Ces dernières années, la France
a multiplié les gestes de bonne volonté pour faciliter
le rapprochement, comme :
- l’organisation de l’année de l’Algérie
en France en 2003 ;
- les propos et les gestes symboliques lors de visite d’état
du président Chirac en Algérie ainsi que celle de
nombreux ministres ;
- l’attribution de la légion d’honneur à
la ville d’Alger et l’invitation exceptionnelle de
M. Boutéflika au fort de Brégançon lors de
la commémoration du 60ème anniversaire du débarquement
de Provence ;
- une remise de dettes de 250 millions de dollars malgré
les dizaines de milliards de dollars de réserves accumulées
grâce au pétrole et au gaz ;
- la déclaration de l’ambassadeur de France en Algérie
contenant les excuses officielles de la France pour les massacres
perpétrés lors de la répression des émeutes
et des exactions dans le constantinois de mai 1945 en parlant
de « la tragédie inexcusable qui s'y est déroulée » ;
L’Algérie
multiplie les insultes à l’encontre de la France.
On a observé dans le même temps de la part des autorités
algériennes, une succession de déclarations hostiles
et de demandes de reconnaissance à sens unique:
- Dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale,
le président algérien au cours de sa visite d’Etat
en 2000, demande à la France sa repentance pour le fait
colonial en parlant de « la lourde dette morale des
anciennes métropoles envers leurs administrés s’avère
ineffaçable et imprescriptible » ; le lendemain
sur Antenne 2 il déclare « que les conditions
n’étaient pas encore venues pour des visites de harkis
en Algérie, car c‘est exactement comme si on demandait
à un français de la Résistance de toucher
la main d‘un collabo »,
- les manifestations de l’année de l’Algérie
en France ont occulté presque systématiquement la
présence française et à la suite, l‘Algérie
n‘a pas proposé une année de la France en
Algérie .
- Lors de la visite d’Etat de J Chirac pas le moindre geste
symbolique n‘ est venu du président algérien.
- Zohra Drif, numéro deux du sénat algérien,
au cours d’une émission d’Antenne 2 en 2003 ,
a renouvelé l’insulte de « collabo »
à égard des Harkis,
- lors de sa visite en France le 15 août 2004, M. Boutéflika
n’a pas souhaité effacer les injures précédentes
ou faire un geste sur la libre circulation des Harkis en Algérie.
La préparation d’un partenariat d’exception
n’a pas modifié l‘attitude de M Bouteflika.
Au contraire, en 2005, insultes et contrevérités
historiques se multiplient à l’approche de la signature
du traité :
- pendant la récente campagne pour le référendum
de réconciliation nationale après 15 ans de guerre
civile, les Harkis (et aussi les Pieds noirs) ont servi parfois
« de boucs émissaires ». Le président
algérien déclarait ainsi que « la réconciliation
nationale ne concerne pas l'amnistie des harkis, des pieds-noirs »
qu’il ne pouvait pas «pardonner à ceux qui
tentent de l'extérieur de s'immiscer dans les grands choix
du pays.». Saïd Barkat, ministre de l’Agriculture,
prenait le relais à Oran : « La majorité
du peuple algérien est contre la venue des harkis en Algérie.
