Mais qui était Yacef Saâdi ?
J’étais adolescent quand je l’ai connu. Il avait quelques années de plus que moi et il habitait tout comme moi à Alger, lui rue Scipion-l’Africain et moi rue Jenina.
Il était déjà suivi par les services de police comme un proxénète notoire qui faisait « travailler » plusieurs prostituées dans des bordels de bas de gamme de la Casbah. Il était chargé par le FLN de rallier les truands d’Alger et d’éliminer ceux qui refusaient. Une bonne douzaine d’entre eux sont tombés sous les balles de son tueur assermenté, son bras droit Ali la Pointe.
Yacef Saâdi a été arrêté par la DST puis libéré à la condition qu’il devienne un « donneur ». Ce qu’il est devenu en livrant à la DST plusieurs dizaines de « ses frères » messalistes (membres du MNA de Messali Hadj) qui luttaient pour la même cause.
Nommé chef de la zone autonome d’Alger, il rencontre une première fois Germaine Tillon le 22 janvier 1956, lors du traquenard offert à Albert Camus par ses « amis » communistes et rive-gauchistes. Yacef Saâdi avait été chargé par le FLN d’organiser le service d’ordre de cette conférence sur la « trêve civile », à laquelle Germaine Tillon participait tout comme Ferhat Abbas, Emmanuel Roblès, Mohamed Lebjaoui et d’autres « intellectuels » partisans de l’indépendance.
Traqué par les forces de l’ordre, Yacef Saâdi demande un entretien à Germaine Tillon dans l’unique but de stopper les exécutions qui se déroulent à la prison de Barberousse à une allure accélérée. Il lui explique qu’il n’y avait jamais eu d’assassinats à l’aveugle, ni de bombes, car le FLN n’en possédait pas encore, avant 1957, et il lui promet qu’il n’y en aurait plus ensuite.
Germaine Tillon avale toutes ces couleuvres. Elle n’ignore pas cependant qu’avant cette date, Yacef Saâdi possédait toutes les bombes qui lui étaient nécessaires et qu’elles ont causé la mort de dizaines d’innocents (Milk Bar, septembre 1956 – Otomatic et Coq Hardi en janvier 1957, etc.). Elles étaient fabriquées par le « docteur » Daniel Timsit dans un appartement-laboratoire situé rue Thèbes, dans la Casbah. Ce laboratoire a été détruit par une bombe le 10 août 1956 et les explosifs que détenait Timsit ont fait s’écrouler toute la maison ; on dénombra 16 morts et 57 blessés.
Germaine Tillon adhère aux thèses du FLN (contrairement à Camus qui, au lendemain de cette conférence, ne participera jamais plus à une intervention publique sur ce sujet). Elle intervient auprès de ses amis politiques parisiens, et notamment l’autre résistante Geneviève de Gaulle-Anthonioz, son amie, et permet ainsi à plus d’une centaine de terroristes d’échapper à leur exécution.
Mais foin des promesses (il y aura des bombes mais plus de morts parmi la population, lui avait promis Saâdi !). Yacef Saâdi poursuit de plus belle ses activités terroristes : il y aura des bombes et il y aura des morts, des centaines de morts, comme le 3 juin 1957 au casino de la Corniche, près de la Pointe Pescade, avec 8 morts et 92 blessés dont de nombreux amputés, et ce jour-là, j’y étais !
Je suis persuadé que Germaine Tillon était contre tous les terrorismes, d’où qu’ils viennent, et même contre une indépendance totale. Elle ne rejetait pas totalement le colonialisme, elle estimait même que quitter le colonialisme, c’était se diriger vers la « clochardisation ».
Mais malheureusement elle n’a jamais rien compris aux thèses du FLN (auxquelles elle adhérait) qui étaient de jeter hors de l’Algérie tout ce qui n’était pas musulman… donc tous les Européens d’Algérie de quelque religion qu’ils soient !
Manuel Gomez |