Les disparitions forcées sont une combinaison de violations de plusieurs droits : droits civils juridiques, droits à la liberté et à la sécurité de la personne, droit à la vie, droit à l'intégrité physique et droits économiques, sociaux et culturels, droit à une vie de famille. C'est une violation spécifique des Droits de l'Homme.
Le 5 juillet est une date qui dérange et qui fait tache dans l'histoire conjointe de la France et de l'Algérie. Ce qui aurait du être une journée de fête pour le nouvel Etat, s'est terminée dans un bain de sang.
On ne doit pas occulter les faits, aussi atroces soient-ils, au nom d'un quelconque intérêt politique. Les disparus du 5 juillet n'ont pas été victimes d'un simple enlèvement, les motifs étaient politiques et non pas crapuleux, la journée du 5 juillet a été organisée, ce n'est pas par hasard si les enlèvements se sont multipliés de façon exponentielle après la signature des accords d'Evian. Reconnaître ses erreurs et les réparer permettraient aux États respectifs de recevoir en retour le respect de leurs concitoyens et l'on pourrait enfin regarder vers l'avenir. Malheureusement, L'Algérie et la France se complaisent dans une hypocrisie indigne, le premier en faisant l'impasse sur ses responsabilités, le second en niant des faits incontestables.
2) Le 5 novembre 2009, l'Etat attribuait à votre père la mention » Mort pour la France » puis la retirait de manière incompréhensible le 21 décembre.
Quelles raisons ont-elles étaient avancées à l'appui de cette décision scandaleuse ?
En effet, alors que l'expert de haut niveau auprès de la directrice des statuts des pensions et de la réinsertion sociale a jugé, le 5 novembre, que les circonstances du décès de mon père « résultent d'actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre et permettent l'apposition de la mention « Mort pour la France », la directrice du même service me signifiait par simple lettre, le 21 décembre 2009, que l'avis favorable m'était retiré car il était « entaché d'illégalité ». La raison invoquée? La date, uniquement : « La fin de la guerre d'Algérie » ayant été déclarée le 2 juillet, mon père, je cite « n'est pas décédé à la suite d'actes de violence constituant une suite directe défaits de guerre ». A part le fait que le 2 juillet est considéré officiellement comme la fin de la guerre d'Algérie et non plus le 19 mars, il n'en demeure pas moins que cette décision est illégale: la date de l'indépendance n'a rien à voir avec les conséquences de la guerre. Mon père et ses trois compagnons effectuaient une livraison pour le compte de l'armée française, ils étaient donc collaborateurs de cette armée. Cette armée leur a fait prendre un risque, qui leur a coûté la vie. Que faisaient donc les troupes françaises en Algérie indépendante? Peut-on la considérer comme une armée d'occupation? Pourquoi attribuer la « reconnaissance de la Nation » aux militaires français qui ont effectué un séjour de plus de 90 jours en Algérie et ce jusqu'au 1er juillet 1964?
Il y a également, rupture de l'égalité de traitement entre les victimes, en fonction de la date de leur enlèvement. C'est aussi nier le massacre des Harkis par le FLN après l'indépendance. En prenant la date de l'indépendance comme point de référence pour attribuer la mention « Mort pour la France » l'administration ajoute une condition non prévue par les textes ce qui est parfaitement illégal: c'est un excès de pouvoir, manifeste.
3) Vous avez décidez de vous battre contre cette décision. Quelles actions avez-vous engagées et quels sont vos espoirs ?
Pour toutes ces raisons, j'ai donc décidé d'assigner le ministère de la Défense devant le tribunal de Grande Instance de Nantes et devant le tribunal administratif de Nîmes pour annulation de la décision ministérielle de retrait de la mention « Mort pour la France ».
Je souhaite que l'Etat français applique strictement les dispositions de l'article L.488, alinéa 9 du Code des pensions militaires et qu'il mette fin à cette discrimination intolérable envers les enlevés/disparus d'Algérie victimes de disparitions forcées. In l’Algérianiste supplément N°130 de juin 2010 |