Disparition de Dominique Venner, historien.

       
 
 

L'essayiste et historien français Dominique Venner s'est donc donné la mort le 21 mai 2013, devant l'autel de la cathédrale de Notre-Dame de Paris.
Le geste intrigue de la part d'un homme qui n'avait jamais renié ses engagements de jeunesse dans le camp d'une droite que l'on a pu qualifier de «païenne».

Né le 16 avril 1935 et marqué par l'influence d'un père architecte qui fut membre du PPF, Parti populaire français, durant l'Occupation, Dominique Venner s'est engagé très jeune dans l'armée française.

     

Volontaire durant la guerre d'Algérie, il participera au conflit dans une unité de parachutistes et, proche de l'OAS, sera emprisonné à la prison de la Santé pour avoir soutenu le putsch des généraux d'Alger, en 1961.

La FEN

Elle regroupe des étudiants favorables à l'Algérie française et hostiles au texte appelant le gouvernement français à engager des pourparlers avec le FLN. A la direction de la FEN figurait entre autres François d'Orcival actuellement Président du Comité éditorial et membre du Conseil de surveillance de l'hebdomadaire Valeurs actuelles.
D'Orcival est associé avec Alain de Benoist à la direction de la FEN, qui sera le principal représentant du mouvement dit de la « Nouvelle Droite » à la fin des années 1970.
Implantée dans de nombreuses facultés, la FEN fut à l'origine de la revue "Les Cahiers universitaires" de février 1961 à janvier 1970, un mensuel qui débouchera sur la création d’un autre mouvement : Europe-Action, créé en 1963 et dirigé par Dominique Venner.
Comme son compagnon Pierre Sidos il fut emprisonné dix-huit mois au quartier des détenus politiques de la prison de la Santé du fait de sa participation à la structuration de l'OAS.

Jean-Claude Valla en 1966, a collaboré aux Cahiers universitaires et à Europe-Action.
Par la suite, il fut directeur de la rédaction du Figaro-Magazine et co-fondateur du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne (GRECE) avec le théoricien Alain de Benoist.

Après avoir fondé, en 1963, le mouvement nationaliste Europe action, il participera en 1968, avec Alain de Benoist, à la création du Grece, Groupe de recherches et d'études sur la civilisation européenne, mouvement intellectuel qui se réclame d'une vision élitiste et traditionaliste de la société, et recueillera, à la fin des années 1970, la sympathie d'intellectuels aussi différents que Louis Pauwels, Thierry Maulnier, Pierre Debray-Ritzen ou Jules Monnerot.

Désengagé politiquement à partir des années 1980, Dominique Venner se consacre ensuite à la recherche historique et à l'écriture d'essais, notamment sur la chasse et les armes, dont il va devenir un spécialiste reconnu.

Coeur rebelle

Il s'adonne en particulier à des travaux sur l'histoire du XXe siècle et publie des ouvrages qui sont désormais des livres de référence, tels Baltikum, consacré aux corps francs allemands des années 1920, ou Les Blancs et les Rouges, histoire de la guerre civile russe 1917-1921, remarquable livre sur la guerre civile en Russie après la prise du pouvoir par Lénine.
D'autres livres, tels Histoire critique de la Résistance ou Histoire et traditions des Européens, parus durant les années 1990, témoignent de la continuité de son engagement idéologique du côté d'une droite toute à la fois antigaulliste, européiste et traditionaliste.
Fondateur, en 2002, de La Nouvelle Revue d'histoire, mensuel de qualité, Dominique Venner avait obtenu la contribution régulière d'historiens qui ne partageaient pas ses vues mais le tenaient en haute estime. Parmi eux: Lucien Jerphagnon, François-Georges Dreyfus, Jean Tulard ou Jacqueline de Romilly.

Il animait aussi régulièrement une émission sur Radio Courtoisie depuis de nombreuses années.

