Rapport Conseil économique et social sur les politiques financières conduites en faveur des Français Rapatriés d'Algérie
           
 
 
Par lettre du 30 juillet 2007, le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social sur Les politiques financières conduites en faveur des Français rapatriés
La préparation du projet d’avis a été confiée à la section des finances qui a désigné M. Yves Zehr comme rapporteur. Pour son information, la section a entendu les personnalités suivantes :
- M. Emmanuel Charron, président de la Mission interministérielle aux rapatriés ; M. Yves Kodderitzsch, président du Haut Conseil aux rapatriés ; M. Alain Vauthier, directeur général de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’Outre-mer . Par ailleurs, le rapporteur a entendu des représentants de différentes associations de rapatriés de diverses sensibilités
 
 
Les réactions des associations de rapatriés d'Algérie. : A.N.F.A.N.O.M.A
 
 
Au total, 1,5 million de personnes ont été rapatriées dans la seconde moitié du XXè siècle dont près de 1 million pour l’Algérie (environ les deux tiers) et près de 95 % pour les trois pays du Maghreb. Notons que, récemment, près de 3 000 personnes en provenance de Djibouti, des Comores et du Vanuatu ont été assimilées aux rapatriés.
Depuis près d’un demi-siècle, la question de l’indemnisation des Français rapatriés d’Algérie, principalement, demeure.
Le 3 juillet 1962, à la suite d’un référendum portant sur l’autodétermination du pays, l’Algérie accède officiellement à l’indépendance. Du fait d’une situation interne confuse et violente, les Européens, dont un million de Français, sont contraints de quitter le nouvel État. Pour ces Français, qui devenaient alors des « rapatriés », le retour vers la métropole fut vécu comme un exil. Ce fut aussi un drame pour des dizaines de milliers de Français d’origine algérienne, les harkis, engagés au côté de la France pendant ce conflit.
Le fait de devoir quitter, dans des circonstances dramatiques, un territoire où ils étaient établis, pour certains depuis plusieurs générations et la nécessité de démarrer une nouvelle vie en France justifiaient un effort national en leur faveur. Il s’agissait à la fois d’un geste de solidarité et d’un témoignage de reconnaissance des souffrances subies.
Un secrétariat d’État puis un ministère aux Rapatriés furent créés. De nombreuses lois, dont la première dès décembre 1961 et décrets d’application ont été pris sur les divers aspects des aides, indemnités, prêts bonifiés...
Pourtant, les rapatriés ont souvent eu le sentiment d’être mal accueillis en métropole et trop longtemps marginalisés. Devant ces difficultés, s’est posée avec une intensité croissante la question de l’indemnisation des biens perdus d’autant plus que la plupart des nouveaux États, dont l’Algérie, ayant acquis leur indépendance, refusaient d’honorer leurs engagements et donc de participer à cet effort. Le principe de l’indemnisation fut reconnu par le gouvernement français par la loi de 1970, basée sur une logique sociale de solidarité et débouchant donc sur une indemnisation partielle des personnes physiques en attendant un éventuel remboursement de l’État algérien.
S’est alors ouvert un contentieux financier mais aussi passionnel dans lequel les rapatriés, qui s’organisent et s’expriment en de nombreuses associations, cherchent à faire reconnaître la responsabilité de l’État français.
Au total, un dispositif complexe, protéiforme, a été mis en place à l’issue de nombreux textes (lois et décrets) pris au fil du temps. En tout, les sommes affectées aux diverses aides et indemnisations au titre de la solidarité nationale sont conséquentes : 35 milliards d’euros (euros 2002) selon la Mission interministérielle aux rapatriés.
 

Plusieurs lois d’indemnisation ou d’aides diverses ont été successivement adoptées pour tout ou partie des difficultés rencontrées par les rapatriés.
Dès 1953, un système de retraites a été institué en Algérie. Les droits accumulés auraient dû être versés par l’État algérien. Il est vite apparu que cela ne serait pas fait. L’État français a donc racheté ces droits et institué, dans la loi de 1961, une assurance vieillesse volontaire.
Dès 1962 ont été distribués des prêts dits de réinstallation aux rapatriés agriculteurs, commerçants, professions libérales ou artisans. Beaucoup d’entre eux ne disposaient pas de fonds propres à leur retour.
L’Indemnisation, Il s’agissait d’aider les rapatriés non salariés. À cet effet, un dispositif très complexe a été mis en place au fil de plusieurs lois (on en dénombre 21), dont certaines mesures demeurent en vigueur.


