quel Français, et auxquels s'ajoutait le choix du statut personnel qui leur conservait les pratiques de leur droit coutumier; quant aux droits sociaux, mentionnons seulement qu'en 1945, les populations même les plus éloignées recevaient des cartes de ravitaillement, les mêmes pour toute la population des trois départements...ce qui a son importance dans cette affaire puisque c'est le décompte de ces cartes qui servit à établir le seul bilan sérieux de la répression. Il est de règle dans ces émissions de tirer d'un chapeau un pseudo historien à la posture intellectuelle correcte et à l'ignorance sans défaut: cette fois-ci on a eu droit à un certain Pascal Blanchard, dont le ton de procureur trahissait le fanatisme idéologique. Tous les poncifs y sont passés: l'administration est toujours « coloniale », ce qui n'a jamais été le cas à cette époque, ni en droit ni en fait, mais le terme est évidemment assassin et choisi comme tel; les milices sont dénoncées comme illégales et meurtrières, « pratique coloniale classique » alors qu'elles résultaient d'une loi républicaine de 1871, que leur rôle fut celui d'une pure dissuasion, à très peu d'exceptions près, et qu'elles n'ont pratiquement jamais existé dans les colonies; le « grand colonat » qui avait « tous les pouvoirs en Algérie » on croit rêver! Alors que l'histoire de notre province n'est qu'une longue récrimination contre la métropole qui ne laissait aucun pouvoir de décision local... Quant à l'utilisation des Sénégalais pour la répression, elle résulte évidemment d'un « système colonial classique » dressant les colonisés les uns contre les autres... M. Blanchard, qui ne connaît décidément pas son histoire, ignore que le général Duval utilisait dans l'urgence les maigres troupes disponibles sans avoir le choix... J'en passe et des pires !
Naturellement, on entend abondance de témoignages : trois Français d'Algérie (1) dont les récits tronqués ne sont retenus que pour la partie répression... puis de nombreux insurgés plus inventifs les uns que les autres, les fameux fours à chaux, inventés soixante ans après l'événement, qui appartenaient, cela va de soi, à un « riche colon »; la femme qui raconte que, lors du rassemblement de l'Aman sur une plage, après le retour du calme, des avions les bombardaient ( plus invraisemblable tu meurs! ). Et bien d'autres affabulations du même tonneau.
En revanche, pas un mot sur le caractère atroce et la sauvagerie bestiale des émeutiers, les mutilations, les viols collectifs et les tortures commis à l'encontre des malheureux Européens dont le sort est à peine évoqué.
Un seul exemple de la malhonnêteté du commentaire: présentant très fugitivement la photo du secrétaire local du PC dont les avant-bras avaient été sectionnés à la hache sur une table de café par les émeutiers, le commentateur susurre qu'il a eu les mains broyées dans la confusion... Un fâcheux accident, en somme ! L'origine de la répression est présentée dans ce singulier document par le fait que les émeutiers réclamaient
l'indépendance de leur pays... comme si les assassinats commis lors de la manifestation de Sétif comptaient pour rien dans l'action des forces de l'ordre, et que ces dernières réprimaient, en somme, un simple délit d'opinion !
En outre, à aucun moment il n'est fait mention de la fureur des émeutiers, de leur fanatisme religieux qui les pousse à la chasse aux chrétiens, ni de la nécessité de ces derniers, fils de pionniers, de s'armer pour se défendre. Aucun de ces éléments n'est pris en compte par le caricatural « historien » auteur du commentaire, manifestement incapable de saisir les rapports complexes entre les communautés, comme si toute approche sensible et humaine de l'histoire lui était étrangère : le propre du dogmatisme marxiste, et aussi la marque d'une profonde ignorance... On est loin de Taine ou de Bainville !
Prudent, le commentateur ne fournit pas le chiffre de la répression, et ne mentionne, pour les tués européens, que ceux de Sétif ville, pour les minorer. Cependant, il laisse entendre que l'armée aurait fait au moins 10000 morts, chiffre totalement invraisemblable. Il ne s'étonne pas de la présence sur les lieux d'un agent des services secrets britanniques ayant fourni des chiffres hautement fantaisistes à son ambassade, et passe sous silence les chiffres de la répression judiciaire : sur 99 condamnations à mort, seules 22 furent exécutées, et les autres condamnations furent amnistiées un an après les crimes... mais on s'indigne à chaque phrase de la « férocité » de la répression! .
Notons aussi que le film reste muet sur le fait que les populations insurgées sont exactement les mêmes qui, de nos jours, sont en rébellion constante et souvent armée contre le pouvoir du FLN. Coïncidence ?
Travestir l'Histoire, ce doit être ce qu'on appelle à France 2 une « ligne éditoriale ».
In Algérianiste N° 122 de juin 2008 - Michel Lagrot -