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Il y a quarante trois ans, le 5 juillet 1962,
plusieurs milliers d'Oranais étaient massacrés dans
les rues d'Oran le souvenir des disparus du 26 mars 1962 à
Alger manifestation à MARSEILLE. |
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Il y a quarante
trois ans, le 5 juillet 1962, plusieurs milliers d'Oranais étaient
massacrés dans les rues d'Oran pendant que l'Armée
française, sous les ordres du général français
KATZ, avait la consigne de ne pas sortir des casernes pour protéger
les Français qui en furent les victimes.
"15h15 -Je vois une longue colonne d'Européens qui
remontent la rue, plus de quatre cent. Les visages sont durs, fermés,
certains tuméfiés. La colonne est silencieuse. C'est
un spectacle poignant." C'est sur nous qu'ils tirent! |
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Eugène Féraut : Agriculteur dans la Mitidja, soixante et un ans, il disparut le 16 mai 1962.
Témoignage de sa sœur, Nelly Domard . « Faites-le vous-même « Parti d’Alger au volant de sa voiture au matin du 16 mai 1962, mon frère se rendait sur sa propriété d’Oued El-Alleug.
On ne l’a jamais retrouvé. Toutes les autorités sur place furent averties le jour même mais rien ne fut |
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entrepris, l’armée
étant consignée dans ses quartiers. La gendarmerie
nous répondit : « Si vous voulez savoir quelque chose,
faites-le vous-même. » Afin d’alerter les gouvernants
et l’opinion publique, mon mari monta une association avec
des familles de disparus. En une semaine, nous avions reçu
cinq cents dossiers mais aussi des menaces de mort qui obligèrent
certains membres à se replier en France.
Nous sommes restés sur place, gardant un espoir de libération.
Avec mon autre frère, un rendez-vous fut pris à Blida
avec un officier de l’ALN. Dans des conditions extrêmement
dangereuses, ils apprirent qu’il existait un endroit, près
de Mouzaïa-les-Mines, où étaient regroupées
des personnes enlevées : le camp de Tamesquida. Les autorités
ne firent rien pour sauver ces malheureux. Il fallait taire tout
cela qu’aucun problème ne se pose avec le nouvel Etat
algérien. |
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Marcel Astier
: Colonel en retraite âgé de soixante-quinze ans, il
disparut le 23 août 1962 entre Souma et Boufarik.
Témoignage de sa fille Geneviève.
“Une image embarrassante”
Conseiller municipal de sa ville natale de Souma pendant trente
ans puis maire pendant six ans, jusqu’en 1959, mon père
était colonel de spahis et commandeur de la Légion
d’honneur. Il avait construit en 1935 un dispensaire réputé
dans la Mitidja, la Société française de secours
aux musulmans. A l’indépendance, mes parents voulurent
garder leur place dans notre village, auprès |
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d’une population
qui leur avait accordé sa confiance pendant tant d’années.
Il donnait sans doute de la France une image embarrassante pour
le pouvoir qui se mettait en place.
Mon père, parlant l’arabe, apportait son aide aux organismes
officiels, espérant retrouver la piste de certains disparus
localisés dans deux camps, situé au Bordj Tafer entre
Souma et Bouinan, sur les premiers contreforts du Zaccar, et à
la Trappe de Tibérine, entre Mouzaïa-les-Mines et Chéréa.
Mon père connaissait l’existence de ces deux camps.
C’est pourquoi il a été enlevé, au matin
du 23 août 1962, au moment même où il venait
demander aux représentants de la France de se décider
à agir. Le seul document officiel que nous ayons est un acte
de présomption de décès, en date du 15 janvier
1965. |
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Louis
et Solange Gex : Agés de cinquante-quatre et cinquante
ans, ce couple d’agriculteurs disparut le 17 juillet
1962. Témoignage de leur fille Pierrette.
“Épargnez ma femme”
L’armée occupa la ferme de mes parents, près
d’Alger, pendant presque toute la durée de la
guerre. Mon père parlait le kabyle et l’arabe
et servit d’interprète. Il joua à fond
le plan de pacification du général de Gaulle,
notamment en créant une école et un dispensaire
à la ferme. A titre personnel, il aida les familles
martyrisées par le FLN et les veuves de maquisards
restées seules, et construisit des maisons pour les
ouvriers. Il était responsable du groupe d’autodéfense
de la ferme, rattaché hiérarchiquement à
la SAS de Béni-Amran. En l’absence du capitaine
de la SAS, il administrait le village de regroupement situé
en contrebas de la ferme.
