Pour manger des brochettes façon Algérie 1962 un arrêt obligatoire à Sète

 
         
 
 

Les brochettes, une tradition sétoise !
On entend déjà les puristes et autres défenseurs de la tielle et de la macaronade s’insurger.
Et pourtant, il fut un temps, où la tielle avait chaud au poulpe ! L’époque où Pacheco avait débarqué à Sète en provenance de son Algérie natale. C’était en 1962. Année qui, du coup, marque le départ de la folie des brochettes à Sète. Pacheco s’installe alors dans un petit cabanon attenant au Bar du Vieux-Port. Une deuxième figure, Angelo, également d’origine pied noire, occupera le kiosque du quai, toujours aux abords de la criée.

 

Le dimanche, les Sétois font la queue devant ces stands de fortune. En semaine, les pêcheurs de retour de la mer constituent d’immenses files d’attente. La communauté pied noire de la région se déplace même jusqu’à Sète pour savourer ces brochettes préparées “comme au pays”. Un pied noir, faut-il le rappeler, ne conçoit pas de réunions d’amis au soleil, sans brochettes. Elles font partie des rites de l’été. Quasiment inscrites dans l’ADN des exilés. Le succès des brochettes de Pacheco et d’Angelo n’échappe à personne. Et fait même des jaloux.
"J’ose le dire, Angelo m’a volé la clientèle. Quand Pacheco est parti, le jour même de sa fermeture, il a envoyé toute sa clientèle chez Angelo.

             
   
On n’avait plus personne…" s’agace encore aujourd’hui Michel Pautrat, patron du Bar du Vieux-Port et du Grilladin Cettois. " Pacheco a travaillé 10 ans dans son cabanon attenant à mon bar. Mais les pieds noirs sont allés chez un autre pied noir, c’est comme ça." Michel Pautrat ne baisse pourtant pas les bras. Depuis 15 ans maintenant au Grilladin Cettois, il continue à faire des brochettes, "avec de la viande coupée en tous petits morceaux comme le faisait Pacheco. Et puis, j’essaie de garder le folklore de cette époque. Je sers encore les piques dans des assiettes en carton. Tant que je serai là, je continuerai dans cet esprit. Les brochettes, c’est pas du “select” comme à la Ressource à la Corniche. Ils nous ont pris beaucoup de clientèle aussi…"
 
   

À la “façon Angelo”

C’est en effet peu de dire que Pacheco et Angelo ont fait des petits. On en compte aujourd’hui encore une dizaine à Sète. Près de la criée, au Aqui Sian Ben, on y propose même des brochettes “façon Angelo”. C’est son épouse Danielle que l’on retrouve d’ailleurs en cuisine le soir. Parmi les resto-brochettes qui se sont inscrits dans le paysage sétois ces quinze dernières années, on compte également le bar du Passage à La Pointe Courte, La Marine sur le quai Durand (longtemps marqué par l’art grilladin de Raymond Janin), le Social au Quartier Haut, le Nautic sur le quai Aspirant-Herber, L’Endroit aux Pierres Blanches et depuis trois ans, le Petit Mousse à la Corniche, hôtel-restaurant depuis 1958.
Là encore, une histoire de famille de pieds-noirs : les Leonardon. Le grand-père Orlando connaissait évidemment Pacheco. Ils allaient ensemble acheter de la viande. Aujourd’hui, Bernard, le fils Leonardon, est aux commandes avec femme et fiston.
Une fois de plus, le bouche à oreille entre pieds noirs fonctionne malgré la situation excentrée du Petit Mousse. À 3 euros la pique, quelle que soit la viande (et même l’espadon !), l’endroit ne désemplit pas. "Je mets une sauce piquante sur les brochettes qui fait ressortir les arômes.

Sa composition ? C’est un secret !" Bernard Leonardon fait aujourd’hui 80 % de sa recette avec cette spécialité de bouts de viande et autres gambas embrochées.
Si les brochettes de Sète ont perdu leurs figures tutélaires, elles ont parfois oublié la qualité… Sans compter les prix qui jouent littéralement à saute-mouton passant de 2,90 € à 5 € la pique selon la viande. Pour le poisson, on est, au Nautic par exemple, à 12€ les deux piques avec accompagnement. Excepté quelques adresses, la brochette fonctionne toujours très bien. Le petit bon de commande avec viandes à cocher soi-même fait toujours recette. Mais trop de brochettes ne tuent-elles pas l’art de la brochette ? Et de nombreux restaurateurs, sous couvert d’anonymat, de critiquer la mauvaise qualité des produits des uns et des autres. De bonne guerre.

Rares sont les villes en France à avoir su faire perdurer cette tradition durant plus de cinquante ans.

       
Source : http://www.midilibre.fr/2013/08/01/trop-de-brochettes-a-sete,741123.php