23 arguments contre la commémoration du 19 mars
Par Jean-Claude TERRASSE, Ancien combattant de la 1ère armée du général de Lattre (1944-45), d'Indochine et d'Algérie
1. Le 19 mars 1962, la manchette de la "une" du quotidien L'Humanité, organe du Parti communiste français (PCF) titrait : "Une grande victoire pour la paix : cessez-le-feu en Algérie ". Le Front de libération nationale (FLN) en profitait, après cette date, pour massacrer impunément des milliers de Français, notamment musulmans, en-reniant tous ses engagements pris à Evian la veille.
2. Le 31 octobre 1954, veille du déclenchement de la rébellion en Algérie, présence de deux membres importants du PCF, Benoît Frachon, également secrétaire général de la CGT, et M. Dufreche, à une réunion dans le local d'un syndicat à Mustapha (banlieue d'Alger), présidée par Krim Belkacem, négociateur à Evian, assisté de Ouamrane (ex-sergent du 1er régiment de tirailleurs algériens), tous deux Kabyles et plusieurs fois condamnés à mort, ainsi que Amar Ouezzegane, ancien premier secrétaire du Parti communiste algérien. C'est au cours de cette réunion que fut décidée l'insurrection pour la Toussaint, le 1er novembre 1954.
3. Le 4 avril 1956, désertion de l'aspirant Maillot, rappelé alors qu'il travaillait au journal Alger républicain, membre du parti communiste rejoignant le maquis rouge, après avoir emporté de l'ERM (arsenal) d'Alger un camion militaire chargé de 268 armes individuelles avec un important lot de munitions et retrouvé vide dans la forêt de Bainem, à une dizaine de kilomètres à l'ouest d'Alger. Ultérieurement, lors d'une opération de ratissage effectuée par nos troupes, l'aspirant Maillot, accompagné de son ami révolutionnaire Laban, a été tué.
4. Le 18 mai 1956, l'embuscade meurtrière en matinée dans les gorges de Palestro, par un commando zonal du FLN, équipé d'armes et de munitions provenant du stock volé par l'aspirant Maillot, fait 18 tués parmi les appelés du 2éme bataillon du 9 eme Régiment d'infanterie coloniale (RIC). Ils sont odieusement mutilés (yeux crevés, corps vidés de leurs entrailles, testicules coupés, pieds zébrés de coups de couteaux).
5. Le 14 novembre 1956, déclenchement de l'affaire Iveton à Alger (usine à gaz devant exploser) : membre du PC A, il fut arrêté pour activités terroristes, condamné à mort et fusillé.
6. Les accords d'Evian ont seulement été signés entre l'Algérie et la France : le Maroc et la Tunisie n'étaient nullement concernés. Ils datent du 18 mars 1962 et leur signature, par chacune des deux parties, les engageaient à l'application du cessez-le-feu le lendemain 19 mars à midi. Ces accords fixaient également les conditions du référendum d'autodétermination au 1er juillet avec le 3 juillet comme date de l'indépendance algérienne.
7. Le cessez-le-feu n'a pas été observé, hélas, par l'Armée de libération nationale (ALN) et le FLN après le 19 mars 1962, bien qu'il fût respecté par la France. Au cours du deuxième trimestre, donc d'avril à juin inclus, les pertes infligées par le FLN à nos soldats sont en effet de 30 tués, 73 blessés, et 120 disparus (référence 1H 1428-1429 des bulletins mensuels de renseignements). De nombreux civils français, européens et musulmans (plus de 6 000) furent enlevés, déportés et odieusement massacrés jusqu'en 1964, sans oublier les braves harkis, les supplétifs avec leurs familles, dont environ 150 000 ont été atrocement torturés, égorgés, brûlés, décapités, sans que notre armée n'intervienne et plus particulièrement en Oranie (Wilaya n°5).
8. Le 19 mars est une hérésie pour la date de commémoration des morts pour la France en AFN, car ni le Maroc ni la Tunisie ne sont concernés par le cessez-le-feu en Algérie, n'étant nullement impliqués dans les accords d'Evian du 18 mars 1962 puisque l'indépendance du Maroc date du 3 mars 1956 et celle, totale, de la Tunisie, du 20 mai 1956. Nos 1 247 militaires tués au Maroc et nos 665 en Tunisie, ainsi que nos 7 041 blessés du royaume chérifien et les 3 408 de la République tunisienne doivent être honorés, mais certainement pas le 19 mars car sans aucun rapport avec leur sacrifice. Le choix du 5 décembre se justifie donc pour commémorer annuellement les morts pour la France en AFN (Maroc, Tunisie et Algérie, car ce dernier pays a officialisé le 19 mars comme fête de la Victoire !)