Le 23 avril, les derniers militaires quittèrent la
ferme. Le 4 mai, les gendarmes vinrent chercher les trois
fusils de chasse de mon père. Vers le 5 juin, des camions
évacuèrent les harkis, leurs familles, les membres
du GAD et les civils qui le voulaient. Le 10 juillet, mon
père perdit tout espoir de cohabitation avec le nouveau
pouvoir : la récolte de blé fut “enlevée”
par l’ALN.
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Le 17 juillet, M.
P., gendarme, ami proche de mon père, s’entendit dire
par le chef de la brigade que mon père avait téléphoné
: « Il voulait te parler, c’était urgent…
Tu fais comme tu veux, mais tu sais qu’il nous est interdit
de sortir. » Du camp militaire français de Béni-Amran,
on entendit des rafales venant de notre ferme. Les militaires étaient
prêts à riposter mais il leur fut interdit de le faire.
Selon un témoin, mon père demanda aux assaillants
d’épargner la vie de sa femme. Ils refusèrent.
Il se défendit grâce à un pistolet mitrailleur
que lui avait laissé un officier de la SAS. Après
leur mort, un ouvrier fut contraint de creuser un trou pour enterrer
les corps de mes parents. T., un autre ouvrier qui faisait partie
des agresseurs, prit le commandement de la ferme. « On avait
dit à ton père et au capitaine que ce type était
au FLN mais ils ne nous avaient pas crus », me dira ce témoin.
J’étais à Paris lorsque j’appris l’enlèvement
de mes parents, le 19 juillet. La sœur de mon père tenta
de multiples démarches auprès des autorités
algériennes et françaises. La seule information explicite
donnée par le FLN local fut que l’enlèvement
était attribué à “des éléments
incontrôlés.” En novembre, l’état
civil déclara mes parents officiellement décédés. |
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André
Banon : Jeune agriculteur de vingt-neuf ans, au Guelta, il
disparut le 8 mai 1962. Témoignage d’Anne-Marie,
sa sœur.
“Une lettre anonyme”
Après l’assassinat de mon père en 1959,
la disparition d’un cousin militaire appelé en
1959, d’un autre cousin en 1960, de mon frère
Jean-Paul en 1961, ce fut au tour de mon frère André
de disparaître, sans doute le 8 mai 1962. Parti pour
le Guelta où il dirigeait l’exploitation familiale,
il avait fait savoir à ma mère qu’il retournerait
à Alger huit jours après. Ne voyant pas son
fils rentrer, ma mère contacta les gendarmes de Guelta
qui ne virent jamais André arriver dans ce village.
André fut aperçu la dernière fois à
Rabelais, cinquante kilomètres avant le Guelta. La
ferme avait été pillée.
Le fils d’Atman, un ouvrier agricole musulman disparu
avec André, fut relâché. Il raconta avoir
été retenu prisonnier dans une grotte, avec
des prisonniers de l’ALN, mais séparé
d’André. Deux mois plus tard, en juillet, ma
mère reçut une lettre anonyme indiquant qu’André
était vivant et localisé. |
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On lui proposa d’aller
le voir dans une grotte, mais elle craignit de tomber dans un guet-apens.
Elle resta encore à Alger un an, en quête de nouvelles.
La Croix-Rouge française et le CICR de Marseille furent alertés,
sans résultat.
De retour en France, cette veuve de fonctionnaire et mère
de huit enfants se vit bloquer la retraite de reversion qu’elle
avait pourtant perçue normalement entre 1959 et 1963. En
1966, lorsque mon frère André fut déclaré
mort, elle put de nouveau avoir accès à cette pension. |
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Georges
Santerre : Agriculteur à Ameur-el-Aïn, âgé
de vingt-huit ans, il disparut le 14 juin 1962, en laissant
une veuve, Colette, et deux enfants. Elle témoigne.
