, Fayard, 1972 Le malentendu algérien, Fayard, 1974 Lettre aux officiers, Fayard, 1975 Les maréchaux de la Légion : l'odyssée du 5e étranger, Fayard, 1977 Michel Debré, le clairon impudique, Régine Desforges, 1978 La Légion saute sur Kolwezi, Presses de la cité, 1978, ISBN 2258004268 Camerone, Fayard, 1980 2ème R.E.P., Presses de la Cité, 1984
   
         
   

Pierre SERGENT, soldat de France
portrait de Pierre Sergent

Pour parler de Pierre, voici le message d'adieu de son ami Hélie de Saint Marc.

Nous sommes ici pour vous dire "Adieu".
Quand votre épouse m'a demandé de dire ces quelques mots - les plus simples possible, m'a telle recommandé - en acceptant, je lui ai précisé que je m'exprimerai avec respect, avec retenue, mais avec émotion: Avec respect, pour tout ce que vous avez été, pour tout ce que vous avez fait ;
Avec retenue, cela va sans dire puisque je m'exprime devant vous, devant votre famille;
 
       
 

Mais avec émotion, car vous avez été un de nos amis parmi les plus exceptionnels, parmi les plus valeureux. Oui, Sergent, vous avez été des nôtres; mais en même temps, vous avez été bien davantage encore. Vous avez été des nôtres, car vous appartenez à cette étonnante génération de soldats qui n'a cessé de faire la guerre, sur trois continents, pendant plus de vingt ans, placée aux avant - postes des tumultes du monde. Est-il besoin d'évoquer ici votre destin passionné, dramatique, qu'aucun romancier n'aurait sans doute imaginé ?

Ce destin est dans toutes les mémoires: la résistance, le maquis, St Cyr, les parachutistes de la Légion Etrangère, les combats, l'Indochine, l'Algérie, les blessures, cette aventure brûlante et parfois désespérée, le refus de l'abandon, du reniement et de la honte, la révolte militaire, les luttes clandestines, au sein de l'Organisation de l'Armée Secrète, les condamnations à mort, la guerre, la guerre tout court, la guerre de l'ombre, cette passion de vous battre, cet inlassable courage et toujours votre peau au bout de vos idées. Et quand la paix revient, vous auriez pu, comme on dit "poser les mains" dans l'amertume des espérances englouties. Mais non, vous choisissez encore la lutte... inquiet de la santé et de l'avenir de notre pays, vous vous engagez politiquement.

D'abord au Centre National des Indépendants, ensuite au Front National. Militant, puis député, vous devenez, et oui Pierre, un homme politique.Un homme politique de poids et d'envergure, à la parole libre, estimé, respecté, écouté bien sûr de vos amis, mais écouté aussi au - delà des clivages et des frontières des partis. Inlassablement, vous partez témoigner, en particulier à l'Assemblée Nationale et avec quel courage, quelle vigueur, quelle rigueur, vous portez témoignage de ce que furent les combats, tous les combats de nos camarades.

Vous témoignez de leur honneur. Pierre, si vous avez été un des nôtres par votre destin de soldat, vous avez été aussi bien davantage. Votre volonté, votre talent, votre labeur vous ont permis de porter à la connaissance de l'opinion, avec d'autres, les hauts faits de la Légion et des parachutistes et surtout la fabuleuse épopée des parachutistes de la Légion Étrangère.
Bien longtemps encore après votre départ, vos livres, vont continuer d'apporter aux hommes avides d'idéal et de dépassement des raisons de vivre et de croire, des raisons d'agir, et s'il le fallait, des raisons de se battre et de mourir pour leur pays. Malgré la fuite des temps et la succession des hommes, le souvenir des batailles de la RC4, et de Dien Bien Phu, le souvenir des victoires de NghiaLo, de Guelma, de Kolwesi, le souvenir de tant d'autres combats, ce souvenir, grâce à vous, va perdurer. Il inspirera encore demain des hommes exigeants, assoiffés d'absolu, passionnés de ces grandes aventures qui les mèneront au plus haut d'eux - mêmes.
Le souvenir, ces souvenirs, par la force de votre talent font partie désormais de cette mémoire qui éclairera et nourrira l'avenir, de cette mémoire qui doit être la préface de l'espérance. Comment ne pas vous en être reconnaissant - infiniment infiniment ... Pierre, voici le moment cruel de "l'Adieu". Vous n'êtes pas seul. Une grande foule, présente par le corps ou l'esprit vous entoure. Votre épouse, compagne intrépide des jours de bonheur et de malheur, des heures d'espérance et de désespérance, vos enfants, votre famille.
Les camarades vivants de toutes vos luttes, les présents, les absents, qui sont ici par leurs pensées et leurs souvenirs. Ceux qui ne sont plus mais dont nous devinons la présence impalpable et mystérieuse parmi nous, vos frères d'armes, tous vos frères d'armes, ceux tués au combat, ceux fauchés par les balles des pelotons d'exécution. La cohorte de vos légionnaires tombés dans l'embrasement et le fracas des batailles, la peur au ventre, le courage au coeur. Ils sont là les compagnons de vos combats, vivants ou disparus, inconnus ou célèbres, tous semblables, tous égaux ici devant le mystère de la mort. Ils sont tous là en un ultime "garde à vous, bataillon immobile, silencieux, fidèle, fraternel, rassemblé pour un dernier salut.
Pierre Sergent, dans votre existence, bien souvent vous avez affronté la mort sans trembler, sans pâlir, aujourd'hui, vous pouvez regarder le ciel, sans rougir et sans crainte. Pierre Sergent Merci. Adieu ...

