Disparition de Pierre Dubiton

 

Agé de 70 ans, marié et père de trois enfants, cet expert-comptable avait occupé les fonctions de directeur administratif et financier de l’OM jusqu’en septembre 2001, date à laquelle il avait mis un coup de tête à son successeur Etienne Ceccaldi, un ancien magistrat marseillais et préfet de police de Nice, nommé directeur général du club par Robert Louis-Dreyfus.
Cet ancien de l’OAS à Oran était le fils d’un fonctionnaire tué par le FLN

Il s’était engagé dans un régiment parachutiste de la Légion.

Pierre Dubiton
 
   

Le 11 mai 2007, le tribunal correctionnel de Marseille avait condamné Pierre Dubiton à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et 7.500 euros d’amende, pour abus de biens sociaux dans le cadre du transfert, en 2001, de l’Argentin Eduardo Tuzzio du Servette Genève (1re div. suisse).
Le 20 mai 2008, sa peine avait été confirmée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
"Je suis le dindon de la farce", avait-il lancé à son procès, stigmatisant les méthodes de Bernard Tapie, responsable du secteur sportif d l’OM en 2001.


« Le jour où j'ai perdu mon pays. » Pierre Dubiton


« J'avais 14 ans quand mon père, qui était fonctionnaire municipal, a été assassiné par le FLN. Trois ans plus tard, je me suis engagé dans le 1er régiment étranger parachutiste. »
Le regard dur, les mâchoires serrées, Pierre Dubiton raconte, sans nous épargner aucun détail, la guerre impitoyable que se livrent alors légionnaires et maquisards du FLN. « Un jour, nous sommes appelés après le massacre d'une famille.
C'était celle de ma demi-soeur. Les quatre têtes étaient posées dehors. Ma soeur avait 11 ans. Ils l'avaient violée, éventrée, mutilée. » En mai 1961, après le putsch, Pierre Dubiton, en cavale, passe à l'OAS-Oran. « Je me suis battu en faisant parfois des trucs désespérés.
Mes compagnons de l'OAS, ce n'étaient que des fils de prolos, de communistes, pas un seul enfant de bourgeois. En 1945, il aurait fallu une partition. Mais nous n'avions pas de Ben Gourion. »
Peu après l'arrestation du général Jouhaud, de violents combats de rue opposent gardes mobiles et commandos de l'OAS. « Ça tirait dans les rues, sur les immeubles. Mes trois soeurs ont été blessées, l'une d'elle a été amputée d'une jambe. »
La guerre de Pierre Dubiton s'achève lors d'un duel avec un tireur d'élite de la gendarmerie. « J'ai pris une balle explosive dans le bras. On a réussi à m'évacuer.
Quand l'avion a grimpé dans le ciel, j'ai compris que tout était fini, que j'avais perdu mon pays. »

 

Adieu, Pierre ! Incorrigible, Pierre Dubiton !

 

Il y a ceux qui vous aimaient, ceux qui vous détestaient, mais nul ne pouvait rester indifférent à votre personnalité.
Ah, ça non ! Qui ne se souvient de vos vertes colères, au temps où Ségolène Royal n'avait pas encore inventé les siennes, de vos rires homériques, de vos anecdotes toujours croustillantes, de votre goût pour le sport et de vos larmes, oui, vos larmes, on vous a vu pleurer comme un enfant, un jour, du côté de la Madrague de Montredon ?

On vous a vu gronder aussi, quand l'OM, le club de votre passion, perdait ou ne parvenait pas à recruter les joueurs que vous auriez aimé voir venir jouer ici, dans votre jardin marseillais en forme de pelouse olympique.
D'ailleurs, dans la sémantique Dubiton, quelque chose revenait sans cesse : "Mon club ! Mon club !" comme s'il vous appartenait. Mais non, ce n'était pas de l'appropriation, c'était juste de l'amour immodéré pour le beau jeu, les belles combinaisons et le club marseillais.

"Il ne supportait pas l'injustice, l'égoïsme des autres"

Dans la nuit de dimanche 10 mars 2013 à lundi 11 mars , dans un vil croche-pied au destin, que vous avez sans doute vécu comme un vilain dribble de footeux, vous avez tiré votre révérence.
À 70 ans, l'expert-comptable, le commissaire aux comptes, qui savait lire dans les chiffres comme personne, l'ancien juge-commissaire du tribunal de commerce de Marseille, l'ex-trésorier de l'OM des années 1970 devenu en 2001 directeur du club, s'en est donc allé.
Il est décédé à l'hôpital Ambroise-Paré d'une longue maladie, comme on dit. Une maladie qui vous a fauché dans la surface de réparation. Tout cela n'est pas très fair-play. Vous vous en seriez forcément indigné.

