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Ces mêmes aïeux,
de leur vivant, ne se demandaient pas s’ils étaient
Français, ni si ce qu’ils construisaient dans les mêmes
colonies que vos ancêtres et prédécesseurs ont
créées, étaient bien ou mal. Ils travaillaient.
Oh, vous savez, un de mes grands-pères était maréchal-ferrant,
l’autre ferblantier. Ils étaient nés dans le
département Français d’Alger qui était
Français avant la Savoie ou le Comté de Nice, Monsieur
le Président. Ils ont créé la France à
leur échelle.
Nous avions toujours cet amour incommensurable
pour notre pays, le même pays que vous, Monsieur le Président.
Cet amour, mes parents me l’ont transmis. Ils m’ont
aussi appris à aimer l’Histoire de France avec ses
grands moments et les moins glorieux. Nous l’aimions sans
nous poser de question. C’était, c’est l’Histoire
de notre Pays. La votre, la mienne. Nous la respections, nous la
respectons.
Et, en 1962, nos parents ont du quitter à
jamais le pays qu’ils avaient chéri et construit, et
que votre père spirituel a bradé. Comme nous pensions
toujours être français, je mets volontairement une
minuscule, Monsieur le Président, nous avons pris le premier
bateau, le premier avion disponible pour débarquer avec nos
maigres biens sur cette autre rive de la terre de France, que nombreux
ne connaîssaient que parce les mots « République
Française » étaient mentionnés sur leurs
papiers d’identité et qu’ils avaient cependant
toujours rêvé de connaître, mais dans des circonstances
plus agréables.
Nous pensions être accueillis à bras ouverts. Mais,
nous avons été fouillés, contrôlés,
parqués, dispersés aux quatre coins de France, au
mépris le plus absolu de notre dignité. Le Regroupement
Familial n’était pas pour nous, nous n’avons
pas eu de soutien psychologique malgré le drame que nous
vivions. Nous avons perdu des parents, des amis avec qui nous avions
grandi. Nos bagages étaient soit trempés dans le port
de Marseille soit lâchés de la grue qui les soulevait
et s’éclataient sur le quai. Nous sommes nous plaint
? Avons-nous incendié des voitures, brisé des vitrines,
fait exploser des perceptions ou des préfectures ?
Et, bien que le Président De Gaulle, conseillé
par M. Debré (tiens, tiens..) voulut nous expédier
en Amérique du Sud ou nous renvoyer chez nous - mais où
était-ce chez nous ?-, puisque nous étions en France,
notre pays, nous sommes cependant restés ici et nous sommes
battus, nous avons travaillé, pour nous reconstruire, pour
retrouver notre dignité. Pour prouver que la France pouvait
être toujours fière de nous.
Et, cependant cette dignité est bafouée
régulièrement. Nous devons toujours prouver que nous
sommes Français, nous devons supplier de voir écrire
« France » sur nos documents d’identité.
Et chaque mois qui passe nous montre que cette France que nous aimions
tant pour son courage, pour son œuvre civilisatrice, n’en
déplaise aux falsificateurs de l’Histoire, baisse la
tête, courbe l’échine sous les assauts permanents
de gens qui haïssent le pays dans lequel ils vivent et qui,
malgré tout, les arrose d’aides, de subventions, les
soigne gratuitement, leur donne l’éducation, leur ouvre,
sans effort et sans examen, les portes des grandes écoles.
Faut-il haïr autant la France pour en être récompensé,
je vous le demande, Monsieur le Président de la République
? Faut-il autant haïr la France ou avoir une si piètre
interprétation de son Histoire, de notre Histoire, pour être
considéré comme un bon Français ?
En chargeant le Conseil Constitutionnel d’étudier la
suppression de la loi de Février 2005 qui reconnaît
ce que mes aïeux et les vôtres ont bâti pour la
France, vous venez de donner raison à tous ceux n’aiment
pas la France et son Histoire. Toute notre Histoire sera rapidement
sacrifiée à l’autel d’une pensée
unique mensongère. Cette pensée dont on nous infecte
l’esprit depuis des décennies, de la Maternelle jusqu’aux
Ecoles formant les élites de notre pays. Cette version de
l’Histoire qui fait de mes ancêtres, mes parents, et
moi-même de coupables assassins. Et demain, mes enfants ou
petits-enfants me jugeront comme tel et me condamneront ou me dénonceront.
Aussi, je vous le demande, Monsieur le Président
:
« Pourrai-je donc me lever demain encore et me dire si je
mérite d’être toujours Français - avec
une majuscule, cette fois- ou me si je suis aussi une victime de
la Colonisation ?»
Je vous remercie d’avoir pris le temps de
lire intégralement mon courrier empli de tristesse, et vous
prie de croire, Monsieur Le Président de la République,
en l’expression de ma très haute considération.
Jean-Pierre Ferrer
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