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Aix-en-Provence - Cérémonie 2016 du souvenir des victimes du 5 juillet 1962 à Oran

 

Allocution du Président du Collectif Aixois des Rapatriés
Allocution prononcée le 5 juillet 2016 au Mémorial National à Aix en Pce.

Mesdames, Messieurs (… les Autorités) chers amis, 5 juillet 1962…  Pour nous c’est encore à peine hier.
Nous avions    vécu toutes ces années de guerre qui ne disait pas son nom, dans l’espoir qu’enfin la paix allait revenir.
La paix, pour TOUS les enfants d’Algérie ; Européens et Franco-Musulmans attachés à la France.
Et la paix était là, à notre portée…
ORAN ; en ce 6 juin 1958, sur le terrain du Champ de Manœuvres, nous étions si nombreux, si heureux de témoigner notre confiance à qui vous savez … à celui qui nous disait alors :
«La France est ici ! Elle est ici pour toujours.
… Et de terminer son discours par :
« Vive Oran, ville que j'aime et que je salue, bonne, chère, grande ville française ! »
•          Mais plus la confiance est grande, plus dure est la trahison.
Espérance trahie…
En ce mois de juillet 1962, des civils se préparent eux aussi à rejoindre la Métropole dans les jours à venir.
Ils ont le cœur triste, mais ils pensent que rien ne peut leur arriver en attendant leur prochain départ : l’armée est là, garante de leur vie.
Matinée du 5 juillet : la population est excitée, mais pas encore hostile.
Et pourtant, sans que l’on ait encore à ce jour l’explication, c’est le drame.
•          On dit que l’horreur et la folie ne se racontent pas.
Ce jour là, il n’y a rien d’humainement compréhensible, d’explicable, de justifiable. Ce jour là, c’est l’explosion de la haine, de la barbarie, de la folie meurtrière, de l’assouvissement  d’instincts  sauvages  jusqu’alors  refoulés  et  que  rien  ne  vient contenir.
Il est midi : on arrête des gens qui viennent de quitter leur lieu de travail, on enlève, on embarque dans des camions, on transporte vers des lieux prémédités, on tue sans pitié. Et j’arrête-là par respect pour ces martyrs et leurs familles.
 
•          Dans les casernes de l’armée, 18 000 hommes restent l’arme au pied, et ne répondent pas aux appels à l’aide désespérés, hormis le Capitaine Croguennec, le Lieutenant Rabah Khellif et ses hommes, et quelques autres peut-être qui bravèrent aussi les ordres venus de Paris.
•          Saluons aussi ces Justes, eux aussi, Justes parmi les Justes des Nations.
Nous avons tous en mémoire les quelques photos de cette journée de mort. Encadrés par des A.T.O, ces fellaghas de la dernière heure, on y voit des hommes et des femmes, marchand vers la mort les bras levés. Ces A.T.O (Auxiliaires Temporaires Occasionnels), vont se joindre à la meute sanguinaire. C’est à celui d’entre eux qui ira le plus loin dans la folie meurtrière.


L’horreur. Ces photos respirent la peur, et ont le goût des  larmes, du sang.
Oui : l’horreur… l’effroi dans le regard de ceux qui pressentent le pire.


Celui qui à Paris, au plus haut degré de l’Etat , a laissé ses ministres donner l’ordre à l’armée de ne pas intervenir, n’a-t-il jamais un jour, vu ces photos ?

Que lui ont-elles inspiré ?

Comment oublier cette journée, même si nous ne l’avons pas vécue personnellement. Elle est ancrée à tout jamais dans notre esprit, dans nos cœurs.
Oui, nous pensons à nos compatriotes tragiquement disparus et aussi à leurs proches qui ont perdu ce jour là, un père, un fils, une fille, un frère, un mari.


On ne peut pas forcer les gens à se souvenir et à se recueillir. Soit.

Mais à ceux qui disent « … moi, j’ai tourné la page », nous répondons que le livre de ces années de larmes et de sang, est écrit pour toujours, dans nos cœurs et notre esprit.


Le Devoir de Mémoire est un des piliers de notre CIVILISATION, de notre nature d’être humain, et ce depuis la nuit des temps. Il inclût le respect des morts et de leurs sépultures, de leurs cendres, de leur souvenir.


Y renoncer, c’est renoncer aux valeurs transmises par nos parents, c’est   renoncer à nous même, c’est renoncer à l’espoir de voir vivre libres nos enfants et petits enfants dans un pays civilisé.
C’est renoncer à se souvenir d’ORADOUR sur GLANE, et à ses 642 victimes, hommes, femmes et enfants assassinés le 10 juin 1944.


ORAN : Un autre ORADOUR et des centaines de victimes. Plus de mille, c’est hélas certain. Saura-t-on jamais précisément combien de martyrs ont été tués ce jour-là ?  ORAN, ORADOUR ; des noms qui commençaient  par les  mêmes lettres, et qui s’achevèrent dans le sang et dans les larmes.
Les Français d’Algérie ont le regard qui se voile à l’évocation du nom de « Petit Lac », cette sinistre décharge où furent précipités les martyrs du 5 juillet à Oran.
 
Pas te tombes en ce « Campo de la Muerte ».
Ils sont DISPARUS. Pas de linceul, si ce n’est celui de notre mémoire.
•          Que  notre  mémoire  reste  leur  sépulture  pour  l’éternité,  et  ne devienne pas un cimetière abandonné.


L’hommage mémoriel ne doit pas être un spectacle d’accomplissement de délires scéniques ou chorégraphiques comme on l’a vu fin mai à Verdun.

Courir au milieu et même aller jusqu’à marcher sur les tombes... Il y a d’autres moyens d’expression pour prôner la paix entre les hommes.

La terre où repose un soldat est sacrée.

Les proches des Disparus du 5 juillet, le savent plus que quiconque, eux qui n’ont même pas de tombes sur lesquelles aller déposer une fleur, un baiser.
Que  dire,  que  penser  de  la  déliquescence  des  notions  de  Pays,  de  Patrie,  de
Respect. Déliquescence voulue et entretenue par nos gouvernants.


Je pense à ces Ministres de l’Education, qui se succèdent et se ressemblent, et de ceux chargés des Anciens Combattants et de la Mémoire. Quelle EDUCATION ? Quelle MEMOIRE ?




Y aura-t-il un jour un représentant de l’Etat qui ira se recueillir au Petit Lac à Oran ? J’en doute.

Laissons  là  cette  sainte  colère  et  retenons  l’Espoir  que  suscite  votre  présence
aujourd’hui.

Vous êtes venus apporter un message d’amour à ceux que nous honorons aujourd’hui, à ceux qui ont été assassinés le 5 juillet, vous êtes venus apporter un message de soutien, d’affection et de solidarité à leur famille, un message d’espoir du retour des valeurs ancestrales de notre Pays, la France.

La France de nos pères, la France de notre enfance, notre belle et grande France d’Algérie.

Victimes du 5 juillet à Oran, par delà la mer, par delà les années, on est venu aujourd’hui vous dire qu’on ne vous oublie pas.

Mesdames, messieurs, je vous remercie.

Robert PEREZ