Lettre du ministre
des Affaires étrangères adressée à M.
Claude Goasguen,
Ancien ministre, député de Paris, vice-président
du groupe UMP
Paris, le 12 août 2004 20h54 CET Monsieur
le Ministre, cher Claude,
Votre lettre du 13 juillet concernant la participation du Président
algérien Abdelaziz Bouteflika aux cérémonies
commémorant le Débarquement de Provence m'est bien
parvenue. Afin d'éviter tout malentendu, je souhaite vous
faire part des éléments suivants pour vous exposer
la démarche qui préside à cette manifestation
et à l'invitation faite à des personnalités
étrangères d'y participer.
Comme vous le savez, le Président de la République
a invité à Toulon le 15 août les Chefs d'Etat
des pays d'Afrique dont les combattants ont participé au
Débarquement de Provence afin d'exprimer notre reconnaissance
envers ceux qui ont versé leur sang pour la libération
de la France et de l'Europe. Des vétérans des différents
Etats seront ainsi présents à cette manifestation
et décorés à cette occasion.
Un grand nombre de dirigeants du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest
ont accepté cette invitation. A travers eux et les anciens
combattants présents, c'est bien un hommage à la solidarité
et aux sacrifices de tous ces peuples qui sera rendu le 15 août
prochain à Toulon. Les Algériens ont à l'évidence
pleinement leur place dans cette commémoration. Les affrontements
qui ont déchiré nos deux peuples après la Seconde
guerre mondiale, dont je sais le souvenir douloureux qu'ils ont
laissé en particulier chez les Harkis, ne peuvent cependant
pas affecter la reconnaissance que la Nation éprouve à
l'égard de ces soldats venus d'Outre mer pour participer
à la libération du pays en 1944.
Dans ce contexte, il était légitime que le Président
algérien, comme les autres Chefs d'Etat concernés
par cette page de notre histoire, soit convié à cette
commémoration.
Au delà, il me paraît important, pour l'Algérie
et la France, de surmonter le passé, sans l'occulter, afin
de construire ensemble un avenir dépassionné dans
lequel nos deux peuples puissent mettre en commun tout ce qui les
unit. Cette ambition, voulue de part et d'autre au plus haut niveau,
correspond au voeu des populations française et algérienne.
Dans ce cadre, un travail de mémoire commun a été
engagé entre nos deux pays et a produit d'ores et déjà
des résultats sur des questions concrètes comme la
libre circulation des Harkis, la réhabilitation des cimetières
français en Algérie ou la duplication des actes d'état
civil des Rapatriés. Le ministère des Affaires Etrangères
a par ailleurs rendu publics le rapport du Comité international
de la Croix Rouge de 1963 sur les disparus français de la
guerre d'Algérie ainsi que la liste de ceux-ci, en liaison
avec la Mission interministérielle aux Rapatriés.
Je suis convaincu qu'une relation assainie et confiante avec l'Algérie,
qui constitue pour nous un partenaire naturel par l'histoire et
par la géographie, permettra de progresser ensemble vers
la prise en compte de notre passé commun, y compris ses pages
les plus difficiles. La grande majorité des associations
françaises concernées a salué les progrès
déjà accomplis sur cette voie.
En vous remerciant de m'avoir exposé avec franchise votre
sentiment et restant disponible pour poursuivre ce dialogue, je
vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'assurance
de mes sentiments les meilleurs.
Michel Barnier |