“Ni compassion, ni vengeance”
Né en 1934 dans le département d’Alger,
Georges fit son service avant de reprendre son activité
d’agriculteur en mars 1956 dans la propriété
familiale, isolée au pied de la montagne. Il parlait
et écrivait l’arabe ainsi que plusieurs dialectes
de la région. Du fait de notre éloignement,
les autorités nous avaient confié en 1956 des
armes de guerre et un poste radio, pour protéger la
famille et la population. Début avril 1962, des gardes
mobiles récupérèrent les armes, y compris
nos armes de chasse, et le poste. Drôle de moment pour
nous désarmer : l’Algérie était
en plein chaos, des bandes de pillards sévissaient
partout.
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Enlevé et porté
disparu le 14 juin 1962, mon mari venait de m’envoyer en France,
le 1er juin. C’est là que j’appris son enlèvement.
On m’assura qu’il serait libéré à
l’indépendance. Ce ne fut pas le cas. Le 21 juin, je
fus informée que Georges avait été vu au Douar
ben-Aïcha, près d’Ameur el-Aïn. Le 10 juillet,
on me signala sa présence au camp de Marengo, en bonne santé.
J’alertai les Ecoutes et l’Aurore, entrepris des démarches
auprès des autorités algériennes et françaises.
Le consul de France à Blida indiqua qu’il y avait de
fortes présomptions de décès, avant de remettre
des actes de décès, que de nombreuses familles finirent
par accepter. Le CICR, dont la mission officielle n’avait
été vraiment définie qu’à partir
de mai 1963, reconnut n’avoir pu pénétrer dans
tous les lieux de détention. En février 1968, il me
certifia n’avoir trouvé aucune trace de décès
de Georges. Quant au secrétariat d’Etat aux Affaires
algériennes… il nous demanda de garder le plus grand
secret, pour ne pas faire de vagues.
En 1962, personne ne nous attendait sur les quais de Marseille,
les autorités ne firent aucun geste. Nos morts n’ont
pas eu de sépulture. Quarante ans après, je ne demande
ni compassion ni vengeance, mais la vérité. Que sont
devenus les disparus ? Ont-ils servi d’otages ? Y a-t-il eu
des charniers ? Quel est le contenu des dossiers de la Croix-Rouge
? |
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Dépôt de gerbe
de l' association d'Oranie |
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Joseph
Belda : Agriculteur oranais, âgé de cinquante-trois
ans, il disparut le 13 septembre 1962, près de Tlemcen.
Témoignage de son fils.
“Notre mission s’arrête là”
Mon père a été enlevé entre Oued-Sebbah
et Aïn-el-Arba, dans la région de Tlemcen. Cet
enlèvement est l’un des plus tardifs, bien après
l’indépendance. L’armée et l’administration
françaises s’étaient à l’époque
repliées. Les personnes restées croyaient à
cette terre à laquelle elles étaient attachées.
Notre famille était en Algérie depuis quatre
générations. Mon père disparut à
cause de son obstination et de son amour pour ce pays. Apprécié
des Européens et des Arabes, sa disparition fut ressentie
comme un affront par la population locale, “la honte
du village.”
La disparition de mon père est un crime crapuleux,
assortie d’une intention politique. Au lendemain de
la proclamation d’indépendance, la population
algérienne du village avait invité les Français
d’Algérie à un couscous de réconciliation.
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C’est là
qu’apparurent des hommes en armes que je n’avais pas
vus jusqu’alors, des combattants de l’extérieur,
en provenance du Maroc. En Oranie la rébellion était
représentée par de petits potentats locaux.
Les Algériens étaient en pleine lutte intestine et
l’anarchie se développait, provoquant le départ
des Européens. Les liquidations dégageaient des biens
vacants, à la disposition de l’Etat algérien,
ce qui allait faciliter la nationalisation des terres en mars 1963.
Dans mes recherches, je ne reçus aucune aide du gouvernement
français, mais je possédais un élément
: le véhicule de mon père. J’ai rencontré
plusieurs fois le CICR à Oran, disant que je pouvais remonter
la filière jusqu’aux camps. Leur réponse fut
: « Ce n’est pas dans notre mission, notre mission s’arrête
au recensement. » Aujourd’hui, je voudrais simplement
localiser le corps de mon père. Quand on n’a pas pu
enterrer ses proches, le deuil ne se fait jamais. |
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Dépôt de gerbe
de l'association des anciens
de Bab el Oued. |
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Dépot de gerbe du
collectif Aixois des Rapatriés |
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