Youssef Ben Brahim fut de ces Algériens qui crurent passionnément en une Algérie nouvelle, offrant les mêmes droits à tous. Né à Saïda en 1927, ce fils de marchand s'engage dans la rébellion dès 1954. Il convoie des armes, des munitions et des fonds au profit des premiers maquis de fellaghas. Il découvre aussi la vénalité des chefs du FLN, la brutalité de leur politique terroriste. Ses idéaux sont trahis.
II ne cache pas sa déception. On le dénonce. L'armée l'arrête.
Son destin bascule avec le lieutenant Georges Grillot. Bigeard lui a demandé de former à la contre insurrection des combattants musulmans, soudés par les mêmes convictions. Ben Brahim y croit La devise du "commando Georges" lui plaît : "Chasser la misère". Engagé en janvier 1959, il est nommé sergent, sous les ordres de Grillot et de Bénésis de Rotrou, auteur d'un livre remarquable sur cette unité antiguérilla qui comptera plus de 200 combattants, tous volontaires.
Aux dires de Bigeard, ce commando Georges sera « un outil terrible qui donnera le frisson à l'ennemi et se fera un nom dans toute l'Algérie ». Intelligent et charismatique, « en pointe toujours », Ben Brahim contribue à détruire le FLN dans le secteur de Saïda grâce à son expérience du terrain, sa connaissance des rebelles et de la population. Entre janvier 1959 et janvier 1961, il combat, rallie des rebelles, glane les récompenses. Nommé aspirant puis sous-lieutenant, il devient l'adjoint de Grillot.
Le 28 septembre 1959, ce « chef sensationnel » (Bigeard) est cité une première fois à l'ordre de l'Armée, décoré par le général de Gaulle. Il obtient la médaille militaire le 1er septembre 1960. Blessé grièvement le 24 janvier 1961 d'un coup de hache, ce père de huit enfants, titulaire de dix titres de guerre, est fait chevalier de la Légion d'honneur sur son lit d'hôpital.
Mars 1962 : les accords d'Évian mettent fin à l'Algérie française. Nommé lieutenant à titre fictif, Ben Brahim embarque pour la métropole. Avec quelques harkis qui ont échappé au massacre, il rejoint Sireuil (Dordogne) pour mettre en valeur un domaine agricole acheté par André Wormser, ami du commando Georges. Le FLN tentera à trois reprises de l'assassiner. Ben Brahim survivra, en éliminant neuf de ses agresseurs...
Son refus de la facilité, sa fraternité quotidienne, cet engagement et cette fidélité sans faille à la France, quelles que soient l'origine ou la confession, sont ces valeurs que l'armée de terre transmet à ses officiers. Et, sans doute aussi au-delà, à ous les jeunes en manque de repères ou d'identité.
Frédéric Pons
Source : Valeurs actuelles du 18 juin 2010 |