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La grande marche des harkis et des pieds-noirs
Ils sont arrivés aux Invalides, dans la nuit, par la rue de Constantine…
 
       
 

Vers 22 h 30, en ce samedi 24 septembre 2011, les alentours et les pourtours de l’esplanade des Invalides sont l’objet d’un ballet de véhicules de police.
Pour les petits groupes de bobos teufeurs éparpillés et vautrés sur les pelouses ? Non. Pour surveiller l’arrivée de la dernière étape de la Grande Marche – 800 kilomètres et des poussières (et de la poussière, et du soleil, et de la pluie…) – des harkis et des pieds-noirs.

Partis en fin de soirée de Bourg-la-Reine, après une cérémonie d’hommage et de recueillement sur la tombe de Bastien-Thiry, Zohra, Hamid et une cinquantaine de personnes arrivent vers 23 h 30 à hauteur de l’Hôtel des Invalides. Par la rue Constantine, ce qui ne s’invente pas…

 
     

Drapeaux français, flambeaux dressés, le Chant des Africains et La Marseillaise repris inlassablement, le cortège de l’honneur et de la fidélité impose silence et respect aux badauds assez nombreux en cette nuit tiède. Et même, pourquoi ne pas le dire car ils furent d’une grande correction et pour quelques-uns amicaux, sympathie aux forces de police.

Une manif qui chante La Marseillaise et brandit le drapeau national, il y a longtemps
qu’ils n’ont pas vu ça…

Il y a ceux qui marchent depuis Montpellier. Zohra Benguerrah et HamidGouraï, bien sûr.
Hamid, fatigué mais légitimement fier de ce périple semé d’embûches, mais aussi de moments de grande fraternité (il y a encore des maires debout en France). Zohra, un petit visage marqué par l’épreuve mais illuminé par ce sourire qui ne la quitte jamais.
Le colonel Hamilton, largement octogénaire, qui marche depuis le début et dont l’exemple devrait interpeller ces jeunes rouleurs de mécaniques derrière leurs ordinateurs mais absents de la rue qui appartient à celui qui y descend.

Il y a ceux qui les ont rejoints en cours de route et au gré des étapes. Ceux, enfin, qui ont fait
la route avec eux depuis Bourg-la-Reine. En quelques minutes, un bivouac est improvisé.
Un clairon sonne « à la soupe ». Pour partager de la soupe effectivement (et pas du rata…), un verre de thé, un café. Inutile d’essayer de citer tous les visages amis qui sont là, j’en oublierais. Mais quand même : Nicole Ferrandis ; Claudine Dupont-Tingaud ; les Sicard, père et fils ; le fidèle Yves Sainsot ; la fille du colonel Bazin ; le solide Rabah ; Medhi, bardé d’appareils photographiques ; Louis de Condé ; une fidèle abonnée de Présent (venue de Nantes et qui a marché malgré les ans et la fatigue) ; etc.

On s’embrasse, on se congratule, on se console (« On devrait être cent fois plus nombreux… »), on s’encourage. Et on trouve le temps d’expliquer aux curieux et aux touristes étrangers le sens de cette manifestation.
Ils sont arrivés dans la nuit. Sans aucun média – sinon Présent – pour rendre compte d’une marche qui aurait dû faire la une de tous les organes de presse. Dans le noir.
Comme en 1962 quand on débarquait, dans les aéroports de la honte, les dépatriés de l’Algérie française. Comme des pauvres, des pelés, des galeux, dans ce quartier huppé qui abrite les ors et les palais des nantis qui nous gouvernent (mal). A cela près qu’ils ne demandent pas l’aumône.

Qu’ils ne demandent rien d’autre que le président Sarkozy tienne les engagements solennels
du candidat Sarkozy le 31 mars 2007.
En présence de Hamlaoui Mekachera, alors ministre délégué aux Anciens combattants, de Claude Guéant, de Chantal Jouano, de Renault Bachy.

La reconnaissance par la France du crime d’Etat du 19 mars 1962.

Dimanche matin, vers 11 heures, les marcheurs ont été accueillis par André Santini, maire d’Issy-lès-Moulineaux, et par Bernard Coll (déjà présent à Bourg-la-Reine), président de Jeune Pied-Noir et qui, malgré de graves ennuis de santé, n’est jamais aux abonnés absents. Et nous avons eu une pensée pour Pierre Dimech et Maurice Calmein, signataires d’un message
inconditionnel de soutien aux marcheurs , message auquel s’est associé Boris Kan (lui-même cloué par la maladie dans la région Lyonnaise), ancien président national du Cercle algérianiste.
Dimanche après-midi, retour aux Invalides pour le dixième anniversaire de la journée nationale « Hommage aux Harkis » présidée par le chef de l’Etat. Du solennel, du compassé, de l’officiel.
Mais cette journée a au moins le mérite d’exister. Même si, dix ans après son institution, et à la veille du cinquantième anniversaire (1962-2012) de la tragédie « la valise ou le cercueil », on attend toujours. Ils nous font marcher. Alors on a marché.
A eux, maintenant, de courir. Après nos voix.
ALAIN SANDERS
Article extrait du n° 7441 du Mardi 27 septembre 2011