Car ils sont des traîtres à leur pays et à
leur nation, ces vendus et vieux gradés de la honte. Quant
à leurs enfants, ils seront les bienvenues en Algérie,
à condition qu’ils reconnaissent de facto les crimes
de leurs parents »
- Le 8 mai 2005, M. Bouteflika n'a pas hésité à
franchir la ligne jaune en comparant la colonisation française
en Algérie à l'Allemagne hitlérienne, «qui
ne se souvient des fours de la honte installés par l'occupant
dans la région de Guelma ? Ces fours étaient identiques
aux fours crématoires des nazis»
- M Bouteflika attaque régulièrement la loi du 23
février 2005 de reconnaissance en faveur des rapatriés,
texte qui selon lui « représente une cécité
mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme »,
ajoutant « le colonialisme constitue l'un des plus
grands crimes contre l'humanité que l'Histoire a connus »
;
- fin août, c’est une « repentance »
en bonne et due forme que M. Bouteflika exige de la France en rappelant
« à nos amis en France, à ceux dont la conscience
est encore vive, qu'ils n'ont pas d'autre choix que de reconnaître
qu'ils ont torturé, tué, exterminé de 1830
à 1962, qu'ils ont voulu anéantir l'identité
algérienne » ;
- Le président algérien a appelé la France
« à faire son mea culpa pour les exactions commises
durant sa présence coloniale en Algérie »
et menacé « que le traité d’amitié
reste conditionné par une reconnaissance solennelle
par la France des atrocités commises de 1830 à 1962 . »
La
France courbe l’échine.
Face à cette avalanche d’agressions,
le silence des autorités françaises est étourdissant.
Le président Chirac et le gouvernement répètent
leur détermination à signer ce traité
et ne tarissent pas de déclarations apaisantes, amicales
quelles que soient les déclarations algériennes.
L’Etat français feint de ne pas entendre ces
offenses réitérées, comme anesthésié
ou hypnotisé par la chimère que semble représenter
ce projet de traité d’amitié. La règle
absolue est l’absence de réaction devant
toutes ces insultes. L’impression donnée de vouloir
ce traité à tout prix rappelle l’attitude
lors des funestes accords d’Evian. Au diable notre passé,
nos valeurs, l‘honneur de notre armée, la vérité
historique, la défense de l’honneur de nos concitoyens
Pieds Noirs et Harkis.
De ce fait les décisions importantes du gouvernement
français ces dernières années sur la
politique de reconnaissance comme la journée d’hommage
national aux Harkis et le discours prononcé par le
chef de l’Etat le 25 septembre 2001, la journée
de commémoration du 5 décembre, et les aspects
mémoire et reconnaissance de la loi du 23 février
2005, sont dévalorisés et des interrogations
resurgissent.
On avait pu s’étonner de la réaction bien
tardive et timide de l‘Elysée pour se dire « choqué »,
un mois après, par les propos du président Boutéflika
à l’égard des Harkis, tenus lors de sa
visite officielle de 2000 devant des millions de téléspectateurs
français. On peut regretter aujourd’hui le secret
et la discrétion entourant la préparation du
Mémorial de la France d’Outre-Mer à Marseille
et la lenteur de la création de la Fondation pour la
mémoire de la guerre d’Algérie .
Mais que penser de la proposition de notre ministre des affaires
étrangère de créer une commission d’historiens
français (agrées par Alger) et algériens
pour « évaluer » une loi française ?
Certes, quelques medias, des pétitionnaires de métier
ou des universitaires prisonniers de certaines idéologies
accaparent le sujet et prônent l‘auto-flagellation,
la culpabilité systématique de la France pour
tout ce qu’elle a fait avant les indépendances,
l‘occultation des victimes du terrorisme du FLN, au
mépris de l’honnêteté intellectuelle
la plus élémentaire. Est-ce une raison pour
renoncer collectivement à une vision plus conforme
à la vérité complexe de cette période
et à faire respecter nos valeurs et la mémoire
de notre pays ? C’est pourtant un enjeu capital
pour les références historiques de notre jeunesse.
Une
lâcheté diplomatique aux conséquences
lourdes pour notre pays
Les conséquences de ces silences
devant les offenses répétées ou les
déclarations négationnistes du président
algérien, c‘est d’abord une image dévalorisée
de la France et de l‘Etat dans l’esprit de
nombreux français. S’agissant de la colonisation
française en Algérie et du conflit algérien
le risque est de voir des réactions anti-harkis,
anti-pieds noirs et anti-armée se multiplier et
être admises par tous.
Comment les rapatries d’Algérie de toutes
origines, Harkis et Pieds noirs unis par une communauté
de destin tragique en 1962, qui ont payé le prix
fort pour leur double attachement à la France et
à la terre d’Algérie, ne se sentiraient-ils
pas blessés, humiliés et sacrifiés ?