Pierre Dubiton avait le coeur sur la main et le coeur sur l'OM. "Il ne supportait pas l'injustice, l'égoïsme des autres, l'égoïsme de la vie et la vie ne lui avait pas fait de cadeaux !", se souvient avec émotion l'avocat marseillais de la Fédération et de la Ligue de foot, Me Jean-Jacques Campana.

Marié et père de trois enfants, cet as du chiffre occupera les fonctions de directeur administratif et financier de l'OM jusqu'en septembre 2001, date à laquelle il avait asséné un mauvais coup de tête à son successeur Étienne Ceccaldi, un ancien magistrat marseillais et ex-préfet de police de Nice, nommé directeur général du club par Robert Louis-Dreyfus.

Pour ce natif d'Oran, les racines étaient plus fortes que tout

Pierre Dubiton, c'était aussi un ancien de l'OAS. Et pour celui qui était né en octobre 1942 à Oran, les racines étaient plus fortes que tout. Il n'avait pas son pareil pour évoquer son enfance, son adolescence, la mémoire de son père fonctionnaire municipal tué en 1956 dans un attentat attribué au FLN.
Sa famille était installée en Algérie depuis 1830. Le foot, il l'avait commencé à Oran, comme milieu de terrain au Club des Joyeusetés. Ensuite, il s'était engagé à 17 ans dans la Légion étrangère.

Il y restera vingt mois. Blessé au bras droit par une balle explosive tirée par un tireur d'élite de la gendarmerie. L'aventure de l'OAS se terminera au printemps 1962. En 1963, il sera pourtant mercenaire au Katanga durant un an. En 1967, on le retrouvera en Israël pendant la guerre des six jours pour remplacer des soldats dans les kibboutz pendant trois mois. En 1972, il s'installe définitivement à Marseille et ouvre un cabinet d'expert-comptable, la SCM.

Le 11 mai 2007, le tribunal correctionnel de Marseille l'avait condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis et
7 500 euros d'amende, pour "abus de biens sociaux" dans le cadre du transfert du joueur argentin Eduardo Tuzzio, du Servette de Genève à l'OM.
Le 20 mai 2008, sa peine avait été confirmée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. "Je suis le dindon de la farce", avait-il lancé à son procès, avant d'être en désaccord avec Bernard Tapie, nommé responsable du secteur sportif de l'OM.
Le 27 septembre 2001, Robert Louis-Dreyfus l'évince définitivement du club. Dubiton s'en retourne à sa passion pour "son club", comme tant d'autres supporters anonymes.

Là-haut, il doit bien encore avoir de la ressource pour compter les nuages du foot et du talent pour distribuer cartons, jaunes ou rouges, à ses coéquipiers devant l'Éternel. La Provence présente à tous ses proches ses plus sincères condoléances.


Jean-Pierre Klein : "Il a servi le club corps et âme"


Jean-Pierre Klein s'est montré très affecté par le décès de son ami. L'actuel président de la Commission d'appel de la Ligue de football professionnel (récemment réélu à l'unanimité pour quatre ans) n'a finalement travaillé que quelques mois avec lui à l'OM, mais "nous nous étions déjà souvent croisés quand je travaillais avec Fernand Méric, au milieu des années 70.
Pierre est entré ensuite à l'OM quand je n'y étais plus. Mais c'est Robert Louis-Dreyfus qui nous a permis de bosser ensemble en 2001 et nous avons développé une vraie relation d'amitié."

"C'était à la fois un être impulsif, colérique, soupe-au-lait, et un brave type, une sorte de gueulard au grand coeur, qui s'est dévoué pour l'OM, qui l'a servi corps et âme. Un honnête homme, chez qui le positif l'emporte sur le négatif." José Anigo, l'actuel directeur sportif de l'OM, a connu Pierre Dubiton en deux périodes distinctes. "Il m'a vu tout jeune, lorsque j'étais stagiaire au centre de formation et lui dirigeant aux côtés de M. D'Agostino.
Je l'ai retrouvé par la suite comme entraîneur et directeur du centre.
Un homme souvent controversé, mais qui aimait profondément l'OM. Comme tout dirigeant passé au club, qui y a travaillé avec passion, il mérite à mes yeux le respect. J'ai beaucoup de tristesse pour sa famille."

Ajoutons que l'OM rendra un hommage à Pierre Dubiton, vendredi 15 mars 2013 au soir au Stade Vélodrome, avant le match contre Ajaccio.

Denis TROSSERO avec Mario ALBANO

Source : http://www.laprovence.com/article/sports/2252726/pierre-dubiton-avait-le-coeur-om.html