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André Rossfelder écrit à un Max Gallo historien un peu léger sur les pied-noirs
 
     
   
     
 
   
 

Monsieur, j'ai peine à croire ce que certains amis m'apprennent..

Apparemment, vous Jugez, que les pieds-noirs n'ont rien connu de la Seconde Guerre mondiale jusqu'en 1943 et vous imputez les 1880 morts d'Oran et Casablanca, de novembre 1942 dont 480 Américains, à " l’anti-gaullisme des Français d'Afrique du Nord". Ces assertions sont monstrueuses.

C’est ignorer notre psychologie; après la défaire de la France quand, sous le proconsulat de Weygand, l’Algérie se réarmait en espérant la revanche. Nous n'étions pas, nous des vaincus et des soumis. C'est oublier comment les Corps Francs d'Afrique sont partis dans le dur hiver 1942-1943 vers le front de Tunisie mal équipes mais sans attendre.
C'est nier la participation générale des pieds-noirs aux campagnes d'Italie, de Corse, de France et d'Allemagne, ou j'ai perdu bien des camarades (dont la plupart ont formé l'essentiel des petits cadres, sergents et aspirants, des régiments Indigènes »), C'est même oublier que les pieds-noirs formaient la moitié de la division Leclerc et de la DFL en France, ces fameuses formations « gaullistes ». Tout cela sans objection de conscience sans crosse en l’air et sans calcul politique.

 

L'ironie tragique de vos déclarations est que vous devez, connaître aussi bien que moi que, hors d'une poignée de patriotes, la Résistance française a été essentiellement un gonflage politico médiatique de l'après-guerre. Entre la soumission à l’épuration la guerre n'a duré pour 90% des Français de France que 70 jours : du 6 Juin à la libération de Paris. Ils ont laissé les Alliés et l'armée d'Afrique finir la guerre pour eux pendant qu'ils épuraient et se distribuaient les dépouilles de Vichy. Quant â nous, pauvres crétins de pieds-noirs patriotes, relisez ce que De Lattre de Tassigny écrivait à De Gaulle en décembre 1944 quand il se plaignait de « la non-participation du pays à la guerre » et la réponse de De Gaulle : « Vous en sortirez à votre gloire » Nous étions à bout de souffle et de sang et la relève ne venait pas, mais la patrie nous en serait reconnaissante ! Elle l’est pour sûr….

Une autre ironie qui échappe à beaucoup est que la seule importance que la petite France peut avoir encore dans la vie politique du monde, elle le doit à son siège et à son droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, c'est-à-dire aux combattants quelle avait pu aligner à cette époque oubliée, dont nous. La France ne méritait pas les pieds-noirs.

Andé Rossfelder
Médaille militaire
• Auteur du Onzième Commandement
(Gallimard 2001).