Le Conseil constitutionnel a été saisi et devrait «déclasser» art. 4 de la loi du 23 fevrier 2005.

 
   
 

JEAN-LOUIS DEBRÉ a remis, le soir du 25 janvier 2006, les conclusions de la mission de réflexion que lui avait confiée Jacques Chirac, pour tenter de mettre fin à la polémique sur le passé colonial de la France. Et, au terme des multiples auditions qu'il a menées depuis décembre – hier après-midi, encore, il recevait la Guyanaise Christiane Taubira –, le président de l'Assemblée nationale a proposé au chef de l'Etat, qui l'a acceptée, la «suppression» alinéa 2 de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 sur les Rapatriés. Passé pratiquement inaperçu lors de son adoption, cet article, fruit d'un amendement d'un député UMP, Christian Vanneste, stipule que «les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord».


«Journée des mémoires de la traite négrière»


Dans ses voeux à la presse, le 4 janvier, Jacques Chirac avait affirmé que ce texte, qui «divise les Français», devait «être réécrit», car «ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire». Mais comment sortir de cette nasse sans heurter l'UMP ou, a contrario, se mettre à dos les Français d'outre-mer, l'Algérie, des associations, comme le Mrap et SOS-Racisme, et la gauche ? Le président de l'Assemblée avait annoncé qu'il déposerait, courant février, une proposition de loi dont la rédaction ne serait «l'expression ni d'une repentance, ni d'un reniement, ni d'un renoncement». En définitive, Chirac et Debré ont voulu aller très vite et n'ont pas souhaité rouvrir la boîte de Pandore au Parlement.

Le président de l'Assemblée a proposé une solution : le recours à l'article 37, alinéa 2 de la Constitution. En application de cet article, le président a demandé au premier ministre de saisir le Conseil constitutionnel pour que celui-ci déclasse l'article 4, alinéa 2 de la loi du 23 février 2005 et qu'il le déclare réglementaire. Aussitôt dit, aussitôt fait : dans la soirée, Dominique de Villepin a fait savoir qu'il avait saisi le Conseil. A charge pour lui, lorsque les Sages du Palais-Royal auront rendu leur décision, d'élaborer un décret supprimant la fameuse disposition qui a mis le feu aux poudres.

Pour Jacques Chirac, il s'agit de lever «des interrogations et des incompréhensions», afin de «retrouver les voies de la concorde». Jean-Louis Debré, comme d'ailleurs le président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud, ne cesse de répéter qu'il ne faut légiférer que sur ce qui relève du domaine de la loi, et pas du règlement. «Je veux revenir au respect du partage des compétences entre les Assemblées et le gouvernement», expliquait-il dans nos colonnes le 16 janvier.

Dès hier, Pierre Méhaignerie (UMP), "le FALSO Révisionniste Charles de Courson (UDF)" (1) et Jack Lang (PS) ont salué la décision du président de la République.

Autre geste d'apaisement, Jacques Chirac recevra lundi le Comité pour la mémoire de l'esclavage, présidé par l'écrivain Maryse Condé. Dans un discours que l'Elysée annonce comme un texte de rassemblement, il annoncera qu'il retient la date du 10 mai pour la «Journée des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions» en métropole. Cette date correspond à l'adoption, le 10 mai 2001, de la loi reconnaissant la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité
IN FIGARO DU 26 JANVIER 2006
(1) note de BEO story