Cour de cassation "juge" constitutionnelle la loi sur les crimes contre l'humanité  
     
 
La loi Gayssot du 13 juillet 1990 instaurant le délit de contestation de crimes contre l'humanité ne sera pas soumise au Conseil constitutionnel. La Cour de cassation a décidé, vendredi 7 mai 2010, de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce sujet, car elle ne présentait pas un "caractère sérieux".
L'hebdomadaire Rivarol a été condamné par la cour d'appel de Paris le 21 janvier 2009 pour "contestations de crimes contre l'humanité", pour avoir publié un entretien avec Jean-Marie Le Pen où le président du Front national estimait que l'occupation allemande n'avait pas "été particulièrement inhumaine".
Les représentants du magazine ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, avec l'appui du président du FN, également condamné. Les requérants estimaient que cette condamnation était "contraire aux principes constitutionnels de la légalité des délits et des peines ainsi que de la liberté d'opinion et d'expression".
La loi Gayssot n'a jamais été soumise au Conseil constitutionnel. Sa constitutionnalité a été mise en doute par des juristes et elle a été critiquée par de nombreux historiens, comme les autres lois mémorielles sur le génocide arménien ou l'esclavage, provoquant un vif débat en 2005.
"Tout a été dit sur le caractère liberticide de cette loi", a estimé l'avocat de M. Le Pen, Bruno Le Griel, qui a rappelé que la Cour de cassation avait invalidé, en 2009, une condamnation de Bruno Gollnisch, y voyant là "le chant du cygne de la loi Gayssot".
Intervenant pour la Fédération nationale des déportés, Arnaud Lyon-Caen a estimé que la question n'était pas sérieuse car il était "inconcevable que le Conseil constitutionnel abroge la loi Gayssot", en rappelant que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait estimé qu'elle ne portait pas atteinte à la liberté d'expression.
Il est revenu sur cette période de l'Occupation, qu'il a connue, avec une émotion rarement présente à la Cour de cassation : "J'allais accueillir les déportés gare d'Orsay ou à l'Hôtel Lutétia. J'avais l'espoir d'y retrouver mon père ou les onze membres de ma famille déportés. C'est ce souvenir qui m'a conduit à remplir mon devoir d'avocat dans les procédures concernant Barbie, Touvier, Papon. Si vous estimez que la loi sur la contestation de l'existence de ces crimes que vous avez réprimés est contraire à la liberté d'expression, vous allez choquer la mémoire des familles des déportés."
Pour lever "les divisions et les doutes", l'avocate générale Anne-Marie Batut a demandé que la question soit transmise au Conseil constitutionnel. Me Lyon-Caen a repris la parole : "L'autorité de la Cour de cassation suffirait à mettre un terme à ces doutes."
"C'est un jugement au fond"
Message reçu par la Cour dans sa décision : "L'incrimination critiquée se réfère à des textes régulièrement introduits en droit interne, définissant de façon claire et précise l'infraction de contestation de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité (...), infraction dont la répression, dès lors, ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels de liberté d'expression et d'opinion." "La messe est dite, explique Paul Cassia, professeur de droit à Paris-I, la loi est déclarée constitutionnelle par la Cour de cassation. C'est un jugement au fond."