Film de Laurent Herbiet et de Costa-Gavras, sorti le 15 novembre 2006 et disparu des écrans (hors Paris) entre une et trois semaines plus tard.
Mais s'agit-il bien d'un film ? Ce concentré d'infamie mérite-t-il ce nom ?
Oui, hélas, puisqu'il fut projeté dans des salles de cinéma, que des acteurs ont donné vie à ses méprisables personnages et son méprisable scénario, que ses images ont été fixées sur une pellicule et que l'on a parlé de lui comme tel.
Non, au sens de l'indignité profondément « raciste » du propos. Sinon « Le juif Suss » de sinistre mémoire devrait faire partie de plein droit du fonds consultable de la cinémathèque française, et être distribué en ciné-club et sur les chaînes de télévision. .. Je me suis contraint à le voir, car je prévoyais ce qui m'attendait. C'était en novembre; j'en suis encore bouleversé.
Jamais à ma connaissance jamais nulle oeuvre, cinématographique, livre, article, reportage, documentaire, conférence, essai, n'a atteint une telle bassesse haineuse et une telle violence dans ses propos contre l'essence même de la communauté des Français d'Algérie. Il s'agit en fait d'un film gigogne, constitué d'au moins trois sous films.
Le premier narre l'enquête menée au plus haut niveau militaire à propos du mystérieux assassinat - de nos jours - d'un vieil officier supérieur ayant « sévi » en Algérie.
Dans le second, on découvre ensuite et progressivement les crimes commis par cette armée perverse, à l'encontre des honnêtes et humanistes militants de la cause FLN.
Et puis le troisième montre enfin notre communauté dans ses abjects comportements ordinaires et ses réactions bestiales face au légitime combat de ceux que nous passions notre temps à opprimer sans pitié.
Trois films donc. Des deux premiers, je n'ai rien à en dire. Peu importe les dédales et les vices sectaires d'une enquête militaire, et les terribles accusations portées contre des officiers supérieurs français à propos de l'élimination physique d'un jeune officier français devenu gêneur. Que les concernés se défendent eux-mêmes. Peu importe les longues séquences de torture physique et psychologique, systématiques et odieuses et complaisamment montrées; en fait l'unique moyen de combat d'une armée décrite comme pourrie.
Que les concernés se défendent eux-mêmes. Peu importe que le seul Pied-noir " respectable" soit l'instituteur, communiste bien sûr, qui a tout compris depuis le début, sait tout, comprend tout. Il poussera le désintéressement politique jusqu'à ne pas regretter la perte de son bras suite à l'explosion d'une bombe posée par ses amis du F.L.N.
Dans ce marécage, je ne m'égarerai pas. Ce piège tendu ne m'intéresse pas.
Je ne m'indigne que contre le sort qui nous est fait. Je ne me révolte que devant ces longues séquences, ces plans répétitifs où, es qualité, nous sommes montrés en tant que peuple, comme orgueilleux, vulgaires, ridicules, impitoyables, méchants, cons et méprisables. Rien ne nous est épargné. Ainsi nos habitudes, comportements et modes de vie deviennent-ils subtilement les preuves de notre naturelle animalité : - C'est le commissaire ( Bruno Solo, Caméra café, La vérité si je mens) se bâfrant d'olives durant ces heures de service où il met au point ses odieuses actions de répression.
- C'est l'obscène et ordinaire bassesse de ces autres qui, après un attentat, décident d'aller « se manger » un couscous, opposée à la distinction des gens « d'en face » dans la même situation.
- C'est l'imbécillité insondable de nos jeunes filles, caquetant et gloussant au milieu de cette guerre. Bêtes à un point tel que, lorsque trois d'entre elles meurent déchiquetées par une autre bombe à la terrasse d'un café réservé aux blancs, on ne peut s'empêcher de ne pouvoir ni les plaindre, ni s'apitoyer une seconde, et même d'estimer cette punition mortelle bien méritée. ..
- C'est Philippe Chevallier (du tandem comique Chevallier-Laspallès), Pied-noir visqueux exemplaire, mais il s'agit là d'un pléonasme.
Je ne me révolte que contre l'esprit profondément raciste de cette partie du film. Car nous y sommes dénoncés non pour des actes supposés, mais pour ce qu'intimement nous étions. Avilissant les choses simplement en les touchant, polluant l'air en le respirant, dégradant ces paysages merveilleux par notre seule présence. Et c'est toute une pléiade de professionnels français qui instruit et donne vie à ce terrible réquisitoire. Voilà le vrai message de ce film : ce qui nous est arrivé fut encore bien léger.
Merci à M. Charles Aznavour pour sa douteuse prestation et la caution morale que sa présence accorde à cette horreur. La cause arménienne est-elle donc si loin ?
Merci à Cécile de France pour ses larmes qui ne nous sont pas destinées. Merci à Georges Siatidis, Eric Caravaca et Philippe Chevallier pour le choix de leurs rôles et l'appréciation des scénarios proposés. Merci à M. Costa-Gavras dont le réalisateur Laurent Herbiet est le digne élève, pour m'avoir éclairé sur sa véritable nature.
Naïvement, j'avais beaucoup aimé parmi beaucoup d'autres les inoubliables « Z » et « L'aveu ». Je m'interroge désormais sur l’objectivité de ses dénonciations des régimes militaires et de ses analyses des méthodes staliniennes. J'ai désormais un doute sur l'honnêteté et l’objectivité de son oeuvre. Ce film a été tourné il y a un an, et pour sa plus grande part en Algérie (Constantine et Sétif). Matériellement et complètement pris en charge par le gouvernement de M. Bouteflika. Il a bénéficié du soutien le plus large et des plus grandes facilités (on comprend pourquoi) ; un quartier « français » y a été entièrement reconstitué et toute la figuration nécessaire fournie: (cf. sites Internet). Selon d'autres sites Internet, il paraît que plusieurs acteurs français sollicités ont refusé les rôles proposés.
C'est donc que le sens de l'honneur existe encore.
In Algérianiste Gérard Rosenzweig |