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"Simone
Gautier épouse d'une victime ,
« JE ME SUIS MISE À MOURIR »...
« ...J'ai passé l'après-midi
avec les enfants et je n'ai pas écouté la radio.
Et puis, le soir est venu avec le couvre-feu. Philippe ne
rentrait pas.
J'ai téléphoné à mon père,
lui disant que Philippe n'était toujours pas là,
S'était-il passé quelque chose ? Mon père
a poussé un cri, je crois, me disant qu'il allait le
chercher, qu'il devait être pris dans les différents
couvre-feu...
« Au matin, les enfants déjeunaient et mon père
est passé devant la fenêtre de la cuisine...
Alors j'ai compris. Il me semble que je tombe... les enfants
crient... et puis je ne me souviens plus... sauf que j'entre
dans l'hôpital de Mustapha et là une autre moi
se met à hurler, que j'entendais de loin et qui m'assourdissait
pourtant. La douleur naissait au creux du ventre, montait
en s'irradiant, arrivait dans ma poitrine comme une brûlure
intolérable et le hurlement s'échappait tout
seul de ma gorge avec mon souffle. J'ai couru m'enfermer dans
le service du docteur Sutter, chez qui j'avais fait un stage.
Je ne me souviens plus combien de temps je suis restée
là à hurler.
« Et puis on est venu me chercher pour m'amener
dans une grande salle où des corps, tous nus, étaient
allongés en vrac, par terre. Il fallait passer par-dessus,
c'était un spectacle effroyable, tous ces corps mutilés
entortillés de bandages au milieu desquels je le cherchais.
Philippe était habillé et il était allongé
sur une table. Il avait un gros pansement sur le côté
de la tête. Il nétait pas défiguré,
il était lui. Je me suis jetée sur lui alors
que tout s'en allait de moi. Je me suis mise à mourir...
« J'ai dû passer l'après-midi avec lui,
le serrant dans mes bras, l'embrassant. Et puis on m'a arrachée
de lui. Et puis je ne sais plus... »
Simone GAUTIER-RAMOS
Conseillère d'orientation psychologue ; directrice
C.I.O. Éducation nationale. |
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