 

Les accords d’Évian (18 mars 1962) stipulaient, en leur article C.IV. 12 : « L’Algérie assurera sans aucune discrimination une libre et paisible jouissance des droits patrimoniaux acquis sur son territoire avant l’autodétermination. Nul ne sera privé de ces droits sans indemnité équitable préalablement fixée ».
Ces accords n’ont pas été respectés.
Cette prise en charge comprenait l’indemnisation des propriétés possédées par des Européens.
Le Conseil économique et social a abordé ce sujet en décembre 2006 (étude sur La situation sociale des enfants de harkis, rapportée par Mme Hafida Chabi).Pour ces personnes, il a souvent été difficile d’apporter la preuve de leurs biens en Algérie, soit inexistants, soit non reconnus juridiquement ; pourtant, pour les harkis, « un gourbi (habitation traditionnelle) a une valeur, si modeste soit-elle »... Ils ont donc été rapatriés et installés dans des camps, dans des conditions souvent indignes.
Le travail de mémoire, aucune société ne peut se dispenser de se forger une mémoire collective, sous peine de perdre son unité et de fragiliser son identité. Au terme de ce travail, où la part d’écoute a pris une importance considérable, le Conseil économique et social fait le constat que trop de malentendus et de silences obscurcissent aujourd’hui la connaissance de l’histoire de l’Empire français et du processus d’indépendance. Il existe bien aujourd’hui différentes lectures de l’histoire de cette période.
le musée-mémorial prévu à Marseille voie effectivement le jour et, ensuite, ait les moyens de diffuser les informations qu’il contiendra. Il devrait s’agir d’un lieu de mémoire vivant. C’est un point crucial car l’histoire des Français d’Algérie de toutes origines n’est pas écrite et encore moins enseignée. Il faudrait, par exemple, replacer la présence française en Algérie dans l’histoire séculaire de ce pays, envahi successivement par les Phéniciens, les Romains, les Arabes et, plus récemment, les Français. Ces occupations successives ont façonné le pays et laissé des traces qui constituent l’identité même du pays (Carthage comme les immeubles « haussmanniens »...). Pourraient utilement être encouragée la réalisation de documentaires, de livres ou de films ; un monument aux morts, une stèle... soit édifié(e) à Paris en tant que capitale, qui pourrait aussi symboliser tous les monuments locaux qui ont été détruits en Algérie ; un tel monument devrait aussi faire état des victimes des moments extrêmement douloureux intervenus entre la signature des accords d’Évian et l’indépendance.


Conclusion du rapporteur Yves Zehr


La Vè République est née de la crise algérienne. Cette histoire n’est pas écrite. Mais chacun a à l’esprit les conditions dans lesquelles ont été menés le processus d’indépendance, le rapatriement des Français d’Algérie de toutes origines, leur accueil en métropole et les efforts de solidarité de la communauté nationale en leur faveur.
Les accords d’Évian, bilatéraux, prévoyaient que l’Algérie contribuerait à l’indemnisation des biens perdus. Ces accords n’ayant pas été respectés, la France a été conduite à mettre en place un dispositif complexe fréquemment remanié au fil du temps. Néanmoins, le respect de cette clause devrait être recherché.
Restent à mener à leur terme rapidement les politiques conduites en matière d’indemnisation, de désendettement et de retraite. Outre les propositions de solutions formulées, il serait utile de clarifier autant que possible les dispositifs empilés, en annulant des mesures diverses pour les remplacer par une seule plus simple. Reste aussi à engager les efforts de mémoire.
Il convient maintenant de clôturer ce dossier douloureux avant que ne débouche le projet d’Union méditerranéenne qui impliquera nécessairement la France et l’Algérie. Sa mise en oeuvre serait grandement facilitée s’il était remédié sans tarder aux situations difficiles issues de leur passé commun.


