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Enlèvements disparitions arrestations de Français d'Algérie en 1964
 
   
       

En novembre 1964 les Français, en Algérie, manquent des garanties les plus élémentaires


EXPULSIONS INJUSTIFIÉES, ARRESTATIONS SANS MOTIF CONNU DISPARITIONS : OBSTACLES MAJEURS A UNE VRAIE COOPÉRATION
Alger, 11 novembre de notre envoyé spécial permanent.


« L’ALGERIE est la porte étroite des relations de la France avec le tiers monde », déclarait récemment Mr de Broglie, secrétaire d'Etat chargé des Affaires algériennes.
Il est vrai que par certains cotés. La politique de coopération représente une réussite extraordinaire et que la persistance des rapports privilégiés entre la France puissance nantie, et l'Algérie révolutionnaire, constitue une expérience fascinante à plus d'un titre.
Mais Il reste en Algérie une colonie française importante qui se trouve privée, au fil des mois, des garanties juridique les plus élémentaires.

 
Cette situation n'affecte guère apparemment les rapports d'Etat à Etat.
Tout au plus l'effleure-t-on a Paris dans les débats parlementaires. A Alger, les autorités françaises paralysées par les impératifs de la grande politique observent à ce sujet un silence feutré.
On s'efforce de faire libérer discrètement les Français arbitrairement internés. On effectue des démarches pressantes qui sont d’ailleurs souvent couronnes de succès jusqu'à présentation de nouveaux dossiers.
Mais il faut admettre une évidence : n'importe qui peut disparaître n'importe quand en Algérie il faudra des mois pour retrouver sa trace et obtenir éventuellement sa libération.
Quant à la protection des biens elle est totalement inexistante.
La colonie française en Algérie qui est encore l'une des plus importantes dans le monde est sans doute la plus mal protégée.
Le problème de la protection des biens est probablement celui qui revient le plus souvent dans les conversation» entre Français d'Algérie. Ne parlons pas des cambriolages et des vols en régression assez sensible depuis quelques mois
Mais le nombre de ressortissants étrangers chassés de chez eux alors qu'ils occupaient régulièrement un appartement en vertu d'un titre délivré en bonne et due forme par le service des biens vacants est extraordinairement élevé.
Nous connaissons personnellement de nombreux Français qui après quelques jours de vacances, ou simplement une après-midi de promenade ont trouvé leur logement occupé en vertu de l'adage bien connu : qui va a la chasse perd sa place. Il est inutile dans ce cas d'essayer de récupérer ses affaires personnelles.
Il est également classique de voir l’arrivé une équipe de déménageurs chargés d'enlever les meubles d'un appartement bien vacant, loué meublé et régulièrement occupé
Ces squattérisassions, ces expulsions, ces portes enfoncées à coups de hache font partie de la vie quotidienne en Algérie.
Mais il y a plus grave un homme de 73 ans Mr Thon est interné depuis le début de l’été a la Maison d’arrêt de Berrouaghia.
Aucune inculpation ne lui a été signifiée et il n’a même pas été présenté à un juge d’instruction. Cinq enseignantes françaises ont été arrêtées au début de septembre en Kabylie. Trois d'entre elles sont toujours détenues, sans qu'aucune précision n'ait été fournie sur leur sort.
Un Père Blanc arrêté par la sécurité militaire a disparu depuis deux mois.
M Jean-Marie Tiné l'un des hommes les plus en vue de la colonie française à Alger, a été gardé 17 jours au secret par la sécurité militaire, avant que l'ambassade de France — au prix de quelle» concessions ? n'obtienne qu'il soit examine par des médecins.
Six ressortissants, français ont été libères la semaine dernière d'un pénitencier.
Ils ont pris le lendemain l'avion pour la France.
Ils n'avaient jamais été entendus par un Juge d'instruction.
Nous citons là un nombre limité de cas mais vérifiés dans les moindres détails.
Un nombre Important de nos ressortissants n'a pas le droit de quitter le territoire algérien, Si cette mesure draconienne peut s'expliquer dans certains cas pour des vérifications de comptabilité, ou des arrières d'impôts, on peut se demander à quel titre la caissière de l'hôtel Saint-George (nationalisé depuis le mois d’août) est refoulée depuis deux mois a l'aérodrome de Dar El Beida chaque fois qu'elle tente de prendre un avion à destination da la France.
Les services de Mr Boumaza l'avaient autorisée à partir la semaine dernière. La police aérienne des frontières, qui n'était pas au courant de cette décision, lui a barré le passage une fois de plus avant hier encore.
La mauvaise coordination entre les différents services de police algériens est très souvent à l’ origine des brimades dont sont victimes les Français d'Algérie. Il est certain d'autre part qu'un petit nombre de nos compatriotes n'a pu résister à la tentation de se mêler de» affaires intérieures algériennes.
Cela ne suffit pas à expliquer les disparations et internements administratifs qui se prolongent plusieurs mois et, dans certains cas. Les sévices dont sont victimes les détenus internés à la Bouzareah ou à la villa Poirson de sinistre réputation.
L'absence presque totale de garanties juridiques pour les citoyens français résidant en Algérie ne peut pas être considérée comme une simple bavure de la coopération. C'est un problème plus grave que ne peut suffire à masquer le flot des bonnes paroles et des « représentations » discrètes.
Yves CUAU