Les victimes oubliées, des attentats des lampadaires et du casino de la Corniche qui firent une vingtaine de morts et des dizaines d'handicapés à vie.

 
 

Il y a quelques semaines, monsieur Nicolas Sarkozy, présidait à Toulouse et à Montauban, les cérémonies au cours desquelles était rendu un dernier hommage aux victimes de Mohamed Merah.

Il y a cinquante cinq ans, en juin 1957, se déroulaient à Alger les obsèques des victimes des attentats des lampadaires et du casino de la Corniche qui firent une vingtaine de morts et des dizaines d'handicapés à vie.

Les organisateurs en étaient Moulay Ali et Hattab Habid Reda arrêtés, condamnés à mort puis graciés.
Ces attentats en suivaient d'autres, dont ceux du Milk bar et de l'Otomatic.
Certains étaient perpétrés par des jeunes filles. Les victimes étaient surtout des femmes et des enfants de toutes confessions. Aucune des coupables, pour la plupart arrêtées et jugées, n'a été exécutée.

Cinquante ans après le cessez le feu, ces terroristes sont célébrés en Algérie. Avec quelques bémols. Ainsi madame Louisette Ighilahriz reproche à monsieur Yacef Saadi, leur chef à tous, d'avoir, après son arrestation le 24 septembre 1957, dénoncé tous ses complices.

Yacef, de son côté, rappelle, à juste raison, la faiblesse du rôle joué par madame Ighilahriz dans son organisation, la zone autonome d'Alger. Madame Ighirahriz apprécie peu.

Mais cela est l'affaire des Algériens.

On aurait pu, en cette année 2012, espérer qu'en France, au contraire, on célébrerait solennellement la mémoire des victimes.
Ce fut et c'est toujours le silence. Pas d'office œcuménique. Pas de gerbes déposées. Rien ou presque.
Le Monde du 5 juillet nous apprend qu'en revanche, à Paris, à l'entrée de la galerie Vivienne, quatorze terroristes de 1956-57 sont « mis à l'honneur » dont Zohra Driff et quelques autres.

Et qui nous en informe ?

Madame Florence Beaugé qui s'était illustrée il y a douze ans en produisant un témoignage, d'une rare violence, de madame Ighilahriz.

J'ai affirmé, publiquement, que ce témoignage n'était qu'un tissu d'affabulations tant il contenait des contre-vérités et d'invraisemblances.

Madame Ighilahriz me cita en diffamation. Je fus relaxé après un procès en cour d'appel de Paris. A ce procès témoignait madame Florence Beaugé.
Fort imprudemment, elle produisit une attestation écrite d'un ancien parachutiste, monsieur Cloarec.
Ce n'était qu'un faux témoignage, faux et ridicule, que mes défenseurs et moi-même n'avons eu aucune peine à démonter, en nous appuyant simplement sur les états de service de l'auteur.

Le peu de sérieux mis par madame Florence Beaugé, dans le choix de ce témoin et surtout dans la vérification, même sommaire, de ses allégations, n'a pas été, du goût de la cour, si l'on se réfère aux attendus de son arrêt.

Pour en revenir aux victimes, scandaleusement oubliées, j'ai vivement apprécié, il y a quelques semaines, lors d'un colloque organisé à Marseille par l'hebdomadaire Marianne, une réplique de monsieur Bernard Henry Levy à Zohra Driff.

Je cite de mémoire : « madame, lorsqu'on a commis des attentats qui ont coûté la vie à des femmes et des enfants, on n’a aucune leçon de morale à donner ». Bernard Henry Levy rejoint ainsi Albert Camus (1957) et Robert Badinter (2005) dans leurs jugements.

Madame Florence Beaugé, de toute évidence, n'a pas le même point de vue.
Elle n'a d'ailleurs jamais un mot pour les victimes. Gageons que dans quelques années ses émules célébreront Mohamed Merah dont les victimes seront, elles, tombées dans l'oubli.

Par le Général d'Armée Maurice  SCHMITT
Grand Croix de la Légion d’Honneur Chef d'état Major des Armées 1987-1991

   
Source : N°94 de la revue Floréal (DPLV), Hiver 2012.