Hélie de Saint Marc
 

Hommage à Pierre Sergent par Guy JOUSSE

Pierre SERGENT, " Philippe" pour ses proches n'est plus.

Par un triste matin de Septembre où le ciel aussi avait pris le deuil, nous avons porté en terre notre ami.
Sur cet homme d'exception, on aura beaucoup dit, beaucoup écrit. Il eut plusieurs vies, un destin hors du commun qui laissera trace dans l'Histoire : la Résistance, le maquis, Saint-Cyr puis une courte mais brillante carrière de Légionnaire-Parachutiste, la révolte, la clandestinité et l'exil dans les années soixante, puis une réussite d'écrivain et d'historien militaire. La politique enfin le porta lui, le rebelle, à l'Assemblée Nationale.
De la première partie de sa vie intense, de son passage à la Légion Etrangère, modeste, il parlait rarement. D'Indochine et d'AFN, il ramena la Légion d'Honneur, une palme et deux clous sur sa TOE, autant sur sa V.M.
Homme d'Honneur et de Devoir, en 1961, il refusa l'abandon, le parjure, et fut de cette poignée de chefs, d'officiers et d'hommes qui, comme il l'écrivit alors, mirent leur peau au bout de leurs idées. Le pouvoir qui ne lui pardonna jamais d'être pour lui un vivant remords à qui le temps donnait raison, le condamna à mort, deux fois. Amnistié après sept années de clandestinité, Pierre SERGENT rentré en France, se lança dans une brillante carrière d'écrivain-historien, puis de romancier, et aussi de conférencier. Il retraça scrupuleusement les grandes heures de sa Chère Légion, s'efforçant aussi d'expliquer et de clarifier l'Histoire. La plupart de ses livres furent de grands succès de librairie. On tira même un film de son reportage sur KOLWEZI.
Plus tard il vint à la politique, avec des fortunes diverses, comme député puis conseiller régional. Ses qualités, sa loyauté, son indépendance d'esprit, le desservirent dans ce marigot de crocodiles. On se servit de lui, de son aura, de cette sympathie qu'il savait créer partout, autour de lui.
Travailleur acharné, homme de combat, de foi et de certitudes, une constante aura dirigé sa vie, ses actions, ses écrits : fidélité à ses idées, à ses mais, résistance à l'abandon, à la décadence, retour aux valeurs, au patriotisme, qui ont fait la grandeur de la France.
Il aura lutté jusqu'au bout, résistant farouchement au mal pernicieux qui le rongeait depuis des mois. Sa fin fut comme sa vie : exemplaire de tenue, de dignité, de courage.
Ses pairs, ses camarades, ses amis, ses lecteurs, lui firent un cortège digne de lui. Sous les voûtes de l'Eglise SAINT SULPICE pleine à craquer, fut célébré un office latin et le Père DELARUE prononça l'homélie.
Sur le parvis, sous vingt drapeaux lui rendant les honneurs, le plus admirable de nos chefs, Hélie DENOIX de SAINT MARC, lui lança un vibrant hommage, dans la tradition de la légion ; Bérets Verts et Rouges, Harkis, entonnèrent avec émotion le chant du 1er REP, pour le dernier adieu.
Pour nous, petits paras. Bérets Verts, Rouges et Bleus des années cinquante, soldats de la boue, coureurs des djebels, vétérans qui avons laissé là-bas avec notre jeunesse et nos espérances, bien des nôtres et bien du sang, Pierre SERGENT demeure un chef exemplaire qui sut justifier et défendre nos actions, puis devenir l'ami fidèle des bons et des mauvais jours.
Adieu Philippe ! Dormez en paix, mon Capitaine !
Guy JOUSSE
 
Homélie de M. l'abbé RAGES pour Pierre SERGENT

Homélie de M. l'abbé RAGES, à la messe de Requiem chantée à 10 h 30, le 18 Septembre 1992, pour Pierre SERGENT

Mes amis,
lorsque nous quitterons cette terre, vous et moi, nous n'emporterons pas que des mérites, et c'est pourquoi nous pouvons souhaiter que des gens prient pour nous.
H y en aura toujours pour contester nos options, car ont toujours existé et existeront toujours de légitimes différences dans la manière de voir la vie et d'interpréter les problèmes du moment.

Mais je souhaite qu'on puisse dire ce que je veux souligner en premier de Monsieur Pierre Sergent : cet homme avait un idéal, et il est allé jusqu'au bout de sa poursuite, acceptant pour cela, vous le savez, de très grandes souffrances. Aussi, je rends un hommage fervent à Pierre SERGENT : à l'homme, à l'époux, au père de famille, au militaire, au militant.

Nos vies ont ainsi plusieurs facettes qui appellent chacune nos responsabilités. Elles ont imposé à Pierre des choix difficiles qu'il a honorés avec passion, quitte parfois à faire souffrir les siens quelque peu. Mais quand on n'accepte pas les demi-mesures, on est obligé d'accepter l'inconfort.

Si l'écrivain qu'il a été nous laisse dans plusieurs livres des pages d'une histoire douloureuse e: tragique, pour redore hommage à l'homme, je veux citer trois titres qui sont tout un programme :
- «Je ne regrette rien », qu'il doit signer encore au jour de son départ.
- « ma peau au bout de mes idées », qu'il n'a pas eu peur d'illustrer par les exigences d'une vie qui ne l'a pas épargné de fait.
- Et «les voies de l'honneur», qui est un pathétique appel à la noblesse et au courage.
Mes amis, si nos options sont diverses, elles ne vous dispensent jamais du respect qu'on do/t à l'autre, même si ses idées sont opposées.
Comme d'autres, Pierre nous a montré qu'il y a ici-bas autre chose qu'un égoïsme étroit, que !a poursuite d'un confort douillet. Il a investi en énergie d'une manière qui force l'admiration de tous. Que Dieu lui accorde aujourc hui la récompense de ses grands mérites.

Mais je ne vous laisserai pas quitter cette église sans vous dire haut et fort le message qui s'y annonce. Nous croyons au Christ qui est mort et ressuscité, comme je viens de vous le lire dans l'évangile. Si c'était faux, nous ne serions pas ici.

N'oublions pas que nous sommes sur une terre chrétienne ; et nos tiédeurs religieuses nous accusent.
Nous ne sommes ni musulmans, ni juifs. Eux ne peuvent imaginer que Dieu se soit fait homme la nuit de Noël, alors que notre seule chance, c'est que Dieu soit devenu l'un de nous, connaissant aussi les souffrance, les contradictions, les humiliations. Il n'apas triché avec la mort, l'attaquant de face, lui, le Maître de la vie, pour la renvoyer derrière nous. Il entraîne ainsi vers la VIE tous ceux que nous pleurons. Laisserons-nous se perdre pareil message ? c'est la certitude, sans lui, que nos efforts ne débouchent sur rien, sur RIEN ! Ce n'est pas le fanatisme que je prêche : c'est la FOI.
Pourquoi oublierions-nous le processus de mort et de vie que ncus enseigne la nature elle-même?
Après tout, s'il y a un papillon, c'est que lachenille est morte ; si nous dégustons une cerise de Céret, c'est que la fleur est tombée oour lui faire une place, tout comme une pomme de Villefranche de Confient ou de Corneilla. Et lorsque nous mangeons du pain, c'es: oarce que les grains de blé tombés en terre ont pourri pour libérer le germe de vie qui a préparé la moisson.

La perte de notre corps libère cette âme que Dieu a créée et qu'il reprend. Voilà le message que j'entends vous offrir en ce jour.

La dernière image que je garderai personnellement de Pierre Sergent, c'est sa présence à la messe de 8 h, un dimanche de Juillet, à côté de sa femme, son visage portait les traces du mal qui l'a vaincu.

Et c'est donc qu'il croya: en celui à qui nous le confions en ce jour. Maintenant qu'il a déposé les armes, lui, le serviteur ardent de son pays, que daigne ! accueillir le Seigneur Dieu dans sa demeure de Lumière et de Vie.

Avant de nous séparer, et pour évoquer la phase sans doute la plus importante de son combat, e vous invite à reprendre avec moi un chant à la Vierge Marie, en dernier hommage à Pierre Sergent : O Vierge Immaculée, ton Algérie aimée, Vers la voûte étoilée, jusqu'au sein de ta cour, Entends ce cri du cœur : Amour, ma Souveraine, ma douce Reine,
Amour, Amour, Amour.

MESSE DE REQUIEM pour le repos de l'âme de Pierre Sergent, le Vendredi 18 Septembre 1992, à 10 h 30, dans une église archi-comble, avec une assistance venue de tous les horizons, depuis le sénateur-maire, jusqu'aux autorités militaires, les parachutistes, et une foule émue.