9. Je me suis librement exprimé sur mon choix en faveur du 5 décembre, rejetant depuis 49 ans la date inadéquate du 19 mars par un article intitulé "Hommage aux morts pour la France en AFN, oui au 5 décembre ", publié dans le Journal des Combattants (n°2901 du 9 mai 2009) et diffusé sur le plan national.
10. Aucun des six présidents de la République en fonction depuis le 19 mars 1962 n'a jamais accepté d'officialiser cette date. Celle-ci a été baptisée Fête de la Victoire par le gouvernement algérien, avec émission d'un timbre couleur de cinq dinars pour le 35ème anniversaire de 1997 et le 40ème anniversaire en 2002.
11. Le président de la République, François Mitterrand, a reconnu lui-même dans sa conférence de presse du 22 septembre 1981 : « S'il s'agit de décider qu’ 'une date doit être officialisée pour célébrer le souvenir de la guerre d'Algérie, cela ne peut être le 19 mars parce qu’ 'il y aura confusion dans la mémoire d'un peuple. »
12. Il n'existe pas en France de commémorations ni de baptêmes de lieux pour le 22 juin 1940, date de l'armistice contre Hitler, demandé par le maréchal Pétain, ou pour le 21 juillet 1954, date des Accords de Genève mettant fin aux combats d'Indochine et signés par le président du Conseil, Pierre Mendès-France.
13. Le 29 septembre 1981, Jean Laurin, ministre des Anciens combattants, réunissait 29 associations représentatives concernées par la guerre d'Algérie. 26 se déclarèrent contre le 19 mars, mais en faveur du 16 octobre, jour anniversaire de l'inhumation du soldat inconnu d'Algérie dans la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais), même si certains penchaient plutôt pour un regroupement avec les cérémonies du 11 novembre.
14.20 ans après la création de la Fédération nationale des Anciens combattants d'Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA), au congrès national de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) d'octobre 1963, une délégation de la FNACA, composée de Maurice Sicart (secrétaire général), Jean Cavan (secrétaire national) et Serge Peronnet (trésorier national) était reçue le 30 juin 1983 au siège du PCF par Georges Marchais (secrétaire général), Etienne Fajon et Henri Costa (membres du comité central) et Roland Renard, député de l'Aisne. L'entretien entre les deux délégations a mis en évidence l'accord complet du PCF avec les demandes de la FNACA, qui ont été fermement défendues et continuent de l'être par les élus communistes à l'Assemblée nationale et au Sénat. Cette rencontre entre le PCF et la FNACA a fait l'objet d'un article intitulé : "Anciens combattants, rencontre entre le PCF et la FNACA " dans le quotidien L'Humanité du 1er juillet 1983.
15. Le 19 mars 1992, le journal officiel du FLN, El Moudjahid, publiait en "une" son éditorial intitulé "Le jour de la victoire ". Signé par Saada Mes-sous, ancien secrétaire général de la Wilaya n°3 durant la guerre d'Algérie, on pouvait y lire : Le 19 mars 1962 devrait être considéré comme étant la date qui a vu la consécration de la victoire du peuple algérien... une victoire que doit célébrer le peuple algérien comme est célébrée la victoire sur le nazisme par le monde entier le 8 mai 1945. » Cette date du 19 mars est d'autant plus inacceptable pour honorer la mémoire de nos victimes civiles et militaires que le FLN et les Algériens en font une journée de « gloire à leurs martyrs ! »
16. Le 19 mars 1997, pour le 35eme anniversaire du "cessez-le-feu" en Algérie, la FNACA menait une action intense auprès du pouvoir en place pour la sortie d'un timbre français commémorant cette date anniversaire. Après des interventions appropriées début janvier 1996 de personnes physiques hostiles à ce projet auprès des ministres des télécommunications et des ACVG, la première émission du timbre-poste à 3 francs et en couleur eut lieu les 10 et 11 mai 1997 au ministère des ACVG avec la mention « hommage aux combattants français en Afrique du Nord 1952-1962 ». De plus, sa sortie officielle n'était pas simultanée à celle du gouvernement algérien qui avait bien choisi, lui, la date du 19 mars.
17. Le 1er juillet 1998. Le groupe communiste à l'Assemblée nationale déposait la première proposition de loi en faveur du 19 mars. A partir de là, la 9eme proposition de loi concernant cette fameuse date a été déposée le 5 décembre 2000 par 17 députés du groupe Radical, citoyen, verts (RCV), portant le nombre de députés de toute étiquette politique en accord avec le 19 mars à 343. Le groupe RCV, utilisant sa fenêtre parlementaire, a permis la discussion de sa proposition de loi le 15 janvier 2002, et son vote au scrutin public le 22 janvier 2002. Le texte fut adopté à une faible majorité : 278 pour et 204 contre, soit 57,68% des suffrages exprimés, et 53,77% des votants. Il y a eu 35 abstentions et 47 députés n'étaient pas présents ou n'ont pas voté. Le seul groupe à avoir voté à l'unanimité pour le 19 mars est le groupe communiste, avec 35 inscrits (aucun absent). On retrouve donc la collusion entre la FNACA et le PCF ! Même les groupes RCV (31 inscrits) à l'origine de la proposition de loi, et socialiste (249 inscrits) ont eu respectivement trois voix contre (trois abstentions et quatre absents) et six contre (15 abstentions et 23 absents). Le gouvernement Jospin n'a pas voulu transmettre cette loi au Sénat, estimant la majorité obtenue à l'Assemblée nationale nettement insuffisante.
18. La démocratie représentative de notre chère patrie repose avant tout sur le respect des lois. Lorsqu'une fédération (la FNACA, l'ARAC ou l'ANCAC) refuse de participer à la cérémonie nationale et officielle du 5 décembre, mais seulement au 19 mars, c'est inadmissible et intolérable. Ces associations devraient voir leurs subventions exceptionnelles mais aussi annuelles de fonctionnement supprimées définitivement pour non-respect de la loi, que ces subventions soient attribuées par l'Etat ou les différentes collectivités territoriales : ce sont les contribuables qui, avec leurs impôts, paient ces subventions injustifiées à des mouvements dits patriotiques qui violent ouvertement la loi républicaine ! Où va-t-on ?
19. En janvier, mars et avril 1990, il y eut une remise sur le sol français, par des représentants du gouvernement algérien, de la médaille de la résistance algérienne à 17 renégats français, dont sept femmes, porteurs de valises au profit du FLN. Celles-ci étaient remplies d'argent, de tracts, d'armes et de munitions, tant dans l'agglomération parisienne (Paris, Bezons) que dans le reste de la France (comme à Tarnos, dans les Landes). Des élus, militants et sympathisants du PCF contribuèrent ouvertement, au cours de cette période, à honorer ces traîtres à leur patrie : quelle honte !
20. Il est pour le moins paradoxal de se rappeler les consignes d'immobilisme du bureau politique du PCF lors de la signature, le 23 août 1939, du pacte germano-soviétique jusqu'à sa violation par Hitler en juin 1941. En octobre 1939, ce fut la désertion de Maurice Thorez, secrétaire général du PCF qui franchit les lignes allemandes pour rejoindre Staline à Moscou. A la Libération, sous couvert de l'épuration, certains maquis FTP d'obédience communiste ont exécuté sans aucun jugement de nos compatriotes comme collaborateurs alors que leur culpabilité paraissait loin d'être prouvée pour plusieurs d'entre eux, motivant l'énergique intervention du général de Gaulle pour y mettre rapidement fin. Comble de l'ignominie, tant en Indochine qu'en Algérie, soit pendant 16 ans, le PCF et la CGT contribuèrent largement à aider nos adversaires vietminh et du FLN, sabotant même le matériel et les munitions destinés à nos troupes envoyées combattre dans ces pays par des gouvernements de gauche et de droite démocratiquement investis. Ainsi ont-ils indirectement, voire directement pour certains, tiré dans le dos de nos braves concitoyens qui se battaient sous nos trois couleurs !
21. Les médailles commémoratives des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre avec agrafe "Algérie" sont attribuées jusqu'au 1" juillet 1964, et la période d'attribution des cartes du combattant AFN et du Titre de reconnaissance de la nation (TRN) limitée au départ au 2 juillet 1962, a été, grâce à l'action de la FNACA et du front uni, fixée du 31 octobre 1954 au 1er juillet 1964 comme pour la médaille commémorative d'Algérie.
Si le 19 mars 1962 est pour la FNACA vraiment la date du cessez-le-feu en Algérie, pourquoi réclamer alors des titres de combat jusqu'au 1er juillet 1964 ainsi que des médailles commémoratives ? Il y a une évidente contradiction !
22. Avec ses 353 834 adhérents (dont un nombre important de veuves) au 31 août 2010, la FNACA ne représente que 20,24% des combattants d'AFN, si l'on considère le chiffre officiel de 1 747 927 militaires de toutes origines ayant servi en AFN (Maroc, Tunisie et Algérie) de 1952 à 1962.
23. Enfin, il y a une désinformation systématique des pertes subies en AFN et des effectifs ayant servi au Maghreb de 1952 à 1962. La FNACA prétend, sans vouloir reconnaître l'évidence des chiffres publiés au Journal officiel du 4 août 1986, qu'il y a eu 30 000 militaires de tués en AFN de 1952 à 1962 alors que le Journal officiel fait état de 25 108 tués au combat ou par attentat mais aussi ceux par accidents et maladies !
Si la FNACA trouve que la France n'a pas déjà suffisamment de morts avec ses 25 108, que vise-t-elle par cette contre-vérité historique ?
Elle affirme également qu'il y a eu trois millions de combattants en AFN 1952 à 1962 alors qu'en réalité il y en a eu 1 747 927, dont 1 343 000 appelés et rappelés pour 404 927 d'activé. Gonfler le nombre de combattants et surtout le nombre de morts par rapports aux chiffres officiels détenus à ce jour, n'est-ce pas de la désinformation systématique et voulue par la FNACA dans un but peu louable ?
Le Journal officiel du 4 août 1986 (page 2469, Débats de l'Assemblée nationale), document détenu et transmis par le Service historique de l'armée de terre (SHAT), donne la répartition pour le conflit d'AFN entre 1952 et 1962 des effectifs ayant servi ainsi que des tués et blessés, toutes armes confondues :
Effectifs : Algérie : 1 419 125 (317 545 d'activé et 1 101 580 appelés) ; Tunisie : 165 049 (43 792 d'activé et 121 257 appelés) ; Maroc : 163 753 (43 590 d'activé et 120 163 appelés).
Pertes :
Algérie: 23 196 tués et 60 188 blessés ;
Tunisie : 665 tués et 3 408 blessés ;
Maroc : 1 247 tués et 7 041 blessés
Total AFN : 25 108 tués et 70 367 blessés.
Sur les 23 196 morts de l'armée française en Algérie de 1954 à 1962, les appelés ou rappelés représentent 11 913 victimes, soit 51,36%.
Morts au combat en Algérie :
5 605 (active), 7 349 (appelés) ; Total: 12 954.
Morts d'accident : 4 595 (active), 3 462 (appelés) ; Total : 8 057.
Morts de maladie : 621 (active), 564 (appelés) ; Total : 1 185.
Disparus : 462 (active), 538 (appelés) ; Total : 1000.
Seulement, par rapport à l'effectif ayant servi en Algérie, sur les 317 545 militaires d'activé ou de carrière, les morts atteignent un pourcentage de 3,55 contre 1,08 pour les appelés, rappelés et maintenus, s'élevant à 1 101 580 hommes. Le ratio est là !
Sur le total général des personnels, toutes catégories confondues, ayant participé au conflit algérien de 1954 à 1962, à savoir 1 419 125, les pertes sont de 1,63%, pourcentage supérieur de 0,55 point à celui des appelés et rappelés mais inférieur de 1,92 point à celui de l'active. La voici, cette « sacrée vérité », même si elle déplaît à certains responsables et adhérents de la FNACA !
Pourquoi des parlementaires, des élus des collectivités territoriales et municipales la déforment-elle ? Dans quel but ? Il est difficile de savoir où ils veulent en venir en violant le décret présidentiel de 2003 et la loi de 2005. Pour beaucoup, ce n'est, dans leur esprit, que le seul souci électoral du futur !
25-06-2011 LE JOURNAL DES COMBATTANTS |