Scrutin sur l’ensemble du projet d’avis
Nombre de votants...............................197
Ont voté pour.......................................160
Se sont abstenus.....................................37


Le Conseil économique et social a adopté.

Ont voté pour : 160

Groupe de l’agriculture - MM. Aussat, Bailhache, Barrau, Baucherel, Bayard, de Benoist, Boisson, Canon, Cazaubon, Chifflet, Mme Cornier, MM Ducroquet, Giroud, Gremillet, Guyau, Mme Lambert, MM. Lemétayer, Lucas, Marteau, Meurs, Pelhate, Pinta, Rougier, Sander, Thévenot, Vasseur.
Groupe de l’artisanat - MM. Dréano, Griset, Lardin, Liébus, Martin, Pérez, Perrin.
Groupe des associations - Mme Arnoult-Brill, MM. Da Costa, Leclercq, Pascal, Roirant.
Groupe de la CFE-CGC - Mme Dumont, MM. Garnier, Labrune, Saubert, Van Craeynest, Mme Viguier, M. Walter.
Groupe de la CFTC - MM. Coquillion, Fazilleau, Louis, Mme Simon, MM. Vivier, Voisin.
Groupe de la CGT-FO - MM. Bilquez, Bouchet, Mme Boutaric, MM. Daudigny, Devy, Mazuir, Noguès, Mmes Peikert, Perray, Pungier, MM. Rathonie, Reynaud, Veyrier, Mme Videlaine.
Groupe de la coopération - Mme Attar, MM. Budin, Fritsch, Gautier, Grallet, Prugue, Ségouin, Thibous, Verdier, Zehr.
Groupe des entreprises privées - Mme Bel, MM. Bernardin, Buisson, Mme Clément, MM. Creyssel, Daguin, Didier, Mme Felzines, MM. Gardin, Gautier-Sauvagnac, Ghigonis, Gorse, Jamet, Kessler, Lebrun, Lemor, Marcon, Mariotti, Mongereau, Pellat-Finet, Placet, Roubaud, Salto, Schilansky, Simon, Tardy, Veysset, Mme Vilain.
Groupe des entreprises publiques - MM. Ailleret, Bailly, Blanchard-Dignac, Brunel, Chertier, Duport, Mme Duthilleul, M. Gadonneix, Mme Idrac.
Groupe des Français établis hors de France, de l’épargne et du logement - Mme Bourven, MM. Cariot, Clave, Feltz.
Groupe de la mutualité - MM. Caniard, Davant, Ronat.
Groupe de l’Outre-mer - Mme André, MM. Paoletti, Penchard, Radjou.
Groupe des personnalités qualifiées - MM. d’Aboville, Aurelli, Mme Cuillé, M. Decagny, Mmes Dieulangard, Douvin, MM. Duharcourt, Figeac, Gentilini, Geveaux, Mme Kristeva-Joyaux, MM. de La Loyère, Le Gall, Mandinaud, Masanet, Nouvion, Pasty, Plasait, Mme Rolland du Roscoät, MM. Roulleau, Valletoux, Vigier.
Groupe des professions libérales - MM. Capdeville, Maffioli, Mme Socquet-Clerc Lafont.
Groupe de l’UNAF - Mme Basset, MM. Brin, Édouard, Fresse, Guimet, Laune, Mmes Lebatard, Therry, M. de Viguerie.
Groupe de l’UNSA - MM. Duron, Martin-Chauffier, Olive.

Se sont abstenus : 37 falsos

Groupe de l’agriculture - MM. Boisgontier, Cartier, Lépine.
Groupe de la CFDT - Mmes Azéma, Boutrand, Collinet, MM. Heyman, Jamme, Mme Lasnier, MM. Le Clézio, Legrain, Mme Pichenot, M. Quintreau, Mme Rived, M. Toulisse, Mme Tsao, MM. Vandeweeghe, Vérollet.
Groupe de la CGT - Mmes Bressol, Chay, Crosemarie, MM. Dellacherie, Delmas, Durand, Mmes Geng, Hacquemand, Kotlicki, MM. Larose, Mansouri-Guilani, Michel, Muller, Prada, Rozet, Mme Vagner.
Groupe des personnalités qualifiées - MM. Obadia, Slama, Steg.