Disparition de Boussad Azni
Ancien président national du Comité de liaison des harkis


- 1959 - 28 décembre 2012


Trapu, le cheveu noir, le regard vif derrière des lunettes cerclées de métal. Boussad Azni 45 ans il est conseiller auprès d'Alain Marleix pour le monde combattant, les harkis et la citoyenneté.
Fils de Slimane Azni  vétéran de la Grande Guerre, de la Seconde Guerre mondiale, de la Guerre d'Indochine, enfin supplétif pendant la guerre d'Algérie, Boussad est né en Kabylie.

Un jour de 1959 son père rentre chez lui dans son village, près de Tizi Ouzou et trouve sa mère égorgée par le FLN il s'engage dans une harka jusqu'à la fin des hostilités.

Au moment de l'Indépendance, comme tous les harkis, il est désarmé par l'armée française. Puis ce sera le rapatriement à Marseille. Les camps de Bourg l'Astier, Rivesaltes.
Au bout du voyage, c'est l'arrivée en février 1963 au camp de Bias dans le Lot-et-Garonne où la famille de Slimane restera jusqu'en 1971.
Le camp Boussad Azni se souvient : « des barbelés, des grillages de 4 mètres de haut, des sapins tout autour.
Une épicerie dans le camp, un dispensaire militaire... Nous avons vécu entre nous, dans la misère. » Son premier souvenir de lumière ?
Une colonie de vacances à Capbreton dans les Landes : « Les plus beaux souvenirs de ma jeunesse. ». souligne-t-il.

Mais le camp de Bias lui colle à la peau : « Avant nous, il y avait eu les républicains espagnols, les Indochinois... Nous sommes des combattants. » Slimane, le père de famille est mort à Nîmes dans la misère.

Boussad Azni a une volonté : « Rendre à mon père et aux harkis la dignité et l'honneur car ils ont tout sacrifié.
Et cela, il faut le souligner mille fois : leur passé, leur vie, leurs villages, leurs morts, ils ont tout abandonné pour un idéal dans lequel ils ont cru à fond : la France. »
Boussad Azni aime la France : « Nos parents nous ont transmis la fierté d'appartenir à la France.
Nous sommes fiers d'êtres français et fils de harkis. » En 1971, Boussad s'est installé à 5 km du camp de Bias,  à Sainte-Livrade avec ses parents.
Entre-temps, deux autres enfants étaient nés. Depuis, le Lot-et-Garonne est « sa patrie », « sa terre d'adoption ». Comme des milliers d'autres fils de harkis qui ont trouvé leurs racines sur le sol français.

Boussad a fondé une famille à quelques kilomètres de Bias.

Ses cinq enfants portent tous des prénoms arabes. Un hommage à son père, lassitude aussi : « Avec notre nom, autant jouer carte sur table. Nous sommes enfants de harkis ». Le monde combattant ? Il y a grandi, il s'y sent à l'aise : « J'ai beaucoup de respect pour les combattants de toutes les guerres.

C’est grâce à eux que la France existe et que la liberté existe. » Boussad Azni est aussi président du Comité national de liaison des harkis et vice-président du Haut Conseil des rapatriés.

Son objectif ? « Faire participer la communauté harkie à toutes les cérémonies commémoratives, particulièrement celles du 11 Novembre et du 5 décembre. Il faut que les harkis s'impliquent davantage dans les commémorations du monde combattant : qu'ils se sentent français à part entière. »

La citoyenneté ? « J'ai insisté pour avoir ce titre : tout Français qui veut aller en Algérie, est libre.

Or il existe une libre circulation de personnes sauf pour les harkis. Pourquoi ? Pourquoi les assassins du FLN viennent s'installer en France avec toutes les aides matérielles et pourquoi les harkis qui sont des soldats et non des assassins de femmes, d'enfants n'ont pas droit aux aides de la France ?

 
Prenant part à votre douleur, nous vous présentons nos sincères condoléances.

Disparition de Boussad Azni :
Il portait la parole des harkis


Boussad Azni, ancien président national du Comité de liaison des harkis, est décédé le 28 décembre 2012, des suites d'une longue maladie. Il sera inhumé ce matin à Bias. Le Livradais restera comme le symbole de la défense de la cause harkie.
L'enfant de Bias n'est plus. Boussad Azni, ancien président du Comité national de liaison des harkis, est décédé la nuit dernière à Villeneuve des suites d'une longue maladie, comme l'on dit pudiquement.

     
 
 
     

Le Livradais, qui luttait depuis plus de 8 ans contre un cancer, avait été hospitalisé à Saint-Cyr il y a quelques jours. Il avait 53 ans.


Sous Chirac, puis Sarkozy


Avec la mort d'Azni, c'est bien davantage que le porte-parole des harkis qui disparaît.
Ce natif de Tizi-Ouzou en Kabylie algérienne, enfant du camp de Bias où sa famille a débarqué en 1963 et où il séjourna dix ans, a été trois décennies durant le symbole de «la cause», le chantre d'une communauté dont il a défendu sans relâche les intérêts.
Un combat qui lui valut, lui le «petit» commerçant ambulant, d'être nommé, sous Chirac, vice-président du Haut Conseil aux rapatriés, puis, sous Sarkozy, d'intégrer le ministère des Anciens Combattants dont il sera évincé brutalement deux ans plus tard, après avoir dénoncé une «nouvelle trahison» des gouvernants en place.


«Harkis, crime d'Etat»


Fort de son franc-parler, Azni n'avait pas que des amis.

Son côté imprévisible, «incontrôlable», diront certains, en dérangeait plus d'un, même parmi les siens.
Mais à l'arrivée, l'homme avait su s'imposer en première ligne de ce combat pour la reconnaissance du martyre des harkis et du combat pour leurs revendications en réparation du préjudice subi.
En 2001, au moment du dépôt de plainte contre X pour crimes contre l'humanité, procédure à laquelle s'était associé l'avocat marmandais Philippe Reulet, aujourd'hui disparu, le Livradais avait encore démontré qu'il n'avait pas peur de s'exposer, certains raillant sa démarche.

L'année suivante, il publiera un livre intitulé «Harkis, crime d'État, généalogie d'un abandon», ouvrage qui fit référence.
Ces dernières années, la maladie avait contraint l'inlassable combattant à baisser un peu la garde et c'est le Fumélois Boaza Gasmi qui prit alors le relais à la tête du Comité national de liaison. Mais l'homme n'était jamais loin quand il s'agissait de décider.


Inhumé à quelques hectomètres du camp


Aujourd'hui, au-delà de sa maman, de son épouse, Myriem, de ses quatre filles Malika, Nacera, Karima et Nadia, de son fils, Smaïn, et de tous ses frères et sœurs, c'est toute une communauté qui pleure un fils, un mari, un père et un frère qui aura consacré l'essentiel de sa courte vie à la sauvegarde de la mémoire des siens et à la reconnaissance de ses droits.

Les obsèques de Boussad Azni se dérouleront le 29 décembre 2012, à 11 heures, au cimetière de Bias, à quelques hectomètres de ce camp qui l'a vu grandir et qu'il a toute sa vie dénoncé.

Bessy Selk

 

Source : http://www.ladepeche.fr/article/2012/12/29/1525268-il-portait-la-parole-des-harkis.html