"Lionnel Luca s’inquiète du contenu du film de Rachid Bouchareb, et demande à Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux Anciens combattants, de vérifier si Hors-la-loi, dont la tête d’affiche est Jamel Debbouze, mérite d’être financé par l’argent public français [à hauteur de 60% - le CNC n'ayant même pas lu le scénario] et même de faire partie de la sélection officielle du festival de Cannes. Ce dernier demande une analyse du scénario au Service historique de la Défense (SHD). Bilan : les historiens militaires dénoncent un scénario « parsemé d’erreurs et d’anachronismes» et «d’invraisemblances parfois grossières ».
Prenons, par exemple, les émeutes de Sétif, le 8 mai 1945. Le réalisateur veut faire avaler au spectateur que des Européens ont gratuitement et spontanément massacré des milliers d’Algériens. «Or, dit le SHD, c’est le contraire qui s’est produit […]. Cette version des faits est admise par tous les historiens, l’auteur commet donc une grossière erreur en montrant des Européens tirant sur des musulmans depuis leurs fenêtres. Si l’auteur souhaite évoquer le massacre de musulmans par des Européens à Sétif, il devrait situer sa scène au minimum le 9 mai, car c’est en réaction au massacre d’Européens du 8 que les Européens ont agi contre des musulmans.»
Même ignorance concernant les partis indépendantistes algériens – ce qui est tout de même un comble pour un partisan du FLN ! En page 10 du scénario, au lendemain des émeutes de Sétif, Bouchareb demande à ses acteurs de hurler « Vive le FLN ! », alors que ce parti ne sera créé que pratiquement dix ans plus tard, en 1954 ! Commentaire perplexe de l’historien du SHD, abasourdi par tant de vide : «L’auteur confond peut-être avec le PPA de Messali Hadj, dont il semble cependant ignorer l’existence»…
Même ignorance, voire malveillance, en ce qui concerne la guerre d’Indochine [...] présentée «comme une suite d’exactions perpétrées par l’armée française». Le héros du film, tirailleur nord-africain, n’aurait toujours pas, après dix-neuf ans de service, atteint un grade de sous-officier alors qu’il a notamment accompli deux séjours en Indochine. Normal, d’un certain point de vue, puisque tout le film laisse penser «qu’il aurait été abandonné par l’armée française après sa captivité». On vous épargne la revue de détails concernant les anachronismes sur le général De Gaulle que Bouchareb remet au pouvoir dès 1954, alors qu’il n’y reviendra qu’en 1958 à la suite… du putsch d’Alger ! [...]
Finalement, le général de division Gilles Robert, directeur du SHD, estime que «les nombreuses invraisemblances présentes dans le scénario montrent que la rédaction de ce dernier n’a pas été précédée par une étude historique sérieuse. Cette approximation historique rend ce film de fiction peu crédible». Le SHD «déconseille le financement public d’un tel film»."
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