J'ai tenu à vous  réunir aujourd'hui pour rendre hommage aux victimes civiles et aux disparus  d'Afrique du nord. Ils furent des milliers à périr d'un conflit fratricide,  durant la guerre d'Algérie comme au lendemain des accords d'Evian. Ils méritent  que l'on se souvienne de leur martyre, eux qui avaient pour seul tort d'aimer  le pays où ils avaient fait leur vie. 
                        Cet hommage  s'adresse à chacune des victimes civiles, quelle que fut leur origine, leur  religion. Car nous savons, hélas !, que le drame algérien frappa toutes les  communautés, d'origine européenne ou d'Afrique du nord. 
                        Combien d'hommes  et de femmes disparurent à jamais ?  
                        Nul ne sait  précisément quel sort leur fut réservé. Une seule certitude : leurs bourreaux  s'en prirent à eux pour ce qu'ils représentaient et non pour ce qu'ils étaient.  Ils en firent des boucs-émissaires en raison-même de leur innocence. 
                        Aussi leurs noms  devaient-ils rejoindre ceux des victimes de la rue d'Isly, tuées à Alger le 26  mars 1962, sur la colonne centrale de ce mémorial. Je m'étais engagé auprès de  vous à ce qu'ils y soient inscrits d'ici la fin du mois de février : nous  sommes le 28 et c'est désormais chose faite.  
                        C'est donc avec  une émotion particulière que nous honorons aujourd'hui leur mémoire. 
                        Il aura fallu un  important travail de recoupement pour établir la liste des disparus.  
                        Ce travail a été  conduit, deux années durant, par la Mission interministérielle aux rapatriés,  avec le soutien de la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du  ministère de la Défense.  
                        Les recherches  ont en outre été coordonnées par un groupe de travail, auquel participaient  activement des responsables d'associations de rapatriés. 
                        Vous êtes  nombreux, ici, à vous être investis dans ce travail : je tenais à vous  remercier, vous ainsi que tous ceux qui ont permis que les noms des disparus  défilent aujourd'hui devant nous. C'est un geste fort, un geste d'hommage et de  reconnaissance, qui nous tenait à cœur et que vous avez rendu possible. Par  votre engagement, par votre professionnalisme, vous avez contribué à la dignité  de notre mémoire collective. 
                        Il y va de notre  responsabilité à tous : les blessures héritées de ces pages tragiques sont  encore vives. La concurrence des mémoires continue, hélas, de raviver les  souffrances, les rancœurs et parfois les haines. Nous ne pouvons pas tolérer  que la mémoire divise.  
                        La mémoire est  le socle de notre Nation, elle doit au contraire rassembler, unifier autour de  valeurs et d'aspirations communes. 
                        C'est pourquoi  le 5 décembre a été choisi comme journée nationale d'hommage aux morts pour la  France pendant la guerre d'Algérie, les combats du Maroc et de la Tunisie :  cette date n'offense personne, elle ne blesse la mémoire de personne, et  rassemble dans un même hommage national toutes les victimes militaires et  civiles. 
                        C'est aussi  pourquoi nous veillerons, en cette année anniversaire de la fin de la guerre  d'Algérie, à ce que l'évocation des événements soit la plus équilibrée  possible, afin qu'aucune mémoire ne se sente lésée. 
                        Le drame des  disparus, comme le massacre de dizaines de milliers de harkis et de civils  innocents dans les mois qui suivirent les accords d'Evian, exigent le respect  de chacun d'entre nous. Il s'agit là d'un devoir républicain, et il n'est pas  de mémoire digne qui ne regarde en face les pages sombres de l'Histoire. 
                        C'est dans ce  même esprit que nous avons soutenu la proposition de loi du sénateur COUDERC,  qui permet de sanctionner pénalement les insultes à l'encontre des anciens  membres de formations supplétives. Je tenais à le rappeler, car cette loi a été  adoptée [pas plus tard qu'J hier, après un vote conforme du Sénat. Elle  a vocation à protéger toutes les anciens supplétifs des diffamations dont ils  pourraient être victimes. Elle participe pleinement de notre devoir à l'égard  de ces hommes et de ces femmes, vulnérables en raison-même de leur engagement  pour notre pays. 
                        Les disparus que  nous honorons aujourd'hui servaient aussi la France. Ils la servaient à leur  manière, sur ce sol algérien qu'ils chérissaient tant. Ils la servaient en  construisant ponts, routes, écoles et hôpitaux, ils la servaient en œuvrant  humblement, modestement, pour gagner et construire leur vie. Ils étaient  sincères dans leur engagement envers la France, sur le sol algérien. 
                        Nous ne devons  pas oublier ce qu'ils ont apporté à notre pays. Nous ne devons pas oublier non  plus ce qu'ils ont sacrifié à la France, eux ou leurs parents, en rejoignant  les rangs de l'armée B du maréchal de LATTRE. Non, l'immense majorité des  pieds-noirs ne se sont pas impunément enrichis sur le dos des Algériens, ils  ont simplement fait leur devoir, avec une fidélité et une dignité qui nous  honorent. 
                        Leur histoire  est notre histoire, une histoire écrite au prix du sang. Cela oblige chacun  d'entre nous. Aussi, je continuerai l'action mémorielle entreprise. Il est un  projet, je le sais, qui vous tient particulièrement à cœur : c'est la  construction d'un monument d'hommage aux Français d'Afrique du nord morts pour  la France. 
                        J'avais demandé  au président de la Mission interministérielle aux rapatriés de me communiquer  des noms pour compléter le groupe de travail en charge du dossier ; ce groupe  de travail enrichi se réunit sous ma présidence le 6 mars prochain pour un  premier point d'étape. Nous vous présenterons bientôt, j'en suis certain, des  avancées décisives sur ce projet fédérateur. 
                        Mesdames,  messieurs, 
                        Il n'est pas  d'effort superflu, ni d'énergie gaspillée lorsqu'il y va de la mémoire.  
                          C'est le premier  respect que nous devons à ceux qui ne sont plus là pour se raconter. C'est le  premier respect que nous devons à ceux qui seront à jamais meurtris dans leur  chair et dans leur cœur. 
                        Aujourd'hui, les  disparus de la guerre d'Algérie ont retrouvé la place qui leur revient dans  notre mémoire collective. Ce monument où leurs noms s'égrènent désormais est  une invitation à l'hommage, pour que chacun se rappelle ce que fut leur  martyre, et ce que fut la souffrance et le deuil de leur famille. 
                        Aujourd'hui, à  travers eux, nous nous recueillons au souvenir de toutes les victimes civiles  de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de la Tunisie. Elles payèrent  de leur vie le prix des incompréhensions et des malentendus, qui  inéluctablement mènent à la violence et à la haine. Aussi, plus que jamais,  nous devons œuvrer pour l'avènement d'une mémoire apaisée et partagée : c'est  le plus bel hommage que nous puissions leur rendre. 
                      Je vous  remercie.  |