Rapatriés d'Algérie : toujours aussi difficile d'obtenir des papiers d'identité.
 
       
 
       
 
 

Au milieu de la paperasse accumulée au cours des derniers mois de conflits, Juliana François brandit son ancienne et sa nouvelle carte d'identité.
Ubuesque. C'est l'adjectif qui convient pour qualifier la situation de Juliana François. Et dénoncer les errances de l'administration. En juin dernier, cette Italienne d'origine, mariée depuis 50 ans à Fernand François, ancien artisan peintre de Calenzana, s'est rendu compte qu'elle n'était plus française.
Du moins « officiellement ». « Ma carte d'identité étant arrivée à expiration, j'ai donc demandé son renouvellement », explique-t-elle. À ses côtés, son mari a du mal à tenir en place.

 

Il bout de l'intérieur. Suivant la nouvelle procédure, la sous-préfecture de Calvi lui demande un certificat de nationalité française pour qu'elle puisse obtenir sa nouvelle carte. C'est là que les choses se compliquent.


« Je vote et paye mes impôts depuis 50 ans »


Rapatriée d'Algérie en 1962 avec son mari, elle s'adresse au registre national de l'état civil de Nantes qui gère son dossier pour obtenir le précieux certificat. Seul problème, si Fernand figure bien dans les registres, aucune trace de son épouse ! Et depuis, les vexations s'accumulent.
Sur la table de la salle à manger, les documents administratifs s'entassent par dizaines. Comme pour prouver que le couple dit vrai. « Ma femme est française depuis notre mariage en 1960, cela a toujours été spécifié sur toutes les cartes d'identité qu'elle a eues ! », s'emporte Fernand en montrant le document. « Sans compter que je vote et paye mes impôts depuis toujours », souligne-t-elle.
Mais pour cela, bien sûr, il n'a jamais été question de contester sa nationalité... Ils se tournent vers le tribunal de grande instance (TGI) de Bastia. Même son de cloche. Pas moyen d'obtenir le document.
Pire et comble du ridicule, pour créer un certificat de nationalité française, le TGI réclame l'acte de naissance du père et du grand-père de Fernand François ! Malgré sa nationalité « incontestée et incontestable ». « Mon grand-père est mort lors de la bataille de Verdun, mon père a participé au débarquement de 1944 et j'ai moi-même quatre ans de guerre d'Algérie à mon actif. Combien de générations leur faut-il ? ! », tempête-t-il brandissant sa carte d'ancien combattant.


Une situation absurde selon la sous-préfecture


« Au tribunal à Bastia, je ne savais plus quoi faire alors je leur ai dit que je m'appelais M. François, descendant de François Ier ! », lâche-t-il malgré tout avec un sourire forcé. Face à une situation jugée « absurde et injuste » par les services de la sous-préfecture de Calvi, ces derniers ont tout de même permis à Juliana François d'obtenir sa carte d'identité le 21 octobre.
La mention « nationalité française » y est bel et bien spécifiée. Mais toujours aucune trace du fameux certificat. « C'est une question d'honneur, il faut que nous obtenions ce document », affirme le couple. « Si ce n'est pas le cas, je déchirerai ma carte au tribunal de Bastia, et on ne me parlera plus de nationalité française ! », promet Fernand mimant le geste.
Une bataille qui n'aurait jamais dû être engagée pour Mme François qui tient à rester française.

Source : Ghjilormu Padovani - Corse Matin