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C'est pourtant ce
jour-là que, pour la première fois depuis les événements
de la Commune de Paris, en 1870, une foule française a été
mitraillée par ses propres soldats, sur ordre du sommet de
l'État.
L'affaire se situe une semaine après les accords d'Évian
qui, en même temps qu'ils consacrent l'abandon des trois départements
français d'Algérie au seul F.L.N., sont censés
mettre fin aux violences (attentats, meurtres et combats) des sept
dernières années. Depuis quatre jours, c'est tout
le contraire qui se produit : le quartier populaire de Bab el Oued
est l'objet d'un blocus impitoyable des « forces de l'ordre
», accompagné de ratissage en règle avec appui
aérien et blindé. Plusieurs milliers d'Algérois,
alertés par le « téléphone arabe »
et obéissant à un élan de solidarité
envers leurs concitoyens assiégés et privés
de tout, se sont rassemblés sur le Plateau des Glières
qui s'étend devant la Grande Poste, pour une marche pacifique
sur Bab el Oued. Hélas pour eux, les autorités civiles
et militaires du moment ont décidé de briser la manifestation
par tous les moyens, « y compris le feu des armes ».
Et de fait, c'est un véritable dispositif de guerre qui a
été mis en place contre les civils désarmés
: gendarmes, C.R.S., troupe du contingent, mais également
plusieurs compagnies du 4e Régiment de tirailleurs, rameutées
du bled pour tenir le centre d'Alger, en dépit de leur inaptitude
à ce type de mission. Leur effectif se compose maloritairement
de soldats musulmans qu'on sait inquiets et désorientés
par l'évolution des événements et, de ce fait,
« travaillés » de près par la propagande
F.L.N. Leur présence armée, face à la foule,
fait présager le pire et, en effet, le pire se produit. Après
quelques minutes de confrontation tendue, le feu (F.M., P.M. et
fusils) se déclenche à partir de leur barrage de la
rue d'Isly, et, dix minutes durant, fera un carnage dans la foule
algéroise : plus de 80 morts et de 200 blessés. Les
morts seront « confisqués » pour être enterrés
à la sauvette, les meurtriers décorés, l'enquête
bâclée en quelques jours. Et le voile de la raison
d'État retombera pour toujours sur le drame.
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