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Henriette
COURAUD
dans l'après-midi, on frappa à ma porte pour
m'apporter l'atroce nouvelle : mon mari avait été
grièvement blessé.
Je travaillais à l'E.G.A d'Alger.
Mon mari, Jacques Couraud, travaillait pour la Compagnie française
des Pétroles à Hassi Messaoud. C'était
un plongeur passionné et compétent. Ce 26 mars
1962 il était chez nous à Alger, rue Burdeau,
car c'était sa semaine de récupération.
II décida de se rendre à la manifestation pacifique
pour la levée du siège de Bab el Oued, mais
s'opposa à ce que je l'accompagne, à cause des
enfants.
Soudain, un moment plus tard, j'entendis des coups de feu
qui venaient du bas de la rue
Michelet, des fusils-mitrailleurs... Une fusillade venait
d'éclater. Elle dura pendant des minutes qui me parurent
une éternité. Paralysée de peur, je n'osai
sortir, malgré l'inquiétude que j'éprouvais
pour mon mari. Je ne pouvais laisser les enfants qui avaient
alors 5 et 7 ans. Puis plus tard, dans l'après-midi,
on frappa à ma porte pour m'apporter l'atroce nouvelle
: mon mari avait été grièvement
blessé.
Un spectacle affreux m'attendait à la clinique Lavernhe.
Le hall était couvert de linges ensanglantés.
II y en avait partout. Mon mari était dans une chambre,
il avait le foie éclaté d'une balle qu'il avait
reçue dans le dos. Il m'a appris que lorsque la
fusillade éclata, il était dans la rue d'Isly
et il a couru s'abriter dans le hall d'un immeuble, près
de la pharmacie du Soleil, à la hauteur de la rue Chanzy.
C'est à ce moment, qu'il a entendu une femme hurler.
Elle venait d'être touchée et appelait à
l'aide. Mon mari s'est aussitôt précipité
dans la rue pour l'amener dans le hall, à l'abri. Mais
une balle l'atteignit et lui transperça le foie.
Il a mis deux mois pour mourir. Nuit et jour, je ne l'ai pas
quitté. J'avais un petit lit à côté
du sien et on m'avait appris les soins à lui prodiguer.
Il a gardé sa lucidité jusqu'à la fin
bien qu'il soit devenu très affaibli. Il
m'a toujours dit que ce sont les tirailleurs musulmans qui
ont tiré mais ce sont les Français qui ont donné
l'ordre.
Henriette COURAUD (ancienne employée d'EGA)
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