Auteur, en 2009, d'une biographie consacrée à Ernst Junger, qu'il connaissait personnellement, Dominique Venner lui reprochait d'avoir pris de la distance avec ses idéaux
révolutionnaires de jeunesse et de s'être en fin de compte «assagi».
Il n'est pas interdit de penser que son geste désespéré exprime la permanence d'un défi qu'il a explicité dans son autobiographie, Coeur rebelle, parue en 1994, et où il relatait sa vie et le sens de ses engagements.

Dans un post publié mardi sur son site, Dominique Venner avait rédigé un éditorial dans lequel il expliquait que les opposants au mariage pour tous ne pouvaient «se limiter au refus du mariage gay», mais que le vrai «péril» était «le grand remplacement de la population de la France et de l’Europe». «Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciencesanesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines», disait-il.

La manif du 26 mai et Heidegger

Actualité, Réflexions, publié le 21 mai 2013

Les manifestants du 26 mai auront raison de crier leur impatience et leur colère. Une loi infâme, une fois votée, peut toujours être abrogée.
Je viens d’écouter un blogueur algérien : « De tout façon, disait-il, dans quinze ans les islamistes seront au pouvoir en France et il supprimeront cette loi ». Non pour nous faire plaisir, on s’en doute, mais parce qu’elle est contraire à la charia (loi islamique).

C’est bien le seul point commun, superficiellement, entre la tradition européenne (qui respecte la femme) et l’islam (qui ne la respecte pas). Mais l’affirmation péremptoire de cet Algérien fait froid dans le dos. Ses conséquences serraient autrement géantes et catastrophiques que la détestable loi Taubira.

Il faut bien voir qu’une France tombée au pouvoir des islamistes fait partie des probabilités.
Depuis 40 ans, les politiciens et gouvernements de tous les partis (sauf le FN), ainsi que le patronat et l’Église, y ont travaillé activement, en accélérant par tous les moyens l’immigration afro-maghrébine.
Depuis longtemps, de grands écrivains ont sonné l’alarme, à commencer par Jean Raspail dans son prophétique Camp des Saints (Robert Laffont), dont la nouvelle édition connait des tirages record.

Les manifestants du 26 mai 2013 ne peuvent ignorer cette réalité. Leur combat ne peut se limiter au refus du mariage gay. Le « grand remplacement » de population de la France et de l’Europe, dénoncé par l’écrivain Renaud Camus, est un péril autrement catastrophique pour l’avenir.
Il ne suffira pas d’organiser de gentilles manifestations de rue pour l’empêcher. C’est à une véritable « réforme intellectuelle et morale », comme disait Renan, qu’il faudrait d’abord procéder. Elle devrait permettre une reconquête de la mémoire identitaire française et européenne, dont le besoin n’est pas encore nettement perçu.

Il faudra certainement des geste nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines.

Nous entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des actes.

Il faudrait nous souvenir aussi, comme l’a génialement formulé Heidegger (Être et Temps) que l’essence de l’homme est dans son existence et non dans un « autre monde ». C’est ici et maintenant que se joue notre destin jusqu’à la dernière seconde. Et cette seconde ultime a autant d’importance que le reste d’une vie. C’est pourquoi il faut être soi-même jusqu’au dernier instant. C’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant. Et il n’y a pas d’échappatoire à cette exigence puisque nous n’avons que cette vie dans laquelle il nous appartient d’être entièrement nous-mêmes ou de n’être rien.

Dominique Venner

Pour l'abbé Guillaume de Tanoüarn : "J'ai eu l'occasion, voilà déjà une quinzaine d'années, de rencontrer Dominique Venner, de discuter avec lui, d'essayer de comprendre l'antichristianisme militant de cet historien qui était à la fois si froid et si passionné, si précis dans ses analyses et si lyrique dans ses perspectives, sans que le lyrisme ne nuise à l'analyse ni l'analyse au lyrisme. Dominique Venner avait une grande âme, "un coeur rebelle". C'est ce qui m'avait fait éprouver pour lui, alors que nous étions aux antipodes l'un de l'autre, une véritable sympathie. Il m'avait d'ailleurs dédicacé son ouvrage autobiographique Le coeur rebelle : "A l'abbé de Tanoüarn qui n'est pas un cœur soumis".

