Hors la loi : Rachid Bouchareb le tournage du fils d’Algériens militants du FLN

   

Abdelaziz Belkhadem Président du FLN apporte un soutien au film de Rachid Bouchareb, les Hors-la-loi, qui traite les méfaits de la colonisation. « Qui rappelle, leurs méfaits».Belkhadem aurait eu un long entretien avec le Président Bouteflika avant de téléphoner à Rachid Bouchareb, pour l’assurer de son « soutien » et de celui de « Bouteflika ». « Ce dernier se réjouirait de voir le massacre de Sétif qui avait coûté la vie à un milliers de personnes en 1945 occuper le devant de la scène et gêner les responsables français ».
L'essentiel du financement de Hors-la-loi vient de France (parmi ses financeurs, figurent France FLN vision, France 2 et France 3, Canal+, Studio Canal, Kiss Films – la société de Jamel Debbouze , la région PACA Michel Vauzelle 100.000,00 €, l'ACSE, Ciné-cinéma et le CNC). Le budget est estimé à 19,5 millions d’euros. Pour Véronique Cayla, présidente du CNC « La part française de financement est de 12 millions d'euros, dont 7 % d'aides publiques » le CNC n'ayant même pas lu le scénario; (15% du financement provient de l’Europe et 25% de l’Algérie)

   
 

Après Indigènes, Hors-la-loi un polar sur fond de guerre d’Algérie à Pigalle.

Le tournage dans les studios Carthago près de Tunis.
Mercredi 4 novembre 2009, 20 heures, Il neige , une neige artificielle. Un étrange phénomène climatique circonscrit sur un petit périmètre en périphérie de la capitale tunisienne.
Plus précisément aux studios Carthago. Une vaste zone industrielle dédiée aux tournages de films depuis sa création en 2007 par le milliardaire Tarak Ben Ammar.
Une ville dans la ville avec une magnifique église italienne et un village sicilien construits l’année dernière pour le film Baaria de Giuseppe Tornatore (Cinema Paradiso). C’est là que Rachid Bouchareb réalise son nouveau long métrage Hors la loi.

Conçu comme une suite historique d’Indigènes, Hors-la-loi conte la saga de Saïd, Abdelkader et Messaoud.
Trois frères algériens aux destins croisés pris dans la tourmente de la guerre d’Algérie. Au casting, on retrouve Roshdy Zem, Sami Bouajila et Jamel Debbouze.

"Indigènes s’arrêtait sur la libération en 1945, Hors La Loi débute en 1945 avec les manifestations de Sétif et se termine en 1962 avec l’indépendance de l’Algérie", souligne le réalisateur coiffé d’une capuche pour se protéger des flocons – en fait de la cellulose blanche à l’azote - balancés par d’énormes machines installés sur le toit d’un camion. Pour ce tournage nocturne, toute l’équipe a pris ses quartiers dans une ruelle, reconstitution fidèle d’un Nanterre des années 1950 avec ses petits commerces et son Hôtel de Police gardé par deux gendarmes en faction.

Un peu plus loin, on tombe sur un Pigalle de carte postale avec ses cabarets de strip-tease aux néons aguicheurs. " Les nus les plus osés du monde ", mais aussi des rues de Sétif ou des bidonvilles avec ses baraquements en tôle ondulée.

Ce soir, le commissariat de Nanterre va subir une attaque meurtrière menée par Messaoud (Roshdy Zem) et Abdelkader (Samy Bouajila). Les deux frères, membres de la branche armée du FLN, montent une expédition punitive pour assassiner, dans son bureau, l’inspecteur Picot, exécuteur des basses œuvres pour " La Main Rouge ", la police secrète crée pour traquer, torturer et éliminer les activistes algériens. Le ton est donné. Après le film de guerre, Rachid Bouchareb s’attaque au film de gangster avec un modèle revendiqué sans complexe: Il était une fois en Amérique. Si la dimension politique existe à travers le rappel de faits historiques
- massacre de Sétif, guerre intestine au sein du mouvement de libération algérien entre le MNA et le FLN
- elle reste en toile de fond: " J’avais fait Indigènes pour une raison bien précise: l’injustice faite aux tirailleurs maghrébins oubliés par la République. Là, je me suis un peu libéré des évènements de l’Histoire pour faire du cinéma. Hors-la-loi est un film plus sophistiqué dans la complexité de l’intrigue, dans la psychologie des personnages, dans les scènes d’action et l’ampleur du sujet", souligne Rachid Bouchareb, fils d’Algériens militants du FLN durant "la bataille de Paris".

De fait, Hors-la-loi offre une plongée dans le Pigalle interlope des années 50, montre comment les caïds maghrébins, aidés par le FLN, ont délogé les parrains corses pour prendre le contrôle du Milieu et contribuer à l’effort de guerre révolutionnaire.
Un vrai film de gangsters doté d’un budget conséquent, 19 millions d’euros avec une aide conséquente de l’Algérie (4 millions €).

La scène du soir se concentre sur la fuite des deux pistoleros, une fois le forfait commis. A l’intérieur de la gendarmerie, en haut d’un escalier, Roshdy Zem, élégant dans son costume trois pièces, répète sa chorégraphie: un flingue dans chaque main, il dévale les escaliers, fait mine de tirer sur les policiers, suivi de près par son frère Abdelkader (Sami Bouajila), avant de quitter le commissariat... Il incarne Messaoud, l’aîné de la fratrie, ancien soldat de l’Indochine hanté par les fantômes de la guerre, devenu un membre actif du FLN.

Après deux trois réglages, on joue la scène pour de vrai. "Attention, on tourne…", hurle le chef opérateur. Tous les techniciens mettent des casques autour des oreilles, les comédiens des boules quiès... ça pétarade sévère, mieux vaut protéger son ouïe des détonations… La scène dure 30 secondes. Bilan: 5 morts et des civils blessés. Elle donne un petit aperçu de la puissance de feu déployée à l’écran.
Certaines séquences de fusillade tournées en Belgique ont nécessité huit nuits de tournage pour huit minutes utiles au final. " Durant cette semaine, nous avons utilisé 7500 cartouches. Pour les deux volets du film Mesrine, nous en avions utilisé 12000 ", souligne le chef armurier sur le plateau.


Rachid Bouchareb élabore le ballet funèbre du meurtre


Le lendemain, le tournage reprend à 14 heures. Fini la neige artificielle, mais il pleut des cordes, pour de vrai. Ça tombe bien, la scène du jour doit être jouée en intérieur. Cette fois, on filme l’exécution de Picot dans son bureau par Abdelkader. Dans les couloirs du commissariat aux murs gris et décatis, une tension palpable se fait sentir. Sans doute la fatigue.
La veille, le tournage s’est terminé aux alentours de quatre heures du matin. Rachid Bouchareb et son chef opérateur se tournent les méninges pour élaborer le ballet funèbre du meurtre. Une scène complexe à filmer dans un espace réduit. Après d’ultimes réglages, place à l’action. Devancé par une caméra, Sami Bouajila arpente les couloirs du commissariat, passe devant une cellule où sont emprisonnés des Algériens aux visages tuméfiés, se dirige vers un radiateur pour récupérer l’arme cachée par une complicité interne… " Cette scène illustre parfaitement le paradoxe d’Abdelkader: un idéologue de la révolution pas très à l’aise quand il s’agit de passer à l’action", souligne Bouajila.. Démarche peu assurée, souffle court, regard inquiet…

Devant la caméra, l’acteur exprime parfaitement la peur de son personnage sur le point de commettre son premier meurtre. Une référence directe au Parrain, quand le jeune Michael Corleone (Al Pacino) doit assassiner un caïd coupable d’avoir attenté à la vie de son paternel (Don Vito Corleone, incarné par Marlon Brando). Une influence là encore revendiquée par Rachid Bouchareb, déterminé à offrir un cinéma de divertissement sans négliger l’histoire. "Je suis devenu réalisateur pour cette raison, raconter l’Histoire avec un point de vue, en réaction à l’injustice". Il projette déjà de faire une trilogie sur les relations entre le monde arabe et les Etats-Unis, prévoit un biopic sur la Black Panther Angela Davis - la diva soul Alicia Keys aurait signifié son intérêt pour le rôle. Et songe à une suite de Hors La Loi, cette fois axée sur le Marseille des années 70 et la French Connection.