Ce qui aurait permis de se déchaîner contre ces nostalgiques, ces ultra, ces revanchards de l'Algérie française. Il est vrai que le site du festival était transformé en bunker, Bouchareb lui-même a constamment bénéficié de la protection de trois fonctionnaires des RG. Le coût de ces mesures de sécurité est à ajouter au scandaleux financement officiel de la pellicule. En fait, ce qui a torpillé le film de Bouchareb, c'est sa médiocrité... Mis à part Le Monde, toujours l'ami de nos ennemis s'extasiant sur une « saga enlevée », la plus grande partie des critiques (même anticolonialistes) ont exprimé leur déception devant cette soi-disant saga "romanesque" (Bouchareb dixit) inspirée des films noirs américains et même contenant deux plagiats du film de Melville L'armée des Ombres.
Bouchareb, heureusement pour nous, n'est pas Coppola ni même Pontecorvo dont La Bataille d'Alger (longtemps interdite en France) avait, malgré son parti pris, un autre souffle et se caractérisait même par un certain respect des faits historiques.
Hors la loi a été un "bide". Quel sera l'accueil de ce film projeté en France en septembre ? Est-il nécessaire de conseiller son boycottage et d'éviter de tomber dans le piège habituel : « venez le voir pour pouvoir en parler » ? Laissez ce film aux bobos, aux gogos, aux cocos, et autres idiots utiles !
De l'autre côté de la Méditerranée, il n'est pas sûr que le film rencontre le succès. Bouchareb a été beaucoup interviouvé (sans contrepartie), il s'est défendu d'avoir fait un «film politique ». Il a même évoqué « un film de gangsters ». Or ces gangsters sont des militants du FLN qui rançonnent, tuent, exploitent la prostitution.
Le rôle du maquereau étant tenu par un Jamel Debouze dont des critiques ont souligné la prestation discutable. Il y a ajouté ses pitreries ridicules sur les marches du festival avant la présentation du film.
A noter que si, du côté algérien, on ne peut ouvertement critiquer Hors la loi, il y a pour l'Algérie d'autres raisons de mécontentement à propos de ce festival. En effet, dans le film consacré à Carlos, il y a une séquence authentique. Après son "exploit" de Munich, Carlos s'était réfugié en Algérie qui lui avait accordé l'asile (mais s'en débarrassa vite ensuite). Or, sur l'aérodrome de Maison-Blanche, Carlos fut accueilli par le sire Bouteflika, alors ministre des Affaires Etrangères, qui lui remit une mallette sans doute pleine de billets, peut-être pour le remercier d'avoir libéré les otages de Munich.
Une photo fut prise au moment de la rencontre. A l'époque RIVAROL fut seul à la publier. Ensuite elle fut largement diffusée. Cela a t-il eu un rapport avec cela ? Il y eut aussi un attentat qui échoua contre notre hebdomadaire. On doute que Bouteflika, actuel président de la République algérienne dont les absences publiques alimentent sur place des rumeurs sur son état de santé et même sur son décès proche, ait apprécié cet épisode trouble de son passé.
Le film Des Dieux et des Hommes qui a reçu le Grand Prix à Cannes, alors qu'il y avait presque unanimité dans la critique pour lui décerner la palme d'Or. Le film évoque la vie des moines de Tibéhirine avant leur enlèvement et leur fin tragique, en évitant la toile de fond politique, les causes de leur exécution et la personnalité de leurs bourreaux. Le réalisateur Xavier de Beau vois a même insisté sur sa volonté de dépassionner les événements, de favoriser la réconciliation, la tolérance, le dialogue, etc. N'empêche que même si l'on ne sait pas encore tout sur le sacrifice des pauvres moines (du côté français, une enquête est en cours à partir de documents déclassifiés), il apparaît que les services algériens sont mouillés dans cet enlèvement qui a mal tourné, monté par un islamiste qu'ils manipulaient.
Les moines ont été aussi victimes de leurs illusions. On sait que Christian de Chergé avait une forte attirance pour l'islam et que la neutralité de ces moines isolés était fragile. Entre ceux qu'ils appelaient « les frères de la montagne » (les islamistes) et « les frères de la plaine » (les autres). Ce vocabulaire de "frères" engendre le malaise. On en a vu les résultats. Faut-il rappeler la menace de certains fanatiques jacobins au moment de la Grande Terreur de 1793 : « Sois mon frère ou je te tue » ? Dans la guerre civile algérienne, l'entre-deux ne pouvait durer longtemps. Il y a des responsabilités franco-algériennes dans la tragique marche à la mort des moines de Tibéhirine, précédée ou suivie de leur décapitation. Il faudra bien qu'un jour elles soient révélées.
Jean-Paul ANGELELLI.
N° 2954 - 28 MAI 2010 - RIVAROL |