Dans
un sondage réalisé pour le quotidien Le Figaro montre
que les Français approuvent à 64% l’article
de la loi sur les rapatriés qui évoque les «aspects
positifs de la présence française» dans les
ex-colonies. Dénoncé avec virulence par les partis
de gauche et les associations de défense des droits de l’Homme,
ce texte ne provoque donc pas la même réaction de rejet
dans l’opinion, de droite comme de gauche. Le résultat
de cette enquête indique à quel point le débat
sur le passé colonial de la France est complexe.
La colonisation fait, semble-t-il, partie de ces thèmes sur
lesquels les clivages politiques se cassent les dents. Un sondage
réalisé par l’institut CSA pour Le Figaro met,
en effet, en évidence la convergence d’opinion des
électeurs de droite et de gauche sur la formulation de l’article
4 de la loi sur les rapatriés. Celui-là même
qui fait polémique parce qu’il mentionne que «les
programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle
positif de la présence française outre-mer, notamment
en Afrique du Nord, et accordent à l’Histoire et aux
sacrifices des combattants de l’armée française
issus de ces territoires la place éminente à laquelle
ils ont droit ».
Les sympathisants du parti majoritaire, l’Union
pour un mouvement populaire (UMP), sont 79% à approuver le
texte. Ceux de l’Union pour la démocratie
française (UDF) sont aussi dans l’ensemble
favorables à cet article de loi, même s’ils sont
sensiblement moins nombreux (60%). Mais les électeurs
de droite ne sont pas les seuls à affirmer leur accord avec
le passage sur le «rôle positif» de la présence
française lors de la colonisation. Les sympathisants
socialistes sont 55% à approuver la formulation de la loi,
ceux des Verts sont 59% et ceux des communistes 68%.
Des
visées électoralistes
Ces résultats montrent que l’empoignade
politique entre la majorité et l’opposition n’a
pas véritablement d’échos dans la population
en France. Le débat sur la tentative larvée d’imposer
avec cette loi une version officielle de l’histoire de la
colonisation ne semble pas provoquer une condamnation aussi catégorique
chez les électeurs de gauche que dans les partis qui les
représentent. Cela fera certainement l’affaire de la
majorité dont les députés ont rejeté,
mardi, la proposition de loi déposée par les socialistes,
soutenus par les communistes, pour abroger l’article incriminé.
D’autant que la droite a été accusée
d’avoir, dans cette affaire, des visées électoralistes
et de vouloir séduire les sympathisants de Front national
pour lesquels la défense de l’honneur de la France
n’est pas négociable, réalité historique
ou pas.
Dans l’esprit des personnes interrogées
par le CSA, l’analyse n’est pas aussi tranchée.
Et Stéphane Rozès, le directeur de l’Institut,
en tire la conclusion que «les Français estiment que
la majorité [parlementaire] n’a pas voulu faire l’apologie
de la colonisation mais a souhaité que les manuels scolaires
n’occultent pas ses effets positifs». Et ils ne voient
rien de condamnable là-dedans. Cela montre que les
Français ne ressentent pas encore la nécessité
de procéder à une critique sans concession d’un
passé colonial qu’ils ne jugent pas seulement en fonction
de sa violence pour les populations colonisées. Une remise
en cause globale de la colonisation reviendrait, selon l’historien
Pascal Blanchard, à une remise en cause de «l’identité
nationale». Et la société n’y est peut-être
pas encore prête car le débat sur la colonisation n’a
pas encore véritablement eu lieu. Pascal Blanchard estime
que sur ce sujet «la France vit aujourd’hui les contrecoups
de 40 ans de silence».
Le
traité d’amitié franco-algérien remis
en cause
Reste que dans cette affaire, l’enjeu ne
se situe pas seulement au niveau national. Les relations avec les
anciennes colonies sont aussi en cause. Et de ce point de vue, l’adoption
de la loi sur les rapatriés, en février dernier, a
des répercussions non négligeables. Notamment avec
l’Algérie où l’on estime que la reconnaissance
par la France des exactions commises durant la colonisation est
une condition sine qua non à la normalisation des relations
entre les deux pays.
Le Front de libération nationale (FLN) algérien,
le parti du président Bouteflika, a d’ailleurs réagi
très vivement après le rejet de la proposition socialiste
d’abroger l’article 4 de la loi sur les rapatriés.
Son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem,
a «déploré que les députés de
la majorité en France aient consacré une loi qui falsifie
l’histoire». Il a même affirmé qu’en
agissant ainsi, l’Assemblée nationale française
«a pris une lourde responsabilité pouvant remettre
en cause le processus entamé sous l’impulsion des présidents
Bouteflika et Chirac, de la difficile refondation entre l’Algérie
et la France». La signature d’un traité d’amitié
entre les deux pays avant la fin de l’année 2005,
est de moins en moins probable.
Valérie Gas
IN RFI Article publié le 02/12/2005
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