Putsch 21 avril 1961, 50 ans après, Hélie de Saint Marc raconte « son » putsch d’Alger

 

Hélie de Saint Marc a été l’un des meneurs du putsch des généraux d’Alger débuté le 21 avril 1961. Il revient sur ces quatre jours qui ont changé sa vie « Quand on prend une décision en quelques minutes, sur le fil du rasoir, c’est très différent d’une analyse faire à posteriori, dans le calme ».

Cinquante ans, après le début du putsch d’Alger, Hélie de Saint Marc n’a rien oublié de ce 21 avril 1961. Installé depuis 45 ans à Lyon, à sa sortie de forteresse, cette légende de l’armée française décoré quinze fois ne regrette pourtant « rien. J’ai fait ce que je croyais devoir faire en avril 1961, j’ai payé pour cela ».
Sa décision de se lever contre le pouvoir et donc de désobéir à de Gaulle ? « ça a été unedéchirure, mais j’avais la volonté de ne pas revivre ce qui s’était passé au Vietnam.

Au final, c’est pourtant ce qui s’est passé. Je ne savais pas si notre putsch marcherait. Il y avait une angoisse. Si les Allemands avaient été vainqueurs, que dirait-on aujourd’hui de de Gaulle ? Je ne l’ai jamais rencontré et n’en ai eu qu’une connaissance livresque. L’armée française a toujours été divisée à son égard. Il a eu une prémonition extraordinaire. Quand au reste… ».
Il assure que le putsch est lié au contexte de l’époque. « L’Algérie était une guerre civile.
L’armée y était pour faire évoluer ce pays vers des structures génératrices de plus de justice et de progrès. Des Algériens poursuivaient le même but mais voulaient l’obtenir les armes à la main. D’autres voulaient l’obtenir par la négociation. On disait à l’armée « battez vous contre les rebelles, rétablissez la paix pour que l’Algérie puisse évoluer ». Et un beau jour, on s’aperçoit que le chef de l’État mène une politique qui aboutit à une conclusion totalement opposée. On ne comprenait pas. On obtient la victoire militaire, et on nous dit de laisser ce pays à nos ennemis. Nous avons eu l’impression d’être trahis, ce qui explique notre révolte militaire. ».
Hélie de Saint Marc place ce putsch comme la conclusion d’une période difficile pour l’armée française. « Pour comprendre comment un officier discipliné et loyaliste comme j’étais devient un officier rebelle, il faut se souvenir de ce qu’a vécu toute notre génération de soldats. Il y a eu l’effondrement tragique de l’armée française en 1940. Puis il y a eu l’Indochine avec la lutte pour l’évolution du Vietnam qui était nécessaire. Et l’Algérie ».
Gracié par de Gaulle en 66, Hélie de Saint Marc n’a néanmoins pas pardonné au général. « Je lui en veux toujours. Un soldat qui risque sa vie doit savoir pourquoi il se bat. On ne peut pas lui demander de mentir vis-à-vis des populations. Ce doit être un homme de vérité ».
Le Commandant Hélie Denoix de Saint Marc est né le 11 février 1922. Entré dans la Résistance à l’âge de 19 ans, il est arrêté deux ans plus tard puis déporté à Buchenwald. Il choisit la Légion après la guerre et part en Indochine en 1948. II restera très marqué par l’évacuation du poste qu’il tenait avec ses hommes à la frontière chinoise, l’ordre lui ayant été donné de laisser sur place les villageois, qui seront massacrés. Puis il sert en Algérie. En avril 1961, il rejoint le putsch des généraux, commandé par le général Challe, avec le 1 er régiment étranger de parachutistes qu’il commande par intérim. Alger tombe rapidement mais en quelques jours, la tentative de coup d’État s’enraye. Hélie de Saint Marc se constitue prisonnier et est condamné à dix ans de réclusion criminelle. Il passera cinq ans dans la prison de Tulle avant d’être gracié en 1966. Après sa libération, il s’installe à Lyon avec l’aide d’André Laroche, le président de la Fédération des déportés et commence une carrière civile dans l’industrie. Il est l’auteur de plusieurs livres et vit toujours à Lyon.