Tuerie rue Isly du 26 mars 1962 à Alger
« MA TANTE A ÉTÉ TUÉE DÉLIBÉRÉMENT À BOUT PORTANT »
 
     
 



 
     

Elle est partie seule pour porter secours aux gens de Bab el Oued.
Elle a été tuée à bout portant, d'une balle dans la poitrine.

Ma tante était veuve. Elle était directrice d'école primaire et retraitée de l'Éducation nationale. Elle avait 65 ans.
Elle est partie seule à la manifestation pour porter secours aux gens de Bab el Oued.
Moi, j'étais instituteur à El Golea. C'est mon père qui m'a raconté et je ne sais plus qui l'a averti.
Après des recherches angoissées, le corps de ma tante fut retrouvé à la morgue de l'hôpital de Mustapha. Son corps était nu. On a fini par le retrouver au milieu d'autres corps, également nus, empilés les uns sur les autres.
Mon père a reconnu sa soeur à la couleur et à l'abondance de ses cheveux. Elle avait une chevelure très blanche, très épaisse.
Elle a été tuée à bout portant, d'une balle dans la poitrine.
Nous avons su qu'elle s'était réfugiée, avec d'autres, dans une entrée d'immeuble, avenue Pasteur. Elle a été tuée délibérément, alors qu'elle se croyait en sûreté.
Mon père a été très marqué par cette mort tragique. Il n'en a plus jamais parlé. Cela faisait trop mal. Il est resté secret, enfermé sur lui-même.
Nous avons respecté son silence.
Jacques BERTHON