Et l'on découvre un drapeau français, de belle taille: 1,80 m par 2,80 m. M. Moreno l'a récupéré voici une dizaine d'années: "C'était le pavillon du paquebot Ville d'Oran, construit dans les années trente, et qui assurait la liaison entre Marseille et l'Afrique du Nord. Je le tiens de l'ancien patron de Michelin-Tunisie, qui s'appelait M. Dordron- Deleuze, et qui était devenu un ami."
Lorsqu'ils se sont connus, ils étaient tous deux présidents de deux associations aixoises de rapatriés: ceux de Tunisie pour M. Dordron-Deleuze, ceux d'Oran pour M.Moreno.
"Lui-même tenait le drapeau de son cousin, qui avait été le dernier commissaire de bord du paquebot. Un jour, il me l'a offert, en disant qu'il ne pouvait le donner qu'à un Oranais…"
Amédée Moreno a apprécié ce cadeau à sa juste valeur: car ce navire, construit dans les chantiers navals de La Ciotat, à l'imitation du paquebot Ville d'Alger, et entré en service en 1936, a un passé. À la déclaration de guerre, en 1939, il est transformé en croiseur auxiliaire de la Marine nationale. Il patrouille en Méditerranée, est touché par une bombe d'avion en Norvège, transfère l'or de la Banque de France vers l'Afrique.
En 1943, réarmé par les Américains, il participe aux débarquements de Sicile et d'Italie. À l'issue du conflit, il reprend son service sur les lignes d'Afrique du Nord. Amédée Moreno s'en souvient bien. Il l'a souvent vu dans le port d'Oran, et l'a même pris quelquefois: "Ce paquebot était un des fleurons de la Compagnie générale transatlantique. Il y avait à la fois un esprit convivial, et du personnel stylé." La perte de l'Algérie et de l'Afrique du Nord en général sonne le glas pour ce type de navire. En 1965, le Ville d'Oran est vendu à un armateur grec, rebaptisé Mount Olympos, puis Olympos. Mais il semble qu'il n'ait plus jamais repris la mer, sinon pour être envoyé à Trieste... et y être démantelé en 1970.
Triste fin pour ce "fleuron de la Transatlantique". Il n'en reste plus, aujourd'hui, que son drapeau...
Paul-Henry Fleur |