|
Elle
est partie seule pour porter secours aux gens de Bab el Oued.
Elle a été tuée à bout portant,
d'une balle dans la poitrine.
Ma tante était veuve.
Elle était directrice d'école primaire et retraitée
de l'Éducation nationale. Elle avait 65 ans.
Elle est partie seule à la manifestation pour porter
secours aux gens de Bab el Oued.
Moi, j'étais instituteur à El Golea. C'est mon
père qui m'a raconté et je ne sais plus qui
l'a averti.
Après des recherches angoissées, le corps de
ma tante fut retrouvé à la morgue de l'hôpital
de Mustapha. Son corps était nu. On a fini par le retrouver
au milieu d'autres corps, également nus, empilés
les uns sur les autres.
Mon père a reconnu sa soeur à la couleur et
à l'abondance de ses cheveux. Elle avait une chevelure
très blanche, très épaisse.
Elle a été tuée à bout portant,
d'une balle dans la poitrine.
Nous avons su qu'elle s'était réfugiée,
avec d'autres, dans une entrée d'immeuble, avenue Pasteur.
Elle a été tuée délibérément,
alors qu'elle se croyait en sûreté.
Mon père a été très marqué
par cette mort tragique. Il n'en a plus jamais parlé.
Cela faisait trop mal. Il est resté secret, enfermé
sur lui-même.
Nous avons respecté son silence.
Jacques BERTHON
|
|