Cette formule, je l'ai longtemps méditée. Je crois que c'est en cela que nous avons été en compréhension l'un de l'autre, lui et moi, dans le refus de toutes les formes de soumission. Se soumettre c'est subir, subir c'est renoncer à agir, renoncer à agir c'est accepter de ne pas servir, de ne servir à rien, de se laisser happer par le grand Néant de tous les A-quoi bonismes, contre lequel Dominique s'est élevé toute sa vie. Contre lequel pourrait-on dire, il atenté d'élever sa vie et son oeuvre.

Son dernier post, sur son blog, appelant à manifester le 26 mai 2013 contre le mariage homosexuel, mêle la crainte d'une islamisation de la France à ce signe de décadence morale qu'est le mariage des homosexuels. "Ce ne sont pas de petites manifestations de rue" qui pourront changer quelque chose à cette formidable conjuration "du pire et des pires" que présente la vie politique française en ce moment. On devine une forme de désespoir politique, vraiment poignant chez cet homme de 78 ans, dont on pourrait penser qu'il en a vu bien d'autres, depuis les combats de l'Algérie française, les appels à la résistance d'Europe jeunesse, jusqu'à maintenant. Mais le désespoir n'est pas l'explication ultime de ce dernier geste".

Pourtant, Dominique Venner a choisi l'autel de Notre Dame pour cette décision. C'est sur l'autel qu'il a posé une dernière lettre. C'est pour attirer l'attention de son acte n'est pas médiatique, il est symbolique.

Quel symbole ?

Celui de la Vierge Mère, celui de l'éternel féminin, lui qui, dans son dernier blog professe "respecter les femmes alors que l'islam ne les respecte pas". Sans doute. Mais il ne faut pas oublier qu'outre sa culture païenne, Dominique Venner possédait une solide culture chrétienne, avant que son entrée en délicatesse avec une Eglise qu'il voyait comme absurdement pro-FLN ne l'ait détourné de Dieu.

Je crois que ce suicide-avertissement, que Dominique a voulu comme une sorte d'analogie frappante avec le suicide de notre civilisation, était aussi, pour lui, la seule manière qu'il ait trouvé de passer par l'Eglise une dernière fois sans se renier. Une sorte de prière sans parole, pour ce coeur inassouvi jusqu'à la dernière seconde. Dieu ?

C'était trop compliqué pour lui. Mais Marie... Une femme, capable - Dieu le sait - d'exaucer enfin le désir de perfection qui a été la grandeur et le drame de sa vie.


DECLARATION DE DOMINIQUE VENNER


Les raisons d'une mort volontaire

"Je suis sain de corps et d'esprit, et suis comblé d'amour par ma femme et mes enfants. J'aime la vie et n'attend rien au-delà, sinon la perpétuation de ma race et de mon esprit. Pourtant, au soir de cette vie, devant des périls immenses pour ma patrie française et européenne, je me sens le devoir d'agir tant que j'en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable. J'offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriale s.
Alors que tant d'hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m'insurge contre la fatalité. Je m'insurge contre les poisons de l'âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire.
Alors que je défends l'identité de tous les peuples chez eux, je m'insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations.
Le discours dominant ne pouvant sortir de ses ambiguïtés toxiques, il appartient aux Européens d'en tirer les conséquences.
À défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une mémoire propre, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance en rupture avec la métaphysique de l'illimité, source néfaste de toutes les dérives modernes.
Je demande pardon par avance à tous ceux que ma mort fera souffrir, et d'abord à ma femme, à mes enfants et petits-enfants, ainsi qu'à mes amis et fidèles.
Mais, une fois estompé le choc de la douleur, je ne doute pas que les uns et les autres comprendront le sens de mon geste et transcenderont leur peine en fierté. Je souhaite que ceux-là se concertent pour durer. Ils trouveront dans mes écrits récents la préfiguration et l'explication de mon geste.

*Pour toute information, on peut s'adresser à mon éditeur, Pierre-Guillaume de Roux. Il n'était pas informé dema décision, mais me connaît de longue date."