Cimetières en Algérie: Quatre mois avant le grand regroupement !
 
 
       
 
 
 

Les familles originaires d'Algérie disposent de quatre mois pour décider de rapatrier leurs défunts inhumés dans ce pays. Passé ce délai, une partie des sépultures françaises seront « regroupées ».
Après des années d’atermoiements, une décision a enfin été prise : la France vient de décider de regrouper 135 cimetières français d’Algérie dans 22 nécropoles des environs d’Alger. Publié au Journal officiel, l’arrêté précise que les familles « disposent à partir de ce jour de quatre mois pour faire savoir au consul général de France territorialement compétent si elles souhaitent effectuer le transfert en France, à leurs frais, des restes mortels de leurs défunts ». Une annonce qui concerne la communauté juive au premier chef.
Sur les 210 000 sépultures abandonnées par les Français à leur départ d’Algérie, on considère, en effet, qu’un peu moins d’un quart abrite les dépouilles de défunts juifs. Un chiffre largement sous-estimé, en particulier concernant la communauté juive. « Les Juifs étaient répartis dans tout le pays, jusque dans les petites communes rurales ou du sud. Dans ces endroits, les tombes ne sont recensées nulle part », explique Bernard Haddad, le président de l’association Mémoire Active d’Algérie qui se bat à bout de bras pour sauver ce qui peut encore l’être.
Les associations de rapatriés tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme face à la dégradation des cimetières français. Sur les 523 recensés en 2003, 80 % sont ainsi en mauvais état en raison du manque d'entretien, des pillages ou de l’usure du temps.

Agir vite

En mars 2003, la visite historique du président français, Jacques Chirac, en Algérie avait débouché sur la signature d’un accord bilatéral prévoyant la mise en place par la France d’un plan de sauvetage de ces cimetières. Face à l’urgence, Paris avait donc promis 1,4 million d’euros pour à la réfection des sites funéraires et le « regroupement » de 170 petits cimetières. Mais si les deux premières années, 320 000 euros avaient bien été débloqués, les crédits alloués aux trois consulats en charge de ce dossier se sont rapidement épuisés.
La récente annonce du ministère des Affaires étrangères vient donc relancer un dossier que l’on croyait au point mort. Cette fois, l’État français semble décider à agir vite. Une réunion de concertation a ainsi été organisée le 12 juillet au Quai d’Orsay en présence des organisations concernées, dont le Consistoire central, représenté par Jack-Yves Bohbot qui dirige la commission « Cimetières d’Algérie » mise en place par Joël Mergui en 2008.
Comme si l’affaire n’était déjà pas assez compliquée, la communauté juive est confrontée aux restrictions imposées par la hala'ha en matière de respect des morts.
« Non au regroupement systématique »
Les transferts et regroupements de sépultures doivent se faire en présence d’un Juif qui s’assure qu’aucun ossement n’est oublié ou mélangé à ceux des non-Juifs. Une opération à laquelle a déjà participé Bernard Haddad, en 2009, à l’occasion du transfert de trois tombes juives du cimetière de Sedrata. « L’un des problèmes, en plus des difficultés pour se rendre en Algérie, c’est que les tombes juives sont souvent mêlées aux chrétiennes et qu’elles sont difficilement différenciables lorsqu’elles sont dégradées ». Le mois dernier, il était d’ailleurs encore en Algérie, où il a pu constater que le cimetière juif d’Annaba (Bône) est « très bien entretenu », grâce aux efforts du consulat local. Une quasi-exception, puisqu’à Alger, par exemple, seul le cimetière de Saint-Eugène est préservé, contrairement à la trentaine de cimetières de la capitale et de ses environs qui ressemblent désormais à des champs dévastés.
« Dans ces conditions, le regroupement des tombes dans des ossuaires juifs est peut-être un moindre mal, en particulier pour les cimetières isolés », confirme Jack-Yves Bohbot, à l’issue de la réunion au Quai d’Orsay. « Dans tous les cas, notre priorité est le respect de la hala'ha. Sur ce point, nos interlocuteurs au ministère des Affaires étrangères sont conscients de nos impératifs religieux ». Un point qui sera à nouveau abordé en septembre à l’occasion d’une visite au Consistoire central du sous-directeur des Français à l’étranger. « La règle des
regroupements systématiques nous inquiète beaucoup », confie Joël Mergui, le président des Consistoires. « Il faut d’abord discuter cimetière par cimetière. Une fois que l’état des lieux sera bien établi, nous aiderons les personnes concernées à choisir entre les différentes options ».
Avant ce grand « déménagement » certaines familles désireront en effet peut-être rapatrier les ossements de leurs défunts pour les faire enterrer en France ou en Israël. L’opération se fera à leur frais. Mais le Consistoire central s’est engagé à leur apporter le soutien administratif nécessaire. À la rentrée, une campagne de communication sera ainsi lancée pour alerter la communauté des conditions dans lesquelles les familles peuvent agir.
Par Serge Golan
No 178 20 juillet 2011, Monde Juif.