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Si ce que l'on conçoit
bien s'énonce clairement, c'est mal parti. Le 9 décembre,
face à la polémique suscitée par l'article 4
de la loi du 23 février 2005 évoquant «le rôle
positif de la présence française outre-mer», Jacques
Chirac annonce «une mission pluraliste pour évaluer l'action
du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l'Histoire»,
constituée par Jean-Louis Debré. Le président
du groupe socialiste de l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, fait
savoir qu'il participerait volontiers à ses travaux. Sauf que
ce ne sera pas possible. Au terme de plusieurs jours de réflexion
entre l'Elysée, Matignon et l'Hôtel de Lassay, le chef
de l'Etat a en effet inventé un «machin» inédit.
C'est l'histoire d'une mission «pluraliste», mais...
solitaire. La droite a envisagé toutes sortes de pistes
avant d'en arriver là. Etre pris d'une envie pressante
au moment du vote de la proposition de loi du PS abrogeant l'article
et laisser l'opposition, seule dans l'hémicycle, l'adopter?
L'idée en a séduit quelques-uns, avant que d'autres
élus la rejettent avec force. Modifier à
la marge, lors du collectif budgétaire, le montant d'une
indemnité versée aux rapatriés, afin d'amener,
par des ruses juridiques, le Conseil constitutionnel à censurer
l'article incriminé, qui relèverait du règlement
et non de la loi? L'Elysée a jugé la manoeuvre
politiquement illisible. Lancer une commission sur le modèle
de celle conduite par Bernard Stasi sur la laïcité ou
de celle, parlementaire, sur le voile à l'école? Chirac
plaidait pour, mais cela aurait entraîné des mois de
polémiques publiques, à l'approche des élections.
Déjà, Nicolas Sarkozy a déplacé le débat
sur le terrain du refus de la «repentance» - repentance
que ne réclamaient pas la plupart des adversaires de l'article.
Dominique de Villepin, de son côté, rechignait à
prendre à rebours une partie du groupe UMP. Comme la gauche,
aussi, tentait à force de pétitions de se racheter
de sa propre désinvolture, les échéances de
2007 auraient pollué toute discussion.
C'est alors qu'est née l'idée d'une mission Debré.
Celui-ci ne peut conduire une mission parlementaire en tant que
président de l'Assemblée; et le chef de l'Etat, en
vertu de la séparation des pouvoirs, n'a pas à lui
donner d'ordre. D'où la formule alambiquée
de Chirac: «J'ai proposé à Jean-Louis Debré,
qui l'a accepté...» La solution n'échappe pas
à la confusion des genres, puisque c'est à titre personnel
autant qu'ès qualités que le président de l'Assemblée
va réfléchir au rôle... du Parlement.
Il agira seul: depuis la semaine dernière, il consulte -
députés, historiens, juristes - et se rendra sur le
terrain, à l'écoute d'associations. Il n'a pas encore
trouvé la sortie que se profile un écueil supplémentaire.
S'il dispose de trois mois pour résoudre le problème,
il lui faudra éviter de respecter à la lettre ce calendrier,
pour ne pas rendre ses conclusions autour du 19 mars, date anniversaire
des accords d'Evian, qui ont marqué la fin de la guerre d'Algérie.
Maudit dossier!
IN L'Express du 22/12/2005 / Mémoire
/ Debré en mission très spéciale / par Eric
Mandonnet |
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