Les victimes du 26 mars 1962 rue d'isly Alger sont enterrées CLANDESTINEMENT
 
     
 



 
 
Marguerite Griffe

"PAPA COMME BEAUCOUP D'AUTRES,
A ÉTÉ ENTERRÉ CLANDESTINEMENT "

En février 1962, mon mari, adjudant dans l'armée de Terre, est muté en France, à Hyères. Nous quittons donc l'Algérie pour la France, avec notre petit garçon de 3 ans. Le 26 mars 62, nous recevons un télégramme d'Alger, signé d'une de mes soeurs qui nous annonce que papa, âgé de 74 ans, vient d'être abattu, rue d'Isly.
Mon mari demande aussitôt une permission spéciale, et le lendemain nous nous envolons de Toulouse pour Alger, afin de participer aux obsèques.
Papa, lui, se rendait à la grande Poste d'Alger pour verser de l'argent sur le livret de mon frère. C'est sûrement en quittant la poste et au moment où il se dirigeait vers le tramway pour rentrer chez nous à Hussein Dey, que papa a été tué. Il a reçu une balle en plein coeur.
A la maison, tous les miens savaient ce qu'il s'était passé à la Grande Poste d'Alger. Un communiqué spécial l'avait annoncé à la radio. Aussi, ne voyant pas papa rentrer, ma mère, terriblement inquiète, a envoyé mes soeurs à sa recherche. Papa n'était dans aucun hôpital. Et, le lendemain, jour de mon arrivée, lorsque nous nous sommes tous rendus en dernier lieu à la morgue de Mustapha afin d'embrasser mon père une dernière fois, nous avons eu un choc : la morgue avait été vidée de ses cadavres en pleine nuit par l'armée française. Papa, comme beaucoup d'autres victimes, avait été enterré clandestinement.
Nous avons dû rentrer en France, mon mari et moi. Eprouvée par ce terrible malheur, je suis repartie, la mort dans l'âme. Sans même avoir pu embrasser mon père, une dernière fois.
Marguerite GRIFFE