Comment les anciens combattants de la guerre d’Algérie
peuvent-ils ne pas souffrir de l’image que nous
imposent les autorités algériennes sans
la moindre protestation des autorités françaises ?
Mais aussi comment les jeunes Français, quelles
que soient leurs origines, ne seraient-ils pas perturbés
par l’image odieuse de la France imposée
par l’Algérie ? Comment respecter, aimer
la France, se sentir membre de la communauté nationale,
porteur de sa mémoire et de ses valeurs si la défense
de la dignité nationale ne vient pas d’abord
des autorités françaises elles-mêmes
et de sa diplomatie ?
La
vérité et des gestes réciproques en
préalable au traité
L’amitié suppose d’abord le respect mutuel
La vérité, quelle qu’elle
soit, doit être établie objectivement de
part et d’autre de la méditerranée.
En France ce travail a commencé , en Algérie
les tabous liés à la guerre doivent être
levés et pour cela il y a lieu de reconnaître
le massacre de dizaine de milliers de Harkis et de membres
de leurs familles après le cessez-le-feu ainsi
que les assassinats ou enlèvements de milliers
de Pieds noirs. Il faut une ouverture des archives pour
que les chercheurs puissent étudier les épisodes
les plus sombres de cette guerre.
Des gestes forts d’amitié et de respect pourraient
accompagner cette amitié et cette confiance mutuelle,
comme le fait de rejoindre l’organisation de la
francophonie, ou bien la reconstruction à Alger
d’un monument aux morts pour la France lors des
deux guerres mondiales
Concernant nos compatriotes Harkis il faudrait enfin la
libre circulation pour des séjours en Algérie
et pour les familles des anciens supplétifs restées
en Algérie la suppression des mesures vexatoires
et discriminantes.
De même il doit y avoir un engagement de l’Algérie
de protéger et de participer à la restauration
des anciens cimetières français, civils
et militaires.
Conclusion
Il apparaît que les conditions
ne sont pas encore remplies pour qu’un vrai traité
d’amitié soit signé entre les deux
pays. Les étapes essentielles n’ont pas été
franchies et le risque est grand d’accroître
encore les malentendus et d’accentuer les blessures
du passé. Il semble urgent d’attendre que
des gestes réciproques et des relations apaisées
viennent rétablir la confiance et le respect mutuel.
Un traité d’amitié est particulièrement
délicat avec l’Etat algérien d’aujourd’hui
du fait du parcours de son président actuel. M.
Boutéflika était et demeure un acteur important
au sein du FLN, au pouvoir depuis l’indépendance
et responsable en 1962 après les accords d’Evian
de l‘assassinat de dizaine de milliers de civils
Harkis et Pieds noirs. Aujourd’hui les gestes de
respect, de vérité et d’amitié
sont d’autant plus nécessaires.
De plus, ne serait-il pas contraire à nos intérêts
et même désastreux pour notre image sur la
scène internationale, de privilégier un
Etat dont les autorités insultent régulièrement
la France, au détriment d’autres pays de
la zone avec lesquels notre pays doit aussi renforcer
les relations étroites et amicales qu’elle
déjà établies ?
De nouveaux accords de coopération traditionnels
peuvent préparer cette marche vers un rapprochement
durable avec l‘Algérie, mais comment cela
pourrait-il l‘être à travers d’une
part les offenses répétées de notre
partenaire algérien et d’autre part pour
la France une auto-flagellation, des gestes unilatéraux
et l’acceptation de toutes les injures .
Sinon quelle que soit la forme diplomatique du document
signé, ce ne sera qu’un marché de
dupes, comme les accords d’Evian en 1962.
Ne laissons pas l’Histoire se répéter,
ni les lâchetés diplomatiques d’aujourd’hui
empoisonner les relations franco-algériennes de
demain.
Les peuples algériens et français méritent
mieux.