Hors-la-loi » prend le conseil municipal en otage
3 Mai 2010 , un élu du conseil municipal de cannes a jeté le trouble en exigeant l'interdiction de la projection du film polémique de Rachid Bouchareb au 63e Festival de Cannes. On savait que le film risquait de faire jaser au 63e Festival de Cannes. Dix-huit jours avant sa projection en clôture de la compétition officielle le 21 mai, Hors la loi a déjà perturbé le conseil municipal hier matin. André Mayet a marqué les esprits en quittant prématurément la séance. « Les délibérations de ce conseil municipal me paraissent tellement futiles par rapport à ce que je viens de vous exposer que je préfère ne pas y participer ! » En ouverture des débats, ce conseiller municipal de la majorité UMP, subdélégué aux Anciens combattants, venait de semer le trouble en appelant à « interdire la projection » du nouveau film de Rachid Bouchareb.
Avec une partie du casting d'Indigènes qui avait déjà fait l'événement au Festival en 2006, le réalisateur retrace, dans Hors-la-loi, la guerre d'Algérie avec la volonté de « rétablir une vérité historique », a-t-il revendiqué auprès du quotidien algérien el Watan. Au travers de l'histoire de trois frères engagés au FLN, Rachid Bouchareb prend le parti des « porteurs de valises qui ont participé à aider la cause algérienne ».
« Un vomissement sur la France »
Comme le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca qui a déjà dénoncé « un film révisionniste » (Nice-Matin du 22 avril), sans l'avoir vu, André Mayet prédit « un vomissement sur la France et sur l'armée française. » Connu pour ses positions très droitières, celui qui est aussi président de la Maison des rapatriés considère que « le préfet des Alpes-Maritimes doit prendre ses responsabilités (en interdisant) la projection de ce film pour risque de trouble à l'ordre public. » À défaut, André Mayet appelle à « l'occupation des marches du Palais. »
Cette prise de position, radicale, a été applaudie par l'opposition divers-droite de Philippe Tabarot qui s'associe « bien volontiers à ces propos ». Mais elle a suscité la consternation de la chef de file socialiste Appoline Crapiz : « s'attaquer à la culture est un danger extrêmement important. Attention aux dérives ! Qu'il y ait un débat après ce film fait partie de notre démocratie. L'Algérie n'est pas un pays ennemi, mais un pays frère. »
« Pas question d'interdiction »
Le député-maire UMP lui, adopte une position médiane. Sur la forme, Bernard Brochand désapprouve son « ami » colistier qu'il avait laissé s'exprimer librement : « Pas question d'interdiction. Le préfet, comme moi, n'avons aucun pouvoir sur la sélection des films du Festival. Nous n'avons pas à nous en mêler. C'est normal dans un pays de liberté et c'est très bien comme ça. » Sur le fond, il refuse de se prononcer en attendant de voir le film, à l'occasion d'une projection spéciale qui a été « difficile à obtenir », demain à Paris. Mais s'agissant d'« une affaire très sensible » qui risque de perturber le Festival, Bernard Brochand a déjà pris les devants en intervenant auprès de l'organisation. Selon lui, aussi surprenant que cela puisse paraître, le délégué général du Festival Thierry Frémaux « a fait changer le scénario qui va maintenant plus dans le sens d'André Mayet » et le film ne représentera plus sur le tapis rouge la France, mais l'autre pays financeur d'Hors-la-loi, l'Algérie.
En contrepartie, la municipalité qui « n'interdira à personne de s'exprimer » organisera à 10 h 30 le 21 mai une cérémonie au monument aux morts. De son côté, André Mayet sonne la mobilisation. Il chapeautera ce soir à 18 heures une réunion à la Maison des rapatriés. Avec la volonté de « ne pas être débordé à droite. Pas d'extrémisme ! »
« Nul ne laissera troubler le Festival »
Dans une dépêche de l’Agence France-presse, Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes et sélectionneur des films du Festival de Cannes, s’est exprimé sur la controverse que suscite Hors-la-loi : « Si la polémique reste à la hauteur du débat d’idées, nul ne doit s’en plaindre, ni ceux qui ont produit le film, ni ceux qui s’en font
les adversaires. Dans les deux cas, que la liberté d’expression s’exerce pleinement, c’est tant mieux. Mais pour l’instant, les jugements portés sur Hors-la-loi ne concernent que le scénario, pas l’oeuvre achevée. Et je salue la sagesse du ministre de la Culture qui, n’ayant pas vu le film, ne s’est pas exprimé sur le sujet. (...) L’art ne se résume pas à échanger des mots d’amour. Il contribue aussi à visiter la grande et la petite histoire. Cannes est là pour servir le cinéma et accueillir les débats qui vont avec. Mais il est fréquent que l’on instrumentalise le Festival. C’en est presque une tradition !... Nul ne laissera le Festival être troublé outre mesure par une controverse excessive. »
fmaurice@nicematin.fr -
Fred Maurice
Nice-Matin
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