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Un Français d'Algérie disparu tué par le FLN : Victor Temese
 
   

Marcelle : « Dans sa lettre,il annonçait son retour »

Sur la route entre Tletat et Ain Boucif, il a probablement entendu siffler les premières balles L'une d'elle s'est logée dans son siège. Une autre, dans la porte gauche de son camion de livraison d'essence. Puis Victor Temese et son collègue Marcel Pereto ont vu au moins d'une dizaine de « rebelles » en uniforme kaki se précipiter pour les faire descendre de leurs cabines avant de se disperser, probablement en deux groupes, dans le djebel.
C'est ainsi, selon le rapport de la gendarmerie de Médéa, que l'enlèvement a dû se dérouler le 24 octobre 1956 alors que la guerre d'Algérie n'en est qu'à sa première moitié.
Sur place, ils ne retrouvent que des traces de Pataugas. Marcelle a 12 ans.
Son père est « adorable. Le dimanche, il fait le ménage pour nous laisser aller à la messe ».
Une famille modeste qui a échappé au pire : elle a quitté Orléansville avant le tremblement de terre de 1954 qui a fait 1500 morts. À Medea, la société Béryl embauche : Victor, 40 ans, ne fait pas de politique, partage le pain et la sueur avec les Arabes dont il parle la langue. Il se plaît dans un pays où sa famille a pris racine depuis quatre ou cinq générations. « Fais attention », l'implore sa femme, inquiète des tensions grandissantes. « Il ne m'arrivera rien ».

En 1956, l'insouciance n'est pas encore de l'inconscience.

 
   
 
 

Le 9 novembre, l'espoir renaît : une lettre postée de Berrouaghia, près de Médéa, signée de son père. « Je suis bien traité. Je serai bientôt de retour ». La famille de Marcel Pereto en reçoit une, tout aussi rassurante. Le style est mécanique mais qu'importe !
Marcelle, sa sœur et son frère n'ont plus qu'à attendre. En vain. « Ma mère était illettrée. Elle faisait trois ménages par jour pour nous faire vivre ». Le prix à payer pour attendre. Les lettres s'empilent. Pour la Croix-Rouge, pour De Gaulle, pour les militaires libérés par le FLN.

Les réponses sont aussi polies que vaines. Quand les accords d'Evian sont signés le 18 mars 1962, Victor est toujours porté disparu.

Alors, ils restent. En 1963, les deux enfants les plus jeunes sont mis à l'abri à Strasbourg. Jusqu'en 1965, leur mère reste dans son HLM, à Médéa, guettant son homme. Un jour, il faut partir, pour cette France « que nous ne connaissions que vaguement ».
Et faire son deuil. Ou ne pas le faire. Marcelle « ne l'a jamais fait ». Pas plus que sa mère, « déclarée officiellement veuve en      1969 ». Pour alléger leur chagrin, ceux qui ont aimé Victor Temese ont « toujours voulu parler de ce qui s'était pas passé. Pour que l'on oublie pas ».

 
 
Décompte macabre
Répartition géographique des disparus et sorts incertains :
Alger : 40,35 %;
Oran : 35,66 %;
Orléansville : 5,22 %.
Les autres secteurs 5 %.
Disparus par année :
- 13 en 1955
- 54 en 1956
- 81 en 1957
- 54 en 1958
- 35 en 1959
- 18 en 1960
- 39 en 1961
- 38 du 1er au 18 mars 1962
- 1